MauMa  : de l’art urbain pour transformer le Nord de Marseille

Depuis un an et demi, l’association Meta 2 a entrepris avec le réseau d’entreprises Cap au Nord Entreprendre un vaste chantier : celui de faire apparaître d’ici 5 ans 100 fresques d’art urbain dans l’arrière port marseillais. Une façon de redonner de l’attractivité à ce territoire, de l’apaiser, et de changer le regard que le monde lui porte.
(Crédits : @Céleste, La Corniche Belle Vue, 2022)

Enlèvements, assassinats, trafic de drogues : il y a encore trente ans, il était difficile de ne pas s'aventurer la peur au ventre dans les rues de Medelin, et en particulier dans son quartier Comuna 13, plaque tournante des trafics de drogue dont Pablo Escobar fut une funeste figure. Aujourd'hui pourtant, des touristes du monde entier s'y pressent, admirant les fresques colorées dont se sont fardées les rues, au long desquelles les bombes aérosols ont remplacé les armes. La ville est apaisée. Et l'art urbain y est pour beaucoup.

L'art urbain pour changer la ville : c'est aussi ce en croit une association marseillaise installée dans le 3e arrondissement de la ville : Meta 2. Créée il y a vingt ans, elle a d'abord vocation à rendre l'art accessible au plus grand nombre. Puis en 2011, elle réalise sa première œuvre visible dans l'espace public : une mosaïque.

C'est pendant l'épidémie de covid-19 qu'elle imagine un projet d'une autre amplitude. Un musée d'art urbain à ciel ouvert qui illuminerait de cent fresques l'arrière port marseillais, c'est-à-dire un triangle dont les trois sommets seraient la Friche Belle-de-mai, le Mucem et le marché aux puces, dans la partie Nord de la ville.

Valoriser une culture urbaine déjà ancrée

Évidemment, le territoire Nord de Marseille n'est pas Medelin. La violence est bien moindre au quotidien. Mais là aussi, le trafic de drogues et les règlements de compte noircissent le quotidien des habitants. Le taux de pauvreté est préoccupant. Le taux de chômage bien supérieur à la moyenne nationale. Et l'enclavement de certains quartiers enferme certaines populations dans des trappes de pauvreté.

Par ailleurs, dans ces quartiers comme dans l'ensemble de la ville, la culture urbaine - qui inclut l'art urbain, mais aussi le rap, le hip-hop ... - est très présente. Et ce depuis longtemps, avec l'émergence de groupes comme IAM, Psy4 de la rime ... Avec de nombreuses fresques dans les quartiers du Panier ou de la Plaine ... Mais elle demeure peu valorisée, y compris en 2013 quand la ville est sacrée capitale de la culture.

Mais depuis le covid-19, Marseille a davantage la côte et sa culture urbaine aussi. En témoigne le succès national du rappeur Jul avec sa Bande organisée en 2020. L'occasion de réfléchir à la manière dont on peut mettre cette culture urbaine « au cœur de l'identité de la ville et la faire contribuer à l'attractivité culturelle de la ville », analyse Aurélie Masset, directrice de Méta 2. Et ce, d'autant plus que le territoire concerné est en pleine mutation au travers du projet d'aménagement Euro-méditerranéenne 2. « Il faut trouver une manière de faire le lien entre cette ville nouvelle et sa tradition urbaine. Penser à la manière dont on construit de manière commune la suite de l'histoire ». Ce qui sous-entend : en impliquant les habitants. « Ils n'ont pas la possibilité de construire, mais ils peuvent embellir la ville grâce à l'art urbain ». Un art qui a par ailleurs la vertu d'être gratuitement accessible au plus grand nombre de par sa présence imposante dans l'espace public.

Implication des habitants et insertion

Les habitants sont ainsi au cœur de la démarche du Musée des Arts urbains de Marseille (MauMa), co-porté par Méta 2 et Cap au Nord Entreprendre. Car si un surcroît d'attractivité de ces territoires est bien sûr attendu -comme à Medelin où l'art urbain a offert un regain d'activité aux commerçants locaux-, l'enjeu est surtout d'en faire profiter la population locale. « Pour chaque projet, nous mènerons des ateliers sur l'artiste et son œuvre ». Certains artistes font même participer les habitants dans la conception de leur fresque. Et Meta 2 veut aller plus loin en ajoutant au MauMa une coloration d'insertion.

Car l'insertion est un métier que connaît bien l'association pour avoir déjà monté des projets en ce sens. Elle sait donc combien « l'art est un moyen de réfléchir à son avenir ». Combien il peut offrir à des personnes éloignées de l'emploi, en difficultés économiques et sociales, « un sas de respiration ». Un sas qui a la vertu de s'ouvrir sur de nombreux métiers connexes et souvent en tension : nacelliste, cordiste ...

C'est pour tirer profit de ce potentiel que vient d'être créée l'École du MauMa. La première promotion, composée de 16 jeunes, se répartira en deux groupes : l'un dédié au travail de communication autour du MauMa, l'autre à tout ce qui a attrait aux métiers du bâtiment, indispensables dans la réalisation de fresques. « Le programme durera six semaines et sera assez intensif. Les jeunes travailleront en mode projet et seront accompagnés par des conseillers d'insertion professionnelle ». Avec le soutien d'acteurs locaux de la formation.

Deux promotions devraient être mises en place chaque année, contribuant à l'objectif de cent fresques réalisées sous cinq ans.

Artistes et visiteurs déjà au rendez-vous

Mais pour y parvenir, il faudra aussi pouvoir s'appuyer sur suffisamment d'artistes. D'où le lancement d'un appel à manifestation d'intérêt qui a permis de constituer un répertoire de 400 artistes potentiellement intéressés. Et qui dit fresque dit aussi surfaces, c'est pour cette raison qu'a été lancé un appel aux murs. « Aujourd'hui, nous travaillons surtout sur des murs appartenant à des collectivités ou à des bailleurs sociaux. Pour les copropriétés, obtenir les autorisations est un peu plus long ».

Au fil du temps, les œuvres donneront lieu à des balades régulières payantes - certaines sont déjà proposées ponctuellement, à la demande- organisées par Méta 2 et éventuellement par des partenaires. « Nous avons déjà une vraie demande de la part d'un public varié : des étudiants parisiens, des groupements d'entreprises ... ». La création d'une application permettant des visites numériques est aussi à l'étude.

Pérenniser les financements

Enfin, reste à avancer sur la question du financement. «Pour le moment, nous obtenons des financements fresque par fresque. Il faudrait sortir de cela et aller vers plus de stabilité économique. Nous sommes accompagnés par Rising Sud sur ce sujet».

Parmi les soutiens financiers du projet : des acteurs publics mais aussi, et surtout, des structures privées : Fondation des Apprentis d'Auteuil, Orange, Profil, OM Fondation, Fondation SNCF, Logirem. Auxquels s'ajoutent certains dons ou prestations offertes gracieusement par des entreprises du territoire : mise à disposition d'une nacelle, d'un échafaudage, réalisation de vidéos ...

Des entreprises mobilisées notamment par Cap au Nord Entreprendre, puis convaincues par les interventions de l'équipe de Méta 2 auprès de chacune. « Soutenir un projet comme le MauMa permet aux entreprises d'enrichir leur politique RSE, de motiver leurs salariés, mais aussi de soutenir la formation dans des métiers en tension et le développement économique du territoire. De rendre celui-ci plus attractif». D'autant que le MauMa ne lésine pas sur les ambitions. « Ce projet apportera à ce territoire un rayonnement international. Cela ne peut qu'être bénéfique ».

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