Le plaidoyer (et la stratégie) du président du tribunal de commerce de Marseille pour la prévention

Le nouveau président du tribunal de commerce de Marseille, Patrick Lesbros, veut poursuivre le travail de pédagogie déjà engagé sur le rôle de prévention de cette juridiction souvent perçue comme celle de la fin de vie des entreprises. Un message d'autant plus important à l'heure où l'activité économique retrouve ses niveaux d'avant Covid-19.
(Crédits : DR)

Au premier étage du tribunal de commerce de Marseille, le mur où sont gravés les noms de tous les présidents de la juridiction n'a pas encore été mis à jour. Et pour cause, le changement est tout récent. « J'ai pris mes fonctions il y a 15 jours », rappelle Patrick Lesbros, qui vient d'être élu pour succéder à Jean-Marc Latreille. Peu de temps donc, mais suffisamment pour prendre la mesure du poste. « Il faut surtout être disponible, j'ai déjà eu des rendez-vous au téléphone à 22 heures qui se sont poursuivis le lendemain à 6h avec entre temps des gens qui travaillent pour aider l'entreprise », raconte-t-il.

Cadre au sein d'EDF, Patrick Lesbros a rejoint le tribunal de commerce il y a dix ans. Il explique s'être, avec le temps, « naturellement posé la question » de se porter candidat à la présidence. A l'image de son prédécesseur, il pointe l'accompagnement comme l'enjeu majeur du tribunal de commerce dont le nom fait généralement peur aux entrepreneurs et dirigeants. « Nous devons leur dire que nous ne sommes pas le tribunal de la fin de vie des entreprises », souligne Patrick Lesbros. « C'est le tribunal auprès duquel les entreprises peuvent se mettre sous protection », ajoute-t-il. Il s'agit pour une société de profiter des services mis à disposition par la juridiction avant qu'il ne soit trop tard. « J'incite fortement les entreprises qui identifient des premiers signes de difficulté à prendre un rendez-vous », insiste Patrick Lesbros.

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Un contexte économique difficile

Une affirmation qui s'appuie sur ce que le président de la juridiction appelle « la règle des 80 », à savoir que plus de 80% des entreprises qui ouvrent une procédure amiable « sortent par le haut », à l'inverse plus de 80% des entreprises en procédure collective sont liquidées et enfin 80% des dirigeants « ne savent pas qu'il existe une procédure amiable ». Cette dernière présente notamment l'avantage d'être confidentielle et de ne pas concerner tous les créanciers, de quoi protéger l'entreprise qui n'est pas obligée d'informer tous ses créanciers de ses difficultés. « Souvent, cela permet de traverser cette période difficile et in fine tous les acteurs avec lesquels elle travaille s'en portent mieux », défend Patrick Lesbros.

Un discours d'autant plus important que le contexte économique est difficile. Au-delà de la crise inflationniste, l'activité retombe à ses niveaux d'avant-Covid, c'est-à-dire presque atone puisque les contraintes sanitaires ont été compensées par des aides massives. Les redressements et liquidations judiciaires, en forte hausse sur un an, ont par exemple retrouvé leurs niveaux de 2019. « Nous pensons que 2024 sera difficile », prévient Patrick Lesbros face à une hausse de certains « indicateurs » comme les injonctions de payer, les poursuites des organismes fiscaux et sociaux ou encore les reports d'assemblée générale.

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Vers le tribunal d'activités économiques

Pour faire passer son message, le tribunal de commerce se rapproche davantage des organisations patronales. « Je leur demande, ainsi qu'aux clubs des entreprises, de nous recevoir pour parler des procédures amiables, nous voulons accentuer notre communication », appelle Patrick Lesbros. Un besoin de notoriété d'autant plus important que la cible a tendance à s'élargir comme en témoigne l'augmentation des immatriculations pour les commerçants et personnes physiques, quand elles baissent pour les sociétés.

Les compétences du tribunal de commerce pourraient également s'élargir puisque la juridiction marseillaise est candidate à la phase expérimentale des tribunaux des activités économiques. Voté en juillet par l'Assemblée nationale, il s'agit d'étendre la compétence du tribunal de commerce aux sociétés civiles, sociétés mutuelles, associations, agriculteurs et professions libérales, qui relèvent aujourd'hui du tribunal judiciaire. « J'espère que nous serons retenus car le tissu associatif est très fort à Marseille », appuie Patrick Lesbros qui assure « s'y préparer d'ores et déjà en se formant ». La formation est également un axe sur lequel souhaite s'appuyer le président du tribunal de commerce « pour conserver la qualité de nos décisions » afin de contrer la menace  « d'échevinage » qui plane régulièrement.

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