Ce que l'histoire de Cosens raconte de l'évolution de l'entrepreneuriat en Provence-Alpes-Côte d'Azur

Installée à Marseille, cette couveuse a accompagné de nombreux projets emblématiques de la ville avant de s'étendre vers d'autres zones de la région, y compris dans des territoires ruraux. Un développement qui s'est construit en même temps que l'engouement pour l'entrepreneuriat s'est renforcé, celui-ci offrant de plus en plus, pour ses porteurs, l'espoir de changer de vie. De sorte que s'est bâti au gré des années un marché très concurrentiel de l'entrepreneuriat. Marché sur lequel la communication est en enjeu majeur, de même que l'atteinte d'une taille critique.
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@August photographies (Crédits : DR)

Tiers-lieux qui mélangent des publics peu habitués à se rencontrer, commerces de bouche innovants, boutiques à concept qui attirent de nouveaux publics, végétalisation d'espaces... Nombreuses sont les initiatives qui transforment le visage nos villes. Initiatives émanant de collectivités locales, parfois sous l'impulsion de politiques publiques. De citoyens, d'associations, d'entreprises... qui s'appuient souvent sur des acteurs de l'ombre : les structures de l'accompagnement à l'entrepreneuriat. Des structures dont le recul offre un large point de vue sur les évolutions de l'entrepreneuriat, et à travers lui de la société. La couveuse Cosens est de celles-ci.

Soigner l'accueil des porteurs de projets

Née en 1998 dans les quartiers nord de Marseille, la couveuse est une petite association qui, comme beaucoup, se débrouille avec des bouts de ficelles. « On avait deux ordinateurs et des tables récupérés à droite à gauche », se rappelle Frédéric Olive, directeur de Cosens. « Nous étions pleinement dans une démarche de développement local. Il y avait déjà beaucoup de structures d'aide à la création d'entreprise. Nous voulions nous différencier par le fait de mettre les gens en situation d'apprentissage, par la pratique ». Ce que le cadre juridique de l'époque ne permet toutefois pas vraiment. « Alors nous signions des contrats emploi jeune ou des conventions de stages pour salariés les gens qui voulaient entreprendre ». Un travail de lobbying permettra plus tard de créer des dispositifs plus adaptés à ce type de démarches, lorsque Cosens aura rejoint le centre-ville, optant pour des locaux plus en adéquation avec ce qu'elle entend offrir comme accueil à ses publics venus de divers horizons.

Ce soin apporté au public, notamment dans les quartiers populaires, Cosens le défend encore à travers un autre projet, quelques années plus tard : le Carburateur, cette pépinière d'entreprise implantée depuis 2015 dans le 15e arrondissement de la ville. « On a beaucoup insisté auprès de la Métropole pour que ce projet soit porté dans les quartiers nord et dispose de moyens suffisants. Cela a fonctionné. Le Carburateur, c'est un geste architectural, des moyens qui font la différence pour les porteurs de projets ».

Dans la même veine, Cosens est en régie de Mikado, autre porte d'entrée vers l'entrepreneuriat, cette fois du côté de Martigues. Il a aussi porté le Lieu Dit, à Riez, un espace labellisé Fabriques de territoires, qui a été sollicité par la Métropole pour la gestion d'un espace de test agricole, permettant à de jeunes exploitants de se lancer.

Engouement pour l'entrepreneuriat

Au delà de ces espaces, Cosens est intervenu auprès de porteurs de projets très divers. Commerces de bouche, traiteurs, créateurs de mode... Soit 3.000 projets accompagnés en 25 ans. « Notre ADN, c'est notre envie d'aider les gens qui ont des projets à les mettre en place », résume Laurie Di Stefano, directrice adjointe de Cosens. Des personnes de plus en plus nombreuses tant l'entrepreneuriat s'est répandu. En particulier depuis 2009, avec la création du statut de micro-entrepreneur qui a fortement accentué le nombre d'indépendants dans le secteur tertiaire. Et la hausse se poursuit. Puisqu'en 2021, le nombre de sociétés a crû de 24 %, celui de micro-entreprises de 17 % selon l'Insee. « De plus en plus de gens veulent créer leur entreprise », observe Laurie Di Stefano et Frédéric Olive. « Selon un sondage Opinion Way, une personne sur trois envisagerait comme possible la création d'entreprise. Cette hausse de la demande a ouvert un marché énorme qui est pris par un grand nombre d'acteurs : des petits, des gros, des espaces de coworking, des banques, des comptables qui se spécialisent...  On se retrouve avec un écosystème très dense, très complexe, parfois illisible. L'ambiance est très concurrentielle ». Y compris à Marseille où cet écosystème est encouragé par les Carrefours de l'entrepreneuriat dans le cadre du plan Marseille en Grand. Face à cette concurrence exacerbée, Cosens veut travailler davantage sa communication, s'appuyant pour cela sur ses incubés comme ambassadeurs. L'enjeu est par ailleurs d'atteindre une taille critique pour mieux assumer la charge administrative qui s'est, de l'avis de Frédéric Olive et Laurie Di Stefano, fortement alourdie avec les années.

« Grossir est important si l'on veut impacter plus fortement les territoires. Nous devons construire un ensemblier, avec une structure associative qui joue le rôle de gardienne du temple ». Un peu sur le modèle de la Varappe que cite Frédéric Olive. Ce grossissement peut notamment passer par de la croissance externe, ce que Cosens - qui compte pour l'heure neuf salariés - a pratiquée à plusieurs reprises. « Jusque dans les années 2015, nous n'étions présents que dans les Bouches-du-Rhône. Puis nous nous sommes étendus dans les Alpes-de-Haute-Provence en rachetant une structure qui y était installée ». Une stratégie également à l'œuvre à travers le récent rachat de l'îlot Travail, un espace mêlant coworking, location de salles et domiciliation d'entreprises, à Marignane.

« L'entrepreneuriat n'est pas l'alpha et l'omega de la vie professionnelle »

Mais cet engouement pour l'entrepreneuriat, ne cache-t-il pas, côté porteurs de projet, des désillusions ? « L'entrepreneuriat n'est pas l'alpha et l'omega de la vie professionnelle », pense Frédéric Olive. Et Laurie Di Stefano de compléter : « Le principe de noter couveuse n'est pas d'inciter de créer à tout prix. Les gens sont trois ans pour tester leur activité, savoir si cela leur convient ou pas. L'entrepreneuriat est difficile. Les gens doivent vérifier que cela les épanouit vraiment ». D'autant qu'avec l'essor de l'entrepreneuriat, la concurrence est forte entre porteurs de projets. « L'entrepreneuriat exige de plus en plus de polyvalence. Il faut notamment très bien maîtriser la communication, y compris pour les artisans ». Sur 100 personnes qui franchissent la porte de Cosens, 60 créent finalement leur entreprise ; 20 prennent finalement le chemin de l'emploi salarié, mettant un terme à l'aventure entrepreneuriale qui leur a permis de franchir un cap - souvent charnière- de leur vie.

« Les personnes qui se lancent dans l'entrepreneuriat à nos côtés le font parfois parce qu'ils se trouvent à un moment de bascule de leur vie ». Un divorce, une mauvaise expérience professionnelle qui les a dégoûtés du salariat, le passage d'un âge qui a provoqué un déclic, une quête de sens ... « C'est très visible depuis quatre ou cinq ans. Beaucoup de gens viennent nous voir parce qu'ils ne veulent plus des conditions du salariat. Ils veulent renouer avec leurs valeurs », relève Laurie Di Stefano. Ils, ou plutôt elles. « 70 % sont des femmes. C'était très marqué il y a vingt ans. Les femmes, manquant davantage de confiance en elles, avaient le sentiment de devoir être accompagnées. Les hommes, moins. Ils pensaient que cet accompagnement de 36 mois allait les ralentir. Cela a un peu changé ». Mais la part de femmes reste majoritaire. Notamment parce que Cosens est spécialisée dans les activités de services, davantage choisies par les femmes.

Quand l'entrepreneuriat débarque dans les territoires ruraux

Au delà de ces caractéristiques de genre, les porteurs de projets sont en moyenne plutôt diplômés (Bac+5), et âgés d'une quarantaine d'années. Ils vivent en ville mais aussi, de plus en plus, dans les territoires ruraux où Cosens dispose d'implantations. « L'entrepreneuriat a mis plus de temps à arriver dans les villes rurales. Mais il y est parvenu grâce à une volonté en ce sens ». Et de citer des dispositifs comme Petites Villes de demain, Action cœur de ville, le soutien de l'ANCT à destination des tiers-lieux... Néanmoins, l'accompagnement à l'entrepreneuriat dans ces territoires n'est pas chose aisée.

« En ville, on peut hybrider nos modèles en proposant du coworking, la vente de services... Dans les zones rurales, cela est plus difficile car le bassin de population est moins important ». En résulte une plus forte dépendance vis-à-vis des décideurs politiques, avec un risque de voir les actions stoppées à tout moment.

Contribuer à la transition écologique

En ayant un pied dans ces territoires en même temps que dans les villes, Cosens espère nouer des liens entre les deux. Et pourquoi pas, consolider des filières. Y compris autour de l'alimentation, au cœur des enjeux de la transition écologique qu'elle veut défendre. Avec la volonté d'accompagner des projets tout au long de la filière alimentaire, de la terre au commerce, de sorte que chaque maillon puisse compter sur les autres. D'où l'engagement de Cosens auprès du projet de Conservatoire des oliviers, à La Fare-les-Oliviers. Un lieu de rencontre où seront notamment menées des actions de sensibilisation à la transition écologique.

Incarner la transition écologique. Avec la conviction qu'il faut être exemplaire pour donner envie aux autres de l'être à leur tour. L'authenticité comme mantra, face à des « générations qui ne supportent plus es distorsions de discours ». « Nous avons la chance d'avoir un véhicule qui peut faire des choses à sa mesure. On peut s'engager dans des projets qui vont dans ce sens ».

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Commentaire 1
à écrit le 07/12/2023 à 8:09
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L’avantage de notre système oligarchique est qu'il est incapable d'aller chercher du sang neuf et donc du talent en bas de la pyramide, persuadé que le talent s'hérite, qu'il est dans le sang devenu mayonnaise avec le temps d'ailleurs, il y a donc én...

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