Le Parc naturel du Mont Ventoux, exemple de la conjugaison entre écologie et économie

Dernier parc naturel national créé en Provence-Alpes Côte d'Azur - en 2020 - couvrant une large part du territoire du Vaucluse, le Mont-Ventoux est surtout ancré dans l'imagerie populaire pour son rapport au sport en général et au cyclisme en particulier. Mais il est aussi un territoire riche en biodiversité et à l'activité économique majoritairement tournée vers l'agriculture et le tourisme. Deux spécificités qui dessinent sa stratégie de développement et d'attractivité.
Avec ses 88.000 habitants, 1 million de visiteurs par an et une agriculture très riche, le Parc du Mont-Ventoux doit imaginer un développement économique compatible avec la préservation de son patrimoine naturel et culturel.
Avec ses 88.000 habitants, 1 million de visiteurs par an et une agriculture très riche, le Parc du Mont-Ventoux doit imaginer un développement économique compatible avec la préservation de son patrimoine naturel et culturel. (Crédits : DR)

Étape mythique du tour de France, tremplin pour les amateurs de parapentes, point de vue sans pareil pour randonneurs et photographes, le Mont-Ventoux « semble surgir de la plaine et peut apparaître comme très accessible vu d'en-bas », observe Ken Reyna, directeur du PNR du Mont-Ventoux. Pourtant, ceux qui s'essaient à grimper jusqu'à son sommet lunaire « se rendent compte que c'est un vrai défiQue ce n'est pas une colline mais une vraie montagne ». Le Mont-Ventoux est aussi un havre de biodiversité, composé de paysages et d'écosystèmes très variés. Sur les 90.000 hectares que protège le Parc naturel, 53 % sont des espaces naturels composés d'espèces végétales - dont des espèces endémiques -, d'oiseaux nicheurs ou encore de plus de 1.400 papillons en tous genres... Une richesse qui vaut au Mont-Ventoux la qualification, depuis 1990, de réserve de biosphère par l'Unesco.

Un tableau complexe

Sauf que le Mont-Ventoux n'est pas qu'un espace naturel. 9 % de sa surface sont urbanisés ; Carpentras, avec 28.000 habitants, étant sa ville la plus peuplée quand 32 % de ce territoire sont dédiés à l'agriculture, première activité économique devant le tourisme. Maraîchage, viticulture, arboriculture, oléiculture mais aussi lavande et élevage ovin... Des cultures reconnues par onze appellations d'origine (AOP) et neuf Indication géographique protégées (IGP), mais particulièrement impactées par les effets du réchauffement climatique : températures sans cesse plus élevées, moindre disponibilité de l'eau, cultures plus précoces... de même que par la déstabilisation de certains mécanismes naturels comme la pollinisation ou la disparition d'espèces auxiliaires qui peuvent également nuire à l'agriculture.

Autant d'enjeux, à la fois contradictoires et imbriqués les uns aux autres, qui rendent difficile la gestion d'un tel espace. D'où la volonté des collectivités locales liées au Mont-Ventoux de se fédérer autour d'un PNR. Un processus enclenché en 2013 pour n'aboutir que sept années plus tard, en juillet 2020.

Moyens financiers et moyens humains

« Le but de la création du PNR était de faire reconnaître ce territoire à forte valeur naturelle et paysagère, avec son patrimoine culturelNous travaillons à un développement du territoire qui soit compatible avec la préservation de ces patrimoines, culturel et naturel, et qui préserve la qualité de vie des habitants » explique Ken Reyna, cela malgré une fréquentation touristique d'un million de visiteurs par an.

Concrètement, les PNR ne disposent pas de pouvoirs réglementaires. Mais ils peuvent mettre en place des actions d'information, de sensibilisation et plusieurs types d'expérimentations grâce à des moyens accrus. Moyens financiers d'une part - avec des fonds en provenance de l'Europe, de l'État, des collectivités locales -, moyens humains d'autre part. « Nous avons 19 agents et 23 écogardes ».

Surtout, le PNR, et tout le processus qui a conduit à sa création, permet à des acteurs divers de travailler ensemble à la préservation d'un commun. « Autour du Mont-Ventoux, l'enjeu est fort car cette montagne constitue une barrière naturelle qui sépare les communes les unes des autres. Mais c'est aussi un point de rassemblement puisque chacun y a des souvenirs : une ascension difficile, des balades en famille... Ce travail collectif mené depuis 2013 nous a donné une énergie qui durera longtemps ».

Rendre l'agriculture plus durable et plus accessible

Une énergie nécessaire pour faire face aux principaux enjeux pointés par le PNR. Parmi eux, celui d'encourager une agriculture plus respectueuse des équilibres naturels.

« Nous accompagnons et expérimentons de nouvelles pratiques agricoles ». Des pratiques moins consommatrices d'eau, de pesticides, d'engrais... qui ont vocation à faire l'objet d'études scientifiques pour en évaluer l'impact. « En viticulture par exemple, nous encourageons les bandes d'enherbement entre les rangées de vignes. Nous incitons également à la diversification des cultures au sein d'écosystèmes agroécologiques. Nous voulons être un démonstrateur de solutions. En montrant que ce type de pratiques peut générer de bons rendements et donc suffisamment de revenus, cela peut donner envie à d'autres agriculteurs de les adopter ».

Et pour soutenir l'agriculture locale, le PNR du Mont-Ventoux anime un Projet alimentaire territorial (PAT). « Nous travaillons à réduire la distance entre producteurs et restaurateurs. Nous nous penchons également sur le sujet de la précarité alimentaire », sujet important dans ce département où le taux de pauvreté avoisine les 20 % selon l'Insee. « Nous avons, par exemple, lancé un programme à destination des jeunes accompagnés par la Mission locale pour les aider à mieux manger et à trouver un emploi dans les métiers de l'alimentaire, que ce soit dans l'agriculture, dans la transformation, dans la distribution ou dans la restauration ».

Soutenir l'éco-tourisme

Au-delà de l'agriculture, le PNR s'attelle à rendre son tourisme plus durable, quand bien même le titre de PNR est un vecteur d'attractivité qui risque de faire grossir les flux de visiteurs. « Nous travaillons sur les aménagements afin de mieux canaliser la fréquentation et mieux préserver certains espaces naturels. On peut définir des itinéraires ou interdire certaines activités comme l'escalade au moment où les rapaces nichent sur les falaises ».

Quid des quotas comme ceux pratiqués dans les Calanques de Marseille ou sur l'île de Porquerolles dans le Var ? « Avec une montagne de plus de 25.000 hectares traversée par une grande route départementale que fréquentent de nombreux habitants, ce type de mesure est peu approprié pour notre territoire dans son ensemble. On y réfléchit néanmoins pour de plus petits secteurs de baignade, mais il est difficile de poser une jauge. Nous avons besoin d'y travailler avec des scientifiques ».

Enfin, l'écotourisme promu par le PNR doit aussi profiter aux commerçants et artisans locaux. Que ce soit en encourageant auprès des touristes l'achat de produits locaux, ou en mobilisant l'artisanat d'art pour la réalisation d'espaces « qui ont du cachet ».

Lire aussi« Les politiques de préservation de la biodiversité ont une efficacité significative » (Pierre Boissery, Agence de l'eau)

Transition énergétique, sensibilisation, habitat

Autres défis pour le PNR : la transition énergétique, avec une volonté de développer les énergies renouvelables, par exemple en entrant au capital de sociétés locales du photovoltaïque, tout en veillant, précise Ken Reyna, à « ne pas sacrifier les paysages, le patrimoine et l'agriculture ». D'où une nécessaire sobriété.

Le PNR mène par ailleurs des actions d'éducation et de sensibilisation auprès des jeunes mais aussi de professionnels du tourisme ou d'élus locaux... « Nous venons par exemple d'organiser un séminaire sur le thème Demain habiter le Ventoux ». Un sujet important car « l'urbanisation est très présente, notamment autour d'Avignon. Il faut prendre en main ce développement en recourant peut-être à d'autres formes d'habitat qui intègrent mieux les notions de climat, de gestion économe des terres agricoles et forestières. Avec ce séminaire, nous avons pu réunir toute une série d'acteurs autour de ces sujets ».

Car la coopération est un peu le leitmotiv du PNR. Une coopération essentielle à la construction d'une économie nouvelle, désirable et dans laquelle la nature ne serait plus simplement une ressource que l'on ponctionne à merci, mais le socle de toutes nos activités. Un socle à restaurer « d'urgence », insiste Ken Reyna. « Pour reprendre un peu les mots de Jacques Chirac, la maison brûle et nous n'avons pas encore appelé les pompiers. On fait face à une forme d'inertie. La technologie nous aidera-t-elle ? Je ne sais pas. Un sursaut citoyen ? Peut-être ». Sursaut auquel les parcs naturels, par leurs actions de sensibilisation, par leur connaissance fine des territoires et par leur pouvoir de fédération, pourront peut-être y contribuer.

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Commentaire 1
à écrit le 26/08/2023 à 16:35
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La région agro-industrielle par excellence, arrêtez de raconter des histoires avec l'accent svp, c'est pas parce que l'accent est joli que l'histoire est belle, merci.

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