Comment l'agriculture urbaine veut reconquérir Marseille

Fermes maraîchères, champignonnières, chantiers d'insertion autour de la culture de micro-pousses... Depuis le milieu des années 2010, Marseille voit naître une nouvelle génération d'agriculteurs soucieux de verdir la ville, de produire une alimentation locale, accessible à tous et fédératrice. Des projets dont les modèles économiques sont encore fragiles. Mais sur le berceau desquels se penchent avec une attention croissante la Ville et la Métropole. La Cité phocéenne est-elle en passe de renouer avec son passé agricole ?
(Crédits : DR)

La Valentine, quartier marseillais réputé pour son imposante zone commerciale, s'éveille. Le grognement penaud des camions de livraison se mêle au crissement de quelques motos et au ronflement d'un permanent flux de voitures. Ici cohabitent le magasin Ikea de la ville, un Leroy Merlin, un Décathlon. Une usine Heinkekein. Un quartier-village comme Marseille sait si bien en faire. Et au milieu de ce vaste monde de béton : un petit coin de ferme. C'est ici que travaille Jean Walter.

Deux hectares et demi de fraîcheur et de calme. Des chants d'oiseaux. Des oliviers centenaires. Un imposant figuier aux fantaisistes ramifications. Un parterre de fleurs auprès desquelles s'attarderont d'ici quelques mois abeilles et papillons. « Ici, on a des oignons et des pommes de terre. C'est envahi d'herbes mais les légumes vont reprendre le dessus », montre l'agriculteur de 38 ans.

Visage aux traits fins, cheveux bruns, barbe de trois jours, Jean Walter fait partie de ceux que l'on appelle néo-agriculteurs. Ingénieur pendant plusieurs années, il a choisi de changer de voie pour une vie plus libre. Au grand air.

Il aurait pu se lancer en périphérie de ville. Mais une opportunité au cœur de Marseille s'est offerte à lui. « La Métropole avait lancé un appel à projet pour qu'un agriculteur s'installe ici ». Il postule, proposant du maraîchage diversifié en agriculture biologique. Et est retenu.

Depuis, son quotidien est rythmé par la gestion de ses plants, par la météo. Avec pour compagnie quelques sangliers qui lui rendent parfois visite. Mais aussi des voisins qui sont ravis de revoir cette ancienne terre agricole donner à nouveau des fruits. Renouant ainsi avec une page du passé de la ville.

Un passé agricole

Car il y a quelques décennies, avant même que le terme d'agriculture urbaine soit en vogue, de nombreuses zones de culture irriguaient la ville. Du Nord au Sud : des jardins ouvriers et familiaux où les plus aisés disposent de larges domaines qui leur servaient à se mettre au vert.

Christian Burle, vice-président à la Métropole en charge de l'agriculture, croit avoir un souvenir assez net de cette époque. « Je me rappelle des jardins le long de l'Huveaune », une rivière qui traverse le sud de la ville. « On produisait une bonne part de notre alimentation. Dans le Nord de Marseille, on avait même de la production laitière ».

« Dans les années 1950, la ville était autosuffisante en matière de fruits et légumes », confirme ainsi Louis Roland, directeur opérationnel de la Cité de l'agriculture à Marseille. Puis, sous la pression démographique, les domaines familiaux ont été remplacés par des tours. Les rigoles recouvertes de bitume. Les prairies écrasées par de complexes réseaux routiers. Jusqu'à ce que l'agriculture marseillaise ne nourrisse plus que 2 % de sa population.

« Marseille a tourné le dos à sa nature », regrette Aïcha Sif, élue de la Ville en charge de l'agriculture urbaine et de l'alimentation. Jusqu'à l'étouffement.

Subissant des canicules dont l'effet est amplifié par la minéralisation de la ville, manquant de lieux conviviaux où pique-niquer, s'inquiétant pour l'avenir de la planète, de plus de plus de citoyens ont envie d'autre chose. Et, faute d'actions publiques en ce sens, ils prennent les choses en main.

Soixante-dix structures de l'agriculture urbaine

Dès le milieu des années 2010, une vague d'initiatives voit le jour, redonnant vie à des terres en friche. Des projets éparpillés à divers lieux de la ville. Aux missions et ambitions diverses.

C'est pour structurer un réseau entre toutes et porter haut et fort leur voix qu'est fondée la Cité de l'agriculture de Marseille, opérationnelle à partir 2018. « Il existe bien des lieux ressources pour l'architecture, le design ou la musique. Nous avons pensé qu'il en fallait aussi un pour un sujet aussi important que l'alimentation et l'agriculture ».

Passée de 2 salariés en 2019 à 16 aujourd'hui - preuve de l'engouement pour ces nouveaux modes de production -, cette structure offre des ressources et accompagne ceux qui se lancent, en même temps qu'elle plaide leur cause auprès des instances politiques. « Depuis notre création, nous avons vu le réseau se professionnaliser et se diversifier. Et le covid-19 a été un accélérateur  », observe Louis Roland.

A ce jour, la Cité de l'agriculture recense soixante-dix structures opérant dans le champ de l'agriculture urbaine à Marseille. « On trouve de petits jardins partagés, des acteurs très productifs comme la ferme Terre de Mars, des entreprises de services comme les Alchimistes qui proposent de la valorisation de déchets alimentaires ». De même que des acteurs dont la production n'est pas maraîchère, à l'image des Champignons de Marseille.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.