La stratégie de la Safer PACA pour reconquérir du foncier agricole d'ici 5 ans

Après une longue phase d'élaboration impliquant ses partenaires mais aussi des citoyens, la Safer PACA a établi son programme pluriannuel pour les cinq prochaines années. Au programme : amplification de ses missions historiques de régulation des prix et de maîtrise du foncier agricole. Meilleure diffusion de l'information sur l'offre et la demande de foncier. Soutien aux collectivités locales et à l'agroécologie. Et mobilisation en faveur de politiques publiques plus favorables à la préservation (voire à la reconquête) des terres agricoles.
(Crédits : DR)

Manger local. Les Français sont de plus en plus nombreux à le souhaiter, avec encore plus d'acuité depuis l'épidémie de covid-19. Par volonté d'acquérir une forme de souveraineté alimentaire. Pour des enjeux de transparence, de santé, de soutien à une profession dont on perçoit de plus en plus la souffrance. Pour réduire l'impact écologique du transport...

Des sujets dont se sont aussi emparées les collectivités locales, de plus en plus nombreuses à porter des projets alimentaires territoriaux visant à développer la production locale (et à moindre impact environnemental) de produits agricoles, avec l'ambition que ceux-ci soient distribués en circuit court.

Sauf que les intentions ne font pas tout. Pour produire localement, il faut des agriculteurs. Or d'ici dix ans, 48 % des chefs d'exploitations partiront à la retraite et le taux de renouvellement est très faible à l'échelle nationale. Ainsi d'après la Draaf, pour 100 agriculteurs qui quittent le métier, seuls 2,9 s'installent. En cause notamment : l'agrandissement des surfaces des exploitations ou encore le désintérêt des plus jeunes pour ces métiers jugés trop difficiles.

« Nous avons du souci à nous faire en termes de souveraineté alimentaire et de relocalisation de l'agriculture »

En Région Sud, le taux de renouvellement est moins préoccupant puisqu'il s'élève à 50 %. « La Région a d'énormes atouts : la diversité de ses terroirs, de ses produits, de ses systèmes de production », souligne Laurent Vinciguerra, nouveau directeur général de la Safer régionale.

Des atouts qui rendent le territoire particulièrement attractif pour les porteurs de projets ... mais pas seulement. « Cette attractivité élevée génère des conflits d'usage ». Sur un terrain où l'agriculture est déjà contrainte par la forte présence d'espaces naturels, elle subit en même temps la forte pression de l'urbanisation, particulièrement sur les zones littorales. « En région Sud, la surface agricole utile a diminué de moitié en 50 ans, passant d'1,5 millions d'hectares à 775 000 hectares ». Un phénomène particulièrement marqué sur le bassin azuréen où la surface agricole utile est de 13 %, contre 50 % à l'échelle du pays. « Nous avons du souci à nous faire en termes de souveraineté alimentaire et de relocalisation de l'agriculture ».

Aiguiser ses armes historiques de préservation du foncier agricole

Des défis face auxquels la Safer PACA brandit ses armes : préemption, stockage et portage de terres, ou encore maîtrise du prix du foncier agricole. Des outils qui s'inscrivent dans le cadre de programmes pluriannuels. Le dernier, couvrant la période 2022-2028, a été présenté au cours de l'automne.

« Il s'agit d'une document de planification, d'une feuille de route politique et technique établie à partir des instructions ministérielles, de la consultation de nos partenaires, de l'analyse du territoire » mais aussi -et c'est une nouveauté- « de consultations citoyennes ». « Nous avons fait ce choix car la gestion du foncier agricole concerne tout le monde. Il était donc important d'interroger les citoyens sur ces enjeux et de connaître leur attentes vis-à-vis de la Safer ».

Résultat : une feuille de route composée de dix objectifs, chacun décliné en plusieurs engagements. On y retrouve la volonté d'amplifier certaines actions historiques de la Safer, parmi lesquelles la régulation des prix du foncier grâce à la préemption. « Entre 2015 et 2021,nous avons initié plus de 2000 dossiers de révision de prix. Entre 2017 et 2020, le nombre de dossiers de ce type a augmenté de 147 % ».

La Safer PACA veut aussi renforcer ses capacités de stockage et de portage. « Nous stockons actuellement 2.400 hectares d'une valeur de 34 millions d'euros sur la région. Notre Conseil d'administration a décidé d'augmenter ce volume financier pour atteindre les 40 millions d'euros ». Ce qui nécessitera la construction de nouveaux partenariats, avec les collectivités locales et les banques.

Quant au portage, l'entreprise prévoit la poursuite de ses dispositifs, à l'image de Terre Adonis, une Société coopérative d'intérêt collectif (Scic) qui s'adresse en particulier aux projets nécessitant de lourds investissements. Concrètement, cette Scic achète une parcelle qu'elle loue ensuite à un porteur de projet pendant 7 à 15 ans. Une fois ce délai écoulé, le jeune agriculteur peut racheter la terre. La spécificité de ce dispositif consiste en la multitude de partenaires privés impliqués : coopératives, banques, mais aussi acheteurs potentiels sont invités à mettre la main au portefeuille pour accompagner les projets. « Nous avons dix dossiers dans les tuyaux. Quatre ont déjà été signés, avec des projets dans le maraîchage, les plantes à parfum et la viticulture ».

Une plateforme collaborative pour rendre visible (tout) le foncier disponible

Mais si la Safer est en mesure de proposer des terres aux porteurs de projets, elle n'est pas la seule à le faire. Les Chambres d'agriculture disposent ainsi d'un répertoire des départs et installations, tandis que les communes ont parfois du foncier agricole qu'elles souhaitent louer.

D'ailleurs, parmi les attentes des citoyens que la Safer Paca a consultés, celle de la lisibilité et de l'accessibilité de l'information concernant l'offre et la demande de foncier agricole figure en bonne place. D'où la mise en place d'une plateforme collaborative, sorte de « guichet unique » qui « rassemblerait l'ensemble de ces offres et permettrait à tous les porteurs de s'inscrire et de présenter leur projet ».

Une façon de faciliter les mises en relation. « Nous avons déjà fait un premier tour des partenaires. Leur accueil est favorable. Nous passons désormais à la phase de réflexion sur le montage en termes de gouvernance. Car l'enjeu est d'impliquer tout le monde ». S'ensuivra l'élaboration technique de l'outil que la Safer espère voir opérationnel d'ici le second semestre de 2023.

Le vivier des terrains « agricolables »

Créer des outils, renforcer ceux qui existent déjà ... mais aussi faire bouger les lignes des politiques publiques. Voilà un autre sujet fort de la feuille de route de la Safer pour les prochaines années.

Parmi les pistes qui lui permettront de débloquer du foncier agricole : la reconquête des terrains agricolables, un terme inventé par la Safer qui définit des parcelles anciennement cultivées puis abandonnées et envahies par la forêt. « Cela représente 100 000 hectares en Région. Le plus souvent, ce sont des forêts de mauvaise qualité. Si les enjeux forestiers et de biodiversité sont limités et que l'intérêt agronomique est réel, cela peut valoir le coup de récupérer une partie de ces terres ». Mais cela exigerait « un assouplissement de la réglementation sur le défrichement qui est trop souvent rédhibitoire ».

Ce vivier de terres s'ajoute à celui, plus important encore, des friches agricoles. Celles-ci représentent ainsi 146 000 hectares mais leur reprise en main par le monde agricole se heurte souvent à leurs propriétaires, parfois nombreux pour une même parcelle et « pas forcément présents localement ».

En tant qu'acteur institutionnel, la Safer Paca coopère également avec les collectivités locales dans le cadre de leurs plans alimentaires territoriaux (PAT), en les accompagnant sur le sujet du foncier qui figure parmi les priorités à traiter dans ce type de projets. « Elles attendent de nous que nous dirigions le foncier agricole que nous rétrocédons vers des cultures vivrières, diversifiées, en circuits courts ».

Faire face au défis environnementaux ... et à l'essor de l'énergie photovoltaïque

Enfin, si le manque de foncier est une menace pour l'agriculture, le réchauffement climatique, le manque de disponibilité de l'eau et l'érosion de la biodiversité frappent également de plein fouet les agriculteurs. Et ce, de façon de plus en pus fréquente. La Safer entend donc agir sur ces sujets en soutenant le développement de l'agroécologie, cet ensemble de pratiques qui visent à réduire les intrants, à préserver les ressources (sol et eau) tout en s'appuyant sur les forces des écosystèmes naturels. La Safer Paca a ainsi financé l'installation de haies, à raison d'environ 1 km par département, et même 2km pour les Alpes-de-Haute-Provence.

Néanmoins, il est un sujet intimement lié au réchauffement climatique qui inquiète la structure. Celui du déploiement de l'énergie solaire dans le cadre du mix énergétique. Ainsi, d'après le Sraddet (Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires) cela devrait générer l'installation de 19 000 hectares de panneaux solaires au sol sur l'ensemble de la Région. « Cela nous préoccupe beaucoup. Nous nous demandons où ces panneaux seront installés et craignons que cela réduise encore un peu plus la surface agricole utile ». La Safer y sera particulièrement attentive sur les terres qu'elle rétrocédera : « Nous veillerons à ce qu'il n'y ait pas de projet de panneaux solaires au sol ».

Quant à l'agrivoltaïsme, qui combine cultures et production d'énergie solaire avec des panneaux solaires souvent situés au dessus des plantations, « l'idée est séduisante mais nous prônons la vigilance. Nous demandons des expérimentations sur des surfaces qui n'excèdent pas 1 hectare, avec un partage des résultats. Au risque d'assister à un détournement des usages du foncier agricole ».

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