Conjoncture : dans le Sud, « le thermomètre n’est pas cassé », dit la Banque de France

Si la rentrée, période toujours source de projections à court et moyen terme, et les dernières évolutions du contexte géo-politique jouent sur le degré de confiance des chefs d’entreprises, en Provence-Alpes-Côte d’Azur les éléments de conjoncture démontrent que bien que malmenés, les dirigeants n’en remettent pas pour autant en cause projets, et investissements. Une résistance qui s’organise même si l’attention doit porter prioritairement sur les TPE, déjà fragilisées avant l’été et alors qu’approche la période – qui sera forcément très observée – de remboursement des PGE.
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Gouverner c'est prévoir paraît-il et l'adage s'applique aussi à l'économie. C'est le quotidien des chefs d'entreprises, appelés à planifier production, livrables, projets de développement, exportations... Un exercice qui n'empêche évidemment pas les imprévus, ce qui exige de la part de ces dirigeants, une capacité d'adaptation et de remise en question. Depuis désormais trois ans, cela est même devenu obligatoire, l'économie mondiale étant traversée par de multiples perturbations qui ont et continuent de challenger tout dirigeant dans son plan de développement.

Scénario des 3R

Alors, forcément, les données chiffrées sont davantage étudiées, scrutées... un thermomètre qui, dans en Provence Alpes Côte d'Azur, n'est pas cassé, dit Jean-Christophe Ehrhardt. Le directeur régional de la Banque de France qui constate la résistance de l'économie, ce qui finalement, correspond au scénario - en 3 R - posé par la banque centrale française. Où donc 2022 correspond à une phase de résistance et de résilience de l'économie, laquelle phase sera suivie d'une période de ralentissement, « pour des raisons notamment géopolitiques, on aura au mieux une croissance faible ou une légère récession temporaire en 2023, avant une reprise pour 2024, mais une reprise que nous n'attendons pas très supérieure à la croissance potentielle, à 1,8% ».

Et clairement donc le Sud résiste. C'était déjà le cas avant l'été, ça se confirme à la rentrée.  Dans l'industrie, secteur fortement surveillé, parce que soumis à diverses problématiques qui impactent son bon déroulement - de la crise des prix de l'énergie à celles des coûts des matières premières - le constat qui fait du bien au moral c'est l'utilisation des capacités de production, qui se révèle être égal à sa moyenne de longue période, soit un taux de 82%. « Cela montre que la demande finale a bien résisté, notamment grâce à la demande touristique, et que les secteurs en relation avec l'investissement - comme les bureaux d'études, la fabrication de machines spéciales, les composants - ont continué à avoir des carnets légèrement supérieurs à la situation habituelle », indique Jean-Christophe Ehrhardt. Avec une croissance du chiffre d'affaires qui continue d'être légèrement sous 10%, là où les chefs d'entreprises eux-mêmes imaginaient être plus proches du 7%, ce qui signifie « que les volumes ont continué de progresser ». Ce qui, rappelle Jean-Christophe Ehrhardt, constitue bien la définition - et la preuve - d'une résilience avec des « chefs d'entreprises ingénieux » pour trouver ses solutions alternatives, évitant des ruptures de plans de charge.

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L'emploi, le point positif

Voilà pour les bonnes nouvelles. Sans surprise, les prochains mois vont s'annoncer plus complexes avec une situation qui devrait être étale ou en légère diminution et cela tous secteurs confondus, aussi bien dans l'industrie que dans la construction ou les services. « Lorsqu'on regarde la balance des risques, le point positif demeure l'emploi. Il existe une telle difficulté des entreprises à recruter, tant de postes vacants, que l'emploi devrait se maintenir. La consommation, bien sûr elle est liée au pouvoir d'achat, sera certes freinée mais pas en diminution », analyse Jean-Christophe Ehrhardt.

Autre sujet, à catégoriser dans la balance « sinon positive, au moins neutre » (et pas négative contrairement à ce que l'on peut imaginer), c'est ce qui concerne l'approvisionnement hors énergie. « Les arbres ne montent pas au ciel », dit le directeur régional, qui voit un adoucissement des diverses courbes concernant par exemple le blé, le cuivre ou les emballages. Concernant l'énergie, « dans la région, les chefs d'entreprises ont davantage d'appréhension par rapport au prix que par rapport à l'approvisionnement lui-même", souligne Jean-Christophe Ehrhrardt, qui constate aussi que les discussions entre fournisseurs et donneurs d'ordre ont tendance à se tendre. Ce qui n'est pas anodin. « Nous avons une crainte majeure sur le choc inflationniste et ce choc a pour conséquence d'entraîner une baisse des marges et in fine un début de dégradation de la trésorerie des entreprises ». Ce qui revient à dire que tout n'a pas été consommé mais que les réserves s'amenuisent.

Le (logique) effet de rattrapage

Evidemment, tout cela n'est pas sans conséquence sur celles qui étaient déjà fragilisées : les TPE. Une fragilité qui se mesure avec une augmentation du rejet d'échéance de la part des banques, de l'ordre de 5%. A la taille d'entreprise s'ajoute la tendance sectorielle, en l'occurrence la construction - le gros œuvre principalement - la restauration et les transports aussi. Ce qui, pour le directeur régional de la Banque de France est à considérer comme un effet rattrapage, attendu, assez logique, d'ailleurs. La mesure de cela, c'est le nombre de défaillances d'entreprises, descendu à un point très bas - 3.000 défaillances annuelles contre les 5.000 en période pré-crise - et qui de fait remonte - à 4.000 défaillances - mais sans effet tsunami, parce qu'il faut bien prendre en compte ces entreprises déjà en difficulté avant la crise et qui n'ont pas pu/su remonter la pente. Provence Alpes Côte d'Azur qui fait même mieux que le national avec un taux de 22% de défaillances contre 24%. « Le thermomètre n'est pas cassé », insiste  à nouveau Jean-Christophe Ehrhardt qui précise aussi que les cotations d'entreprise n'ont pas été dégradées. Et que 60% des entreprises sont suffisamment solides pour passer la tourmente. D'autant que les encours d'équipement continuent de progresser de l'ordre de 2% « malgré les remboursements des PGE, ce qui signifie que certaines remboursent et font plus que compenser ce remboursement, pour investir », note Jean-Christophe Ehrhardt. Et même si l'effort d'investissement a été moindre que ce qu'il a été, il n'est pas pour autant en chute.

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Effet d'acceptation du prix de l'argent

Cependant clairement, il va falloir « que les entreprises réapprennent à vivre avec un prix de l'argent « normal ». Lors de la dernière décennie, l'argent était peu cher ou à coût zéro. Mais il faut s'attendre à des prix positifsEt si la question c'est est-ce que les taux directeurs vont continuer à monter, la réponse est clairement oui et cela jusqu'au taux dit neutre ». Et cela « afin de combattre l'inflation et ne pas casser les leviers de croissance même si on s'imagine qu'ils seront un peu moins dynamiques ».

La période de basculement est identifiée comme la fin de l'hiver. Soit le point haut de l'inflation sera passé, « et on se contentera de lever le pied de l'accélérateur et d'utiliser le frein moteur. Si ce n'est pas le cas il faudra donner un coup de frein, ce qui est la poursuite de la hausse des taux et le reserremment de la liquidité », prévient Jean-Christophe Ehrhardt. Qui le répète : les fonds propres des entreprises ont augmenté de 10% l'an dernier, preuve qu'elles ont pu asseoir leur fonds de roulement et qu'elles possèdent les moyens pour tenir le choc. Finalement c'est moins dans la trésorerie des entreprises que les mentalités qui doivent aussi basculer dans un mode d'acceptabilité : d'un argen qui coûte, d'une inflation qui fait partie du paysage économique... Une autre forme de transition, somme toute...

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