Dans le Sud, le « je t’aime moi non plus », l’arbre qui cache la forêt

Avec huit listes et un duel fratricide entre le président sortant Renaud Muselier et son challenger le plus sérieux Thierry Mariani, le scrutin en Provence Alpes Côte d’Azur tourne beaucoup autour des querelles de personnes plus que des programmes. Pourtant, avec une région chef de file de l’économie, la question de la stratégie et des priorités adoptées est majeure pour un ensemble territorial où la notion d’attractivité doit absolument aller au-delà des images d’Epinal.
(Crédits : DR)

Dans le Sud, les élections régionales n'ont décidemment rien d'un long fleuve tranquille. Six ans après le duel Christian Estrosi - Marion Maréchal Le Pen, on serait presque tenté de dire on prend les mêmes et on recommence. Car c'est bien la même configuration LR contre RN qui se dessine à nouveau avec, cette fois-ci, un duel entre le président sortant Renaud Muselier et Thierry Mariani. Avec comme en 2015, une gauche divisée en embuscade.

Il faut dire que le scrutin a pris une tournure digne d'un mauvais feuilleton à l'annonce - maladroite ou à dessein ? - du Premier ministre affirmant qu'un accord entre les partis Les Républicains et La République en Marche était scellé, notamment en Provence Alpes Côte d'Azur, dès le premier tour. On ne reviendra pas sur le psychodrame qui s'en est suivi, les crispations et invectives par voie de communiqué de presse ou autres.

Mais depuis, la campagne n'a plus jamais retrouvé ce qu'elle devrait être : un moment pour débattre d'idées, d'orientations, de priorités.

Plus que jamais, le rôle du conseil régional, dans le Sud ou ailleurs, est prépondérant, dans un contexte de relance où le soutien aux entreprises, de toutes tailles, et à l'économie en général ne se fait pas au doigt mouillé.

Des programmes... légers

La gauche - qui a tenté, tardivement, - de partir unie au combat pour peser dans la balance électorale, n'a pas réussie, encore une fois à rassembler sous une même bannière, toutes ses composantes. Elle pourtant bien failli y arriver mais Jean-Marc Governatori, qui revendique le soutien de Corinne Lepage, n'a pas supporté la liste trop « socialiste » de Jean-Laurent Felizia, lequel entraîne avec sa candidature, le PS, Europe Ecologie, Les Verts, le PCF ou encore les Radicaux de gauche.

Jean-Marc Governatori se retrouve ainsi tête d'une liste baptisée « l'Ecologie au centre » et ne cesse de rappeler son passé d'ancien entrepreneur, tout comme les distinctions de meilleur gestionnaire de France, reçus lorsqu'il gérait les franchises Fly dans les années 90, preuve de sa capacité de bon gestionnaire. Son credo, c'est le plein emploi, pas si compliqué à atteindre selon lui grâce, principalement, à l'économie circulaire. Candidat écologiste aux dernières élections municipales à Nice, il n'avait pas transformé dans la Cité des Anges la vague verte qui a déferlé en France en succès dans les urnes.

Ecolo et régionaliste, l'ancien conseiller régional sous l'ère de Michel Vauzelle, Hervé Guerrera défend une liste baptisée Oui la Provence. Et d'ailleurs tout ou presque est dans le nom de la liste. Car pour lui, point de PACA ni de Sud cher à Renaud Muselier, le nom de la région doit être Provence un point c'est tout. Privilégier le local, soutenir l'industrie non polluante, renforce l'arc latin, instaurer une taxe régionale sur les résidences secondaires et donner plus d'autonomie aux régions sont les axes qu'il défend sans oublier donc de mener un référendum pour renommer la région en Provence. Exit les Alpes et la Côte d'Azur...

Auto-déclaré « non macron-compatible », Noël Chuisano mène la tête de liste de Debout la France, le partir de Nicolas Dupont-Aignan. Et reprend les arguments de nécessité de privilégier les circuits courts et de valoriser l'agriculture, suggère « Un TER pour 2 contrôleurs », entend doubler les aides aux entreprises sinistrées à hauteur de 170 millions d'euros et garantir les charges locatives dans le tourisme, la restauration, les commerces et aux indépendants également.

Pas davantage Macron-compatible (et auto-déclarée), Valérie Laupies mène la liste Zou, non pas d'après le nom du service TER régional ni de la série pour enfant mais d'après le nom en provençal de « Hop », comprendre du balai, d'ailleurs l'outil de nettoyage figure sur sa profession de foi... Soutenue par jacques Bompard, le maire d'Orange, son programme est... léger et se résume à trois idées, la sécurité, le soutien aux TPE PME, aux établissements hospitaliers et à la mise en place d'une politique culturelle « à la gloire de notre Provence à l'instar du Puy du Fou ».

« Faire entendre le camp des travailleurs », contre - mais qui ne l'est pas ? - le chômage et la pauvreté, la candidate de Lutte ouvrière Isabelle Bonnet est aussi contre « la domination capitaliste » et veut que les travailleurs « imposent leur contrôle sur les entreprises et sur toute l'économie ». Pas sûr que ça suffise à faire un programme pour un conseil régional...

Qui virera en tête ? Qui soutiendra qui ?

Malgré la pluralité des listes ou peut-être à cause d'elle, le scrutin se joue clairement à droite. Qui de Renaud Muselier ou Thierry Mariani virera en tête ? Et qui se désistera en faveur de qui ou appellera à voter pour ? Là encore, le combat entre les deux anciens ministres, anciens compagnons de route, cristallise les tensions et l'attention.

On en oublie donc aussi le programme. Désireux d'organiser les États régionaux de la relance en août s'il est élu, Renaud Muselier a concocté un programme qui s'inscrit dans cette période où l'économie doit se relever et se relancer. C'est notamment le propos du dispositif Zéro rideau fermé qui vise à aider les commerces de proximité mis en difficulté, c'est aussi celui du Plan Montagne qui veut accompagner les stations dans le retour à l'activité alors que l'industrie demeure toujours un sujet central et se verrait doté d'un plan d'aide à la relocalisation de 100 millions d'euros. Thierry Mariani, lui, répète qu'il faut des critères sociaux et environnementaux dans les appels d'offres, envisage la création d'un campus IA et blockchain, d'un label 100% PACA pour tout produit fabriqué dans la région. Mais en rajoute une couche sur le bilan du président sortant qu'il dénonce, appuie sur la sécurité et l'immigration. Clairement, l'enjeu du scrutin dépasse largement les frontières de Provence Alpes Côte d'Azur. Il se joue, depuis le début de la campagne sur un fond d'air présidentielles. Si Thierry Mariani, selon les sondages, devrait arriver en tête du premier tour, tout va se jouer dans les jours précédents le second. Et pour l'emporter, ce n'est pas la bataille des chiffres qui devra compter, mais celle des idées. Bien absentes... pour le moment.

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Commentaire 1
à écrit le 18/06/2021 à 13:02
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Grandeurs et décadences politiciennes de Larem, sachant que ds cette région l'électorat de droite, svt âgé,aisé, très conservateur, est très sensible aux thèses d'extrême droite notamment sur l'immigration et la sécurité et bcp moins à l'attractivité...

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