Avec son algorithme de suivi du diabète, Apidiab veut conquérir le marché des Ehpads

A Marseille, cette startup a créé une application de suivi du diabète s’appuyant sur un algorithme né des travaux du Centre gérontologique départemental, de l’AP-HM et de l’université d’Aix-Marseille. Un algorithme qu’elle veut convaincre des éditeurs de logiciels d’intégrer à leurs produits. Ce qui nécessite d’abord de susciter une demande de la part des premiers concernés, les Ehpads, clients de ces éditeurs.
(Crédits : DR)

Hypoglycémie, hyperglycémie. Le quotidien des personnes diabétiques est rythmé par ces deux déséquilibres. Trop de sucre dans le sang, et on s'expose à de l'insuffisance rénale, au risque d'AVC ou d'amputation. Trop peu, et ce sont les vertiges, les risques de chute, de perte de conscience voire le coma. D'où l'importance pour les personnes traitées par insuline d'être sans cesse attentives à leurs sensations pour éviter les pics et maintenir une forme d'équilibre.

Sauf que chez les personnes âgées dépendantes dont la perception des sensations est moindre, cet équilibre est particulièrement difficile à trouver. Et cela concerne un grand nombre de personnes puisqu'en France, on estime que 25% de cette population est atteinte de diabète. De sorte que dans les Ehpads, le suivi de cette maladie relève parfois du casse-tête.

« Dans ces établissements, on pratique des examens biologiques pour mesurer l'hémoglobine glyquée qui caractérise l'équilibre glycémique du patient » explique Quentin Alitta, fondateur d'Apidiab. Sauf que les résultats de cette méthode peuvent être biaisés en cas d'anémie ou d'insuffisance rénale, ce dont souffre de nombreux résidents d'Ehpads. Qui plus est, les résultats consistent en « un pourcentage de l'équilibre glycémique du mois précédent. C'est une moyenne qui ne rend pas compte des pics que sont l'hypoglycémie et l'hyperglycémie ».

Une innovation née de la recherche publique

Alors qu'il travaille pour le Centre gérontologique départemental de Marseille, Quentin Alitta et ses équipes, en lien avec l'AP-HM et l'Université d'Aix-Marseille, cherchent donc une méthode pour améliorer la prise en charge du diabète des patients âgés dépendants et traités par insuline. « Nous nous sommes d'abord tournés vers ce qui existait. Notamment un projet de recherche clinique autour d'un boîtier placé sur le bras pour prendre en continu le taux de glycémie dans le liquide interstitiel ». Un projet a priori prometteur puisqu'il aurait eu la vertu de ne plus obliger les soignants à piquer trois fois par jour le doigt des malades. « Mais finalement, un article publié un an après a montré que ce dispositif surestimait les hypoglycémies », ce qui va à l'encontre de la volonté des équipes marseillaises de simplifier et d'optimiser la prise en charge.

C'est alors qu'un professeur de la faculté de médecine avec qui travaille le Centre gérontologique a une idée. Celle d'un algorithme qui, à partir des données obtenues par glycémie capillaire (en piquant le bout du doigt), permettrait de « caractériser le risque d'hypoglycémie et d'hyperglycémie ». Ceci au travers d'un système de signalisation assez basique. Bleu indiquant un faible risque, orange un risque sévère, et rouge un risque élevé. Un indicateur de risque appliqué à la fois vis-à-vis de l'hypoglycémie et de l'hyperglycémie. Le but étant de fournir une plus grande clarté aux soignants afin qu'ils concentrent davantage leurs efforts sur les profils à risque. « C'est plus sécurisant pour eux ».

Après plusieurs années de travaux et la publication des résultats scientifiques, l'algorithme baptisé Ekilidiab est breveté. La propriété intellectuelle revient à l'AP-HM, à AMU et au Centre gérontologique département. Quentin Alitta obtient une licence exclusive par le truchement de la SATT-Sud Est. Il peut alors fonder la startup Apidiab qui a vocation à faire passer l'innovation du laboratoire au marché.

Convaincre les éditeurs des logiciels utilisés en Ehpads

Sa cible : les éditeurs de logiciels spécialisés dans le marché des Ehpads. « Il y en a deux très gros qui gèrent 95 % du marché. Nous souhaitons qu'ils intègrent l'algorithme à leurs logiciels pour automatiser les scores et les rendre visibles sur le logiciel de l'Ehpad ». En attendant, l'algorithme s'exprime au travers d'une application dans laquelle les Ehpads enregistrent manuellement les données de leurs patents. Une première étape pour convaincre ces établissements du bien-fondé du dispositif. Essentiel pour donner envie aux éditeurs de franchir le pas.

D'ailleurs, pour sensibiliser le marché, Apidiab vient de nouer un partenariat avec AG2R La Mondiale. « Ils financent la gratuité de notre outil pour tous les Ehpads pendant 2 mois ».

A terme, le modèle économique envisagé est double. D'un côté, une plateforme en ligne gratuite telle qu'elle existe aujourd'hui. De l'autre, l'algorithme intégré à un logiciel, optimisé, sur abonnement.

Trente-trois pays en ligne de mire

Si le marché est pour l'heure français, Apidiab se projette aussi à l'international. « Cela arrivera rapidement car l'innovation est brevetée dans 33 pays ». Des pays situés en Europe, États-Unis, Australie ou Asie, qui ont pour point commun « d'avoir un même protocole de suivi du diabète dans les Ehpads ».

La startup est bien sûr loin d'être la seule à œuvrer sur le marché du suivi du diabète. Mais Quentin Alitta remarque que les innovations proposées par ses concurrents consistent souvent en une complexification des procédés et génèrent une hausse des coûts avec l'achat de capteurs et autres consommables. Adipiab veut s'en différencier par un outil d'une plus grande simplicité d'usage, qui s'intégrerait au mieux à la routine des soignants.

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