Comment Healphi entend lutter contre les déserts médicaux

Créée il y a un an et demi, la TPE basée à Marseille propose aux déserts médicaux une solution de télémédecine avec, et c’est là sa spécificité, l’intervention d’un infirmier.
(Crédits : esanté)

En France, près d'une personne sur dix vit dans un désert médical. Un chiffre qui ne cesse de croître malgré les efforts des pouvoirs publics. Confrontés à ce phénomène au cours de leurs précédentes expériences professionnelles, Jean-Sébastien Gras et Tarik Mouamenia décident de fonder Healphi, une entreprise de télémédecine. Pour mettre au point leur dispositif, ils s'inspirent de leurs concurrents et constatent alors que les outils existant présentent plusieurs failles, en premier lieu desquelles la trop grande autonomie laissée au patient censé utiliser seul les instruments connectés. "Prendre des mesures médicales nécessite un savoir-faire et une formation", souligne Jean-Sébastien Gras. Et Tarik Mouamenia d'ajouter : "on imagine mal des patients s'insérer l'audioscope dans l'oreille et viser le tympan". Sans parler du manque de contact humain. Pour cette raison, les deux entrepreneurs ont décidé de faire de la présence d'un infirmier "le cœur de [leur] différenciation".

Installé dans un local de la commune en situation de désert médical, l'infirmier a à sa disposition cinq instruments de base connectés avec un médecin à distance, dans la plupart des cas des médecins retraités. L'infirmier prend les mesures nécessaires puis le médecin conduit l'interrogatoire du patient. Il peut, si nécessaire, demander à l'infirmier de relever des mesures complémentaires. Un dispositif qui permettrait de prendre en charge 70 à 80 % des pathologies. Pour les 20 à 30 % restant, le patient est redirigé vers un médecin ou un hôpital.

La consultation est payée 25 euros et est intégralement remboursée par la Sécurité sociale grâce à une dérogation accordée à l'entreprise. "Nous fonctionnons sur un modèle public et tenons à être indépendant de toute assurance ou mutuelle. On voulait éviter de créer une médecine à deux vitessesé, expliquent-ils. Pour se financer, l'entreprise s'appuie sur une commission de 10 à 15 % sur les consultations mais aussi sur des financements publics au moment de l'installation des cabinets.

Un développement basé sur les relations publiques

Une telle installation dans une commune nécessite en amont de convaincre les élus locaux. "Passer par les politiques est notre stratégie", explique Tarik Mouamenia. Dans ces zones de déserts médicaux, les maires reçoivent les réclamations des habitants, ils sont donc plus enclins à vouloir agir". Si les relations sont parfois longues à tisser, elles garantissent, selon les deux jeunes entrepreneurs, une plus grande stabilité. "Des concurrents arriveront mais quand on est ancré sur un territoire, il est plus difficile de nous déloger". Coût total de l'installation d'un cabinet Healphi pour les pouvoirs publics (incluant la formation du personnel médical) : 24 000 euros. Un coût que les entrepreneurs ont tenté de réduire au maximum, notamment en constituant eux-mêmes le chariot de télémédecine à partir de produits créés par des prestataires et d'éviter ainsi tout investissement en recherche et développement. L'installation est à la charge du ministère de la Santé, au travers des Agences régionales de santé, mais il arrive que les communes fassent l'avance afin que l'installation soit plus rapide.

Pour l'heure, c'est dans le Loiret qu'Heaphi a commencé à aller à la rencontre des élus. Des efforts qui ont porté leurs fruits puisque le premier cabinet a été mis en service le 3 juillet dernier dans la commune de La Selle-sur-le-Bied. Quatre autres seront ouverts en fin d'été dans les alentours.

Objectif : atteindre 10% des déserts médicaux

L'objectif est d'essaimer dans les régions les plus désaffectées en matière d'offre de soin, à savoir le Centre Val d'Oise, l'Auvergne-Rhône-Alpes et le quart Nord-Est, afin de toucher, d'ici trois ans, 10 % des déserts médicaux. Pour cela, les deux-fondateurs ont besoin de moyens humains, en particulier pour ce qui est de la relation avec les collectivités locales. "A terme, nous aimerions constituer une équipe d'une dizaine de personnes".

Si l'entreprise génère déjà du chiffre d'affaire - 200 000 euros prévus pour 2018 - elle espère atteindre plus de 2 millions d'euros d'ici fin 2020. Pour l'heure, ses résultats lui permet de se développer en raison de coûts de structure assez faibles. "Mais une levée de fonds pourrait nous aider à avancer plus rapidement, notamment en embauchant", précise Jean-Sébastien Gras. "Notre besoin s'élèverait à 500 000 euros".

Pour l'heure centrée sur la médecine générale, Healphi a également vocation à aller sur le terrain de la médecine spécialisée, comme la cardiologie, la dermatologie ou encore la pédiatrie. Elle compte également proposer des formations qui constitueraient pour elle une nouvelle source de revenus, mais aussi un moyen de rallier plus de professionnels de santé à sa cause.

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