Intégrons l’agriculture urbaine dans les politiques de la ville pour des projets durables et bénéfiques

OPINION - Alors que l’agriculture urbaine a de nombreux avantages indéniables, elle est encore trop peu intégrée à la planification et l’aménagement de nos villes. A Marseille, le Visa Vert est l’une des initiatives locales qui vont dans le bon sens. Mais demeurent les enjeux de la place que l’on veut bien lui accorder dans les décisions d’aménagement urbain, tout comme se pose la question du modèle économique. Comment alors déployer un modèle qui soit à l’échelle ? Par Hugo Meunier, président & fondateur de Merci Raymond.
(Crédits : DR)

Alors que l'agriculture urbaine a de nombreux avantages indéniables - tant d'un point de vue écologique, social que pédagogique - elle est encore trop peu intégrée à la planification et l'aménagement de nos villes. En effet, les projets qui voient actuellement le jour se développent à des échelles limitées et ne sont pas intégrés aux stratégies globales de transition écologique urbaine. Certes, des initiatives voient de plus en plus le jour au niveau local, à l'instar du Visa Vert sur le territoire marseillais, mais elles demeurent encore trop sporadiques, ou limitées à l'échelle citoyenne. Ce alors même que le déploiement de l'agriculture à l'échelle de la ville est un incroyable vecteur pour la transition écologique, aux enjeux toujours plus pressants ! Et les raisons invoquées pour le justifier sont multiples, quand bien même des solutions existent et dépassent les limites écologiques, techniques, juridiques et surtout économiques. In fine, la pleine intégration de l'agriculture urbaine dans la fabrique de la ville nécessite un changement drastique de nos processus de gouvernance, au profit d'une gouvernance par le bas.

L'agriculture urbaine ne peut répondre à tous les maux de la ville

Tout d'abord, revenons au concept même d'agriculture urbaine. Il existe une multitude de définitions la concernant, mais trois critères déterminants se distinguent : sa localisation, ses fonctionnalités et les acteurs qui la pratique. L'agriculture urbaine peut donc tout à la fois se matérialiser en jardins et potagers collectifs, ou bien en fermes urbaines aussi bien participatives que spécialisées. Elle est donc étroitement liée à la planification urbaine, ne serait-ce que par l'espace qu'elle nécessite et qu'il nous faut lui accorder. Se pose alors la question de sa place dans l'aménagement de villes plus écologiques, plus saines et plus inclusives, et donc de la manière dont elle doit être intégrée dans la politique de la ville. Nul besoin de rappeler ici ses bénéfices, largement acquis, mais soulevons tout de même les limites existantes à sa mise en place pérenne. Si l'on s'intéresse de plus près à la perception des citadins de l'agriculture urbaine, force est de constater que c'est aujourd'hui sa forme récréative qui est principalement retenue.

L'aspect économique et environnemental de cette pratique est largement mis en avant dans les communications politiques mais est peu partagé par ceux qui la pratique. Ce d'autant plus que l'agriculture urbaine est critiquée en ce qu'elle gentrifie certains quartiers. À cela s'ajoute la question de la pollution des aliments récoltés et des sols, qui vient mettre à mal la mise en place durable de ces projets « verts ». Il n'est pas encore possible d'en tirer des conclusions générales car tout dépend du contexte de son développement, mais plusieurs études ont montré que certains légumes issus de ce type d'exploitation avaient des taux supérieurs en métaux lourds en comparaison avec ceux des légumes issus de productions traditionnelles.

Des acteurs encore (trop) peu intégrés dans l'aménagement urbain

Au-delà de ces freins, s'ajoutent des difficultés juridiques et économiques. En effet, les dispositions juridiques applicables ne sont, pour l'heure, suffisamment adaptées aux différentes structures que peut prendre un projet d'agriculture urbaine. À l'instar du Code de l'urbanisme dont le cadre se prête difficilement au caractère multifonctionnel de l'agriculture urbaine : il découle en effet de prévisions juridiques qui tiennent leurs origines du monde rural, aux contraintes et caractéristiques bien différentes des milieux urbains. Ce qui complexifie la concrétisation de fermes urbaines et rend précaire la situation économique des porteurs de projet. Les sauveurs de ces projets intégrant le vivant ne peuvent être que les promoteurs immobiliers, aux moyens et puissance d'action parfois plus conséquents que les porteurs de projet. Pour preuve, ces derniers valorisent de plus en plus les projets d'agriculture urbaine, mais, eux aussi, font face à des problématiques « structurelles », cette fois-ci d'ordre technique. Comme par exemple la potence des toits nécessaire au déploiement de projets d'agriculture en toiture, ou encore les réseaux d'eau nécessaire à leur irrigation.

Enfin, ces projets sont également confrontés à un contexte économique complexe, car les projets d'agriculture urbaine sont particulièrement onéreux par rapport à l'agriculture « traditionnelle » et leur production n'est pas suffisante pour permettre leur autofinancement. Ces projets doivent à la fois être diversifiés pour atteindre la rentabilité (vente de produits alimentaires, location d'espaces comestibles, entretiens des jardins, réalisations d'ateliers...), tout en étant très dépendants des fonds publics. Se pose alors la question du financement de ces projets, peu rentables et très coûteux dont on omet trop souvent les enjeux, à la fois sociaux et écologiques. En résulte des pouvoirs publics frileux et la laborieuse mise en œuvre des projets d'agriculture urbaine.

Formation et sensibilisation pour lever les barrières au développement des projets écologiques

Alors comment permettre le déploiement à l'échelle de l'agriculture urbaine dans les villes françaises ? Tout d'abord, en valorisant les vertus socio-culturels de cette dernière et en impliquant davantage les citoyens en tant que premiers concernés. Notamment grâce à la mise en place d'un dialogue et d'une coordination entre l'ensemble des acteurs du territoire permettant de favoriser l'acceptation des projets. Ensuite, parce l'intégration des citoyens est loin d'être la panacée, il nous faut sensibiliser, former les élus locaux à l'urgence liée à la mise en œuvre de projets durables. Il faut leur donner les clés et compétences techniques pour évaluer, sélectionner et financer les projets au meilleur potentiel. Un objectif qui n'a rien d'une utopie puisque certaines municipalités se sont d'ores et déjà emparées du sujet et ont su aménager les outils existants pour pallier les difficultés rencontrées : l'adaptation du PLU, la mise en place de conventions types pour préciser les conditions d'occupation des espaces publics, l'augmentation des subventions...

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