Prêt participatif : on vous dit tout

Dans un contexte de crise sans précédent, l’Etat annonce aujourd’hui la mise en place de Prêts Participatifs avec le Soutien de l’Etat (PPSE) avec une enveloppe globale de 15 milliards d’euros, après avoir lancé en décembre 2020 le PGE qui représentait déjà 130 milliards d’euros. Pourquoi multiplier les dispositifs ? Un prêt ou un autre, quelle différence ? Cet instrument de financement a pourtant des caractéristiques particulières qui méritent d’être expliquées et est un véritable complément aux dispositifs de soutien et de relance déjà existants. *Par Alexandra Golovanow et Aurélien Brignone, Smalt Capital
(Crédits : DR)

Le prêt participatif est un outil de financement hybride entre le prêt bancaire et une augmentation de capital. Selon le Code monétaire et financier, « les prêts participatifs sont, au regard de l'appréciation de la situation financière des entreprises qui en bénéficient, assimilés à des fonds propres ».

En réalité, il faut plutôt les assimiler à des « quasi-fonds propres » : ce ne sont pas des fonds propres, qui sont composés des capitaux propres et des résultats de l'entreprise, et qui constituent les ressources les plus durables. Néanmoins les prêts participatifs induisent une prise de risque supérieure à celle des banquiers. C'est en effet une créance de dernier rang lorsque l'entreprise est en difficulté : il est remboursé après les autres créances (dans l'ordre : salaires, administrations, fournisseurs, banquiers). En cas de faillite, il est donc très peu probable qu'il soit remboursé d'autant qu'il n'est pas garanti, ni par la société qui le reçoit, ni par un engagement des associés ou des dirigeants.

Cette prise de risque se traduit généralement par un taux d'intérêts facialement plus élevé que le taux du crédit bancaire, d'autant qu'au taux de base se rajoute souvent une rémunération complémentaire « participative » indexée sur les performances de l'entreprise. Toutefois, du point de vue du financeur, ces taux ne rémunèrent pas le risque pris : un investisseur en capital (en fonds propres donc) espère revendre ses parts avec une importante plus-value.

Pourquoi solliciter un prêt participatif ?

Quasi-fonds propres de par sa position dans le bilan, le prêt participatif renforce la structure financière de l'entreprise et doit permettre un effet de levier sur la dette. Il n'en reste pas moins un prêt qu'il faut rembourser selon un échéancier défini dans le contrat. Il impacte donc la capacité de remboursement de l'entreprise.

De ce fait, la plupart des banquiers, lorsqu'ils analysent la situation de l'emprunteur, même s'ils seront remboursés en priorité en cas de défaillance, le considèrent comme un crédit parmi les autres.

Vu sous cet angle, on peut se demander pourquoi solliciter ce financement alors que les taux d'intérêt pratiqués par les banques paraissent nettement plus intéressants. Tout d'abord parce qu'il faut comparer ce qui est comparable : contrairement aux prêts bancaires, il n'y a aucun frais ni engagements supplémentaires - le prêt participatif n'implique ni garantie personnelle ou de l'entreprise, ni assurance, ni, en principe, coûts de tenue de compte ou autres services payants. Ensuite, parce que c'est un financement moyen-long terme avec, généralement, un différé d'amortissement (jusqu'à quatre ans pour le PPSE annoncé) rarement accordé par les banques. Enfin, et surtout, parce qu'il est accessible à un moment où l'entreprise est fragile et doit financer sa croissance, par exemple des recrutements, alors que les banques, plus averses au risque, financent plutôt des actifs sur lesquels elles peuvent prendre des garanties et ont du mal à se positionner sur un potentiel, même très probable, de développement.

S'il n'est, bien que ce soit théoriquement possible, utilisé ni par les banques, ni par les investisseurs, alors qui propose ce type de financement ? Les financeurs publics.

Dès sa création par la loi du 13 juillet 1978, le prêt participatif a été pensé comme un moyen de soutenir les entreprises via un financement moyen-long terme. En 1978, il s'agissait de relancer le secteur sidérurgique en difficultés. Lors de la crise de 2008, OSEO (devenu Bpifrance) a mobilisé un milliard d'euros sous la forme de prêts participatifs pour aider les PME. En toute logique, il est d'actualité. Et pas seulement au niveau national avec le nouveau fond de dettes de 15 milliards destiné aux entreprises qui réalisent plus de deux millions d'euros de chiffre d'affaires, mais également via des fonds régionaux comme Région Sud Investissement qui, avec une enveloppe dédiée de dix millions d'euros, finance, la relance d'entreprises de plus petite envergure impactées par la crise sanitaire Covid-19, via des prêts participatifs de quinze à deux cent mille euros.

Financer un potentiel

Sous la lumière des projecteurs dans le contexte actuel, les prêts participatifs ne sont pourtant pas un outil de financement spécifique aux périodes de crise. Ils sont utilisés depuis longtemps dans le cadre des stratégies de soutien au développement économique, notamment au niveau régional. Ainsi, des dispositifs de prêts participatifs se sont succédés en Région Sud depuis les années 90, Région Sud Investissement a par exemple été doté en 2019 d'un montant global de près de trente-neuf millions d'euros pour financer, jusqu'en 2023, des TPE et PME en croissance via des prêts participatifs de quinze à deux cent mille euros. Particularité de ces prêts : ils viennent en complément d'un financement privé et agissent donc comme un effet de levier. Ils permettent de couvrir un besoin global de financement tout en partageant la prise de risque entre les financeurs, ce qui peut les encourager à financer le projet. Un banquier sera en effet nettement plus enclin à accorder un crédit à une société « risquée, mais à fort potentiel » s'il ne prend que la moitié du risque. Dans le cas d'un financement en capital, au-delà du partage du risque, cela permet d'éviter une dilution trop importante à un stade amont du développement de l'entreprise.

En conclusion, le prêt participatif intervient à un moment clé du développement de l'entreprise lorsque les risques sont encore élevés et l'accès au financement limité. Dans le cadre des stratégies des pouvoirs publics, l'objectif de ces dispositifs est de permettre aux entreprises de passer un cap et de réaliser leur potentiel. Outil hybride, le prêt participatif a les avantages des capitaux propres comme des crédits bancaires : il finance un potentiel sans dilution de l'actionnariat.

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