Fabricant de matériaux de construction géosourcés, Filiater passe à l’échelle industrielle

Basé à Nice, le bureau d’études technique et fabricant de matériaux de construction transforme la terre et les déblais de terrassement en blocs de pierre. Et ce, directement sur site grâce à des unités de production mobiles. Soutenu par l’Ademe, un premier bâtiment ainsi éco-construit vient d’être inauguré et quatre autres suivront d’ici 2026 pour démontrer la pertinence technique et économique de ce nouveau procédé, écologiquement intéressant pour la filière, troisième poste d’émissions de gaz à effet de serre en France.
(Crédits : Filiater)

Début juillet, une maison de santé pas comme les autres a été inaugurée à Charleval, petite commune de 2800 âmes des Bouches-du-Rhône. Cette bâtisse de 750  imaginée par l'atelier Combas Architectes pour un budget de 2 millions d'euros a la particularité d'être éco-construite en terre et matériaux géosourcés issus des déblais de terrassement.

Quelque 572 tonnes, sur un total de 672 tonnes excavées, ont en effet été transformées directement sur place en 1400 blocs de terre comprimée et en béton de site non armé pour former les façades et les murs de refend de l'édifice. Sur les 100 tonnes de déblais restants, 60 ont servi à la végétalisation du site et seules 40 ont été évacuées en décharge, permettant d'économiser le passage sur chantier de 35 semi-remorques.

Pionnier du recyclage des matériaux

A la manœuvre de ce projet inédit, l'entreprise Filiater, basée à Nice depuis 1987. Tour à tour aménageur foncier, promoteur immobilier et bureau d'études techniques spécialisé en terre crue et matériaux géosourcés, la société s'est progressivement structurée pour devenir à l'aube des années 2020 un fabricant de matériaux de construction à base de terre et de pierres de site. « Nous sommes passés par différents chemins pour devenir ce que nous sommes, mais tous répondaient à la même volonté, explique Michel Oggero, dirigeant-fondateur de Filiater, réduire l'impact de la construction sur l'environnement à travers le recyclage de matériaux. »

Un positionnement aujourd'hui salué et encouragé mais dont « tout le monde se moquait à l'époque », se souvient le géologue de formation. Lequel, durant 20 ans, a patiemment agrégé autour de lui des chercheurs et architectes intéressés par le sujet, réalisé des opérations témoins, lancé des programmes de R&D pour « donner une application moderne, en termes de réglementation, d'assurance mais aussi de confort de vie, à ce mode de construction ancestral ».

Démonstrateurs

La prise de conscience environnementale du mitan des années 2010 vient changer la donne. Le secteur de la construction est montré du doigt avec ses 227 millions de tonnes de déchets générés chaque année et ses émissions de gaz à effet de serre qui représentent près du quart des émissions nationales. De fait, Filiater entre dans les radars de différents organismes publics et obtient des financements pour poursuivre ses recherches, sur le sujet de l'isolation thermique de ses matériaux géosourcés d'abord, puis sur leur cycle de vie et leur impact carbone.

A l'image du projet MacroTerre, lauréat 2020 de l'appel à projets de l'Ademe « Réduction, Recyclage et Valorisation des déchets du bâtiment ». A la clé, une enveloppe de 3,7 millions d'euros pour soutenir la conception et le développement de machines de production mobiles de matériaux géosourcés, la création d'un centre technique d'essais et de compétences et la réalisation de différents bâtiments démonstrateurs. La maison de santé de Charleval est le premier à sortir de terre. D'ici 2026, suivront un immeuble collectif de moyenne hauteur (R+3), un autre de plus grande hauteur (R+8), deux maisons individuelles et un bâtiment d'activité, lequel abritera le centre technique de l'entreprise.

Economie circulaire

Si la démonstration est éminemment technique, elle se veut également économique au travers d'un modèle circulaire privilégiant le développement de filières locales de production. « Nous avons deux modèles, détaille le dirigeant. Le premier, déjà effectif, consiste en l'installation d'une usine mobile de production de blocs et de son centre d'études sur un chantier, voire une zone d'aménagement, pour fabriquer à partir des déblais environnants les matériaux qui alimenteront les chantiers alentours. » Le second se place sur une échelle plus grande, celle d'une communauté d'agglomération, avec la création d'unités de production fixes et mobiles sur des plateformes de recyclage qui rayonneront sur toute une région, ce qui suppose le développement d'une activité de négoce. Des discussions sont en cours avec quatre grandes métropoles. « L'application de nos matériaux ne se limite pas à l'immobilier. Ils peuvent servir à la fabrication de mobilier urbain ou au soutènement de voierie », précise le dirigeant.

Michel Oggero espère lever 5 millions d'euros d'ici à la fin de l'année pour soutenir son développement. Et ainsi passer de 10 à 50 salariés sur trois ans, de 1 million d'euros de chiffre d'affaires à 20 millions d'euros sur la même période. « Nous sommes sollicités quasi-quotidiennement », assure-t-il, soulignant les avantages - nombreux - d'un tel procédé de fabrication, tant sur le coût, appelé à devenir plus compétitif avec le passage à l'échelle industrielle, que sur l'environnement. Et même si l'émergence de matériaux nouveaux s'avère toujours compliquée, Filiater revendique « une longueur d'avance » avec « 25 ans de recul et beaucoup de data sur le comportement de nos matériaux face aux contraintes ».

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