Les ambitions de l'italien Marcegaglia, repreneur du site d'Ascometal, à Fos-sur-Mer

Production d'un nouveau type d'acier, maintien de l'activité existante, embauche, trafic pour le port... Les dirigeants de la société italienne choisie pour reprendre les activités d'Ascometal sont en Provence pour mettre en marche leur projet, lequel s''inscrit dans la volonté du groupe transalpin de verticaliser son activité.
(Crédits : Vincent Kessler)

Rarement, la reprise d'une usine se réalise avec autant d'apaisement. Les élus locaux comme les syndicats représentatifs du personnel ont largement partagé leur satisfaction de voir Marcegaglia reprendre le site d'Ascometal à Fos-sur-Mer. Il faut dire que l'offre est alléchante avec la promesse d'un investissement de 600 millions d'euros, auxquels s'ajoutent le financement des besoins en fond de roulement d'environ 200 millions d'euros et la transformation de l'outil industriel afin d'augmenter massivement la production.

Lire aussiMétallurgie : soulagement, la justice valide la reprise du site de Fos par Marcegaglia

Le groupe familial italien, originaire de la province de Mantoue à l'Est de Milan, s'engage à reprendre les 323 salariés. « Pour la phase initiale de notre projet, nous n'aurions eu besoin que de 260 salariés, mais nous avons voulu conserver tout le monde pour montrer l'attention que nous portons aux personnes », explique dans un français impeccable Antonio Marcegaglia, détenteur du capital de l'entreprise avec sa soeur Emma Marcegaglia.

Une stratégie de verticalisation du groupe

Le duo revendique un profil familial et « industriel » avec « une vue sur le long terme, nous ne sommes pas des financiers ». Antonio Marcegaglia assure avoir « toujours réinvesti les profits » du groupe. Une vision qui est la clef selon lui pour réussir à faire vivre ce site alors qu'Ascometal a connu trois redressements judiciaires sur les dix dernières années (2014, 2017 et 2024). La faute à un positionnement, sur la fabrication d'aciers longs spéciaux avec notamment des fils, avec des volumes « trop petits et trop coûteux » juge le dirigeant italien qui pointe également une absence d'investissement depuis plusieurs années. Un type de produit qui n'est pas celui de l'entreprise transalpine.

Dans le projet validé par le tribunal de commerce de Strasbourg, Marcegaglia ambitionne de désormais produire avec un four électrique des bobines à chaud en acier au carbone, destiné aux secteurs de l'automobile, la construction ou encore l'électroménager. Un format ou modèle qu'auparavant la société italienne achetait. L'acquisition du site de Fos-sur-Mer répond donc à une stratégie de verticalisation puisque 30% des besoins de Marcegaglia, de 6,5 millions de tonnes au total, vont provenir des Bouches-du-Rhône. « Cela nous permet d'être beaucoup plus fort et stable dans un contexte géopolitique avec beaucoup d'incertitude », défend Antonio Marcegaglia évoquant « une industrie européenne qui se protège et se décarbone ». L'acquisition d'usines à Sheffield en janvier 2023 répondait à la même logique, elle marquait d'ailleurs les débuts de l'entreprise famille dans le domaine de la production en plus de son habituel métier de transformation.

Du trafic pour le port de Marseille-Fos

Marcegaglia sera donc son propre client et estime un équivalent de chiffre d'affaires pour l'usine provençale de 600 millions d'euros. La nouvelle production, pour démarrer mi-2027, doit atteindre entre 1,6 et 2 millions de tonnes. De quoi générer du trafic sur les bassins du port de Marseille-Fos. « L'usine aura 1,6 million de tonnes d'entrées et autant de sorties. Les matières proviendront soit de sites locaux, soit par le port pour la ferraille où ce qui provient de notre site de Sheffield. La production partira ensuite par la mer vers Ravenne, où se situe notre usine », détaille Antonio Marcegaglia. La présence du port de Marseille-Fos était un élément clé du choix de Marcegaglia. Tout comme la dimension du site d'Ascometal, le coût compétitif de l'énergie en France et la forte  disponibilité de ferraille, liste la direction.

Concernant les salariés, les prochains mois vont leur permettre de se former. « Les compétences ne sont pas exactement les mêmes mais elles restent similaires », avance Antonio Marcegaglia. « Cependant, la production et la productivité vont augmenter puisque nous voulons passer de huit ou neuf coulées par jour à une trentaine », poursuit-il. A terme, les effectifs devraient donc atteindre  400 personnes.

En attendant, le recours au chômage partiel est envisagé mais de manière assez limitée car le type de production actuelle sera finalement maintenu, hormis pour le fil. « Nous voulons atteindre les 150.000 tonnes, contre 100.000 actuellement. Nous pensons que cela peut être bénéfique en ne restant qu'une petite part et intégré dans un groupe solide », défend le dirigeant. Cette partie devrait représenter un chiffre d'affaires de 200 millions d'euros, ce qui porterait la valeur de production totale du site à un milliard d'euros « et 60 millions d'euros d'Ebitda supplémentaire ». Ce chiffre qui permet de mesurer la rentabilité d'une entreprise est de 640 millions d'euros en 2023, pour un chiffre d'affaires de huit milliards d'euros du groupe.

Vers un rapprochement avec GravitHy

Quelques sujets restent néanmoins à régler d'ici 2028, date attendue pour que l'usine tourne à plein régime. Un sous-traitant, Harsco, défend que ses 90 salariés doivent être repris par Marcegaglia ce que conteste la société italienne. Une situation bloquante. « Nous espérons résoudre ce sujet dans les prochains jours, nous commençons à discuter avec d'autres prestataires pour donner de la continuation à l'activité », glisse Antonio Marcegaglia.

Autres discussions à mener, celles concernant une partie du foncier. Environ une trentaine d'hectares « pas strictement nécessaires mais qui seraient un bon atout pour faciliter la logistique et être voisin de GravitHy ». Antonio Marcegaglia confie avoir eu des discussions avec les porteurs de ce projet de production de fer de réduction directe à base d'hydrogène avant de rendre l'acier plus vert avant d'avoir visé l'acquisition du site de Fos-sur-Mer. S'en rapprocher pourrait même déboucher sur des installations communes. « Avoir des accords commerciaux donne plus de force à ce type de projet », juge Antonio Marcegaglia. Nul doute que ce type de synergie ravira les acteurs économiques et politiques.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 13/06/2024 à 14:23
Signaler
"Rarement, la reprise d'une usine se réalise avec autant d'apaisement" Mais vous rigoler ou quoi ?? Ça fait une semaine que les ouvriers de la société co traitente Harsco Métal sont dehors devant le poste de garde parce que leur contrat n'a pas était...

le 19/06/2024 à 10:20
Signaler
Officiellement reprise par un investisseur italien, promettant une nouvelle ère de prospérité. Cette nouvelle a été largement saluée comme une réussite, la réalité semble plus complexe. En effet, le repreneur n’a pas intégré les sous-traitants dans...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.