Textile : Brun de Vian Tiran, le choix (enfin reconnu) du Made in France

Installée à à L'Isle-sur-la-Sorgue depuis 1808, cette PME familiale fabrique de bout en bout des étoffes réalisées à partir de fibres nobles venues du monde entier. Une entreprise qui a toujours cru à la fabrication française, même lorsque ses concurrents ont fait le choix de délocaliser toute ou partie de la production. Et cette persévérance porte ses fruits. Brun de Vian Tiran voit ainsi sa notoriété se développer et multiplie les collaborations.
(Crédits : DR)

Plus belle entreprise familiale au monde. Rien de moins. Tel est l'intitulé du prix reçu par Brun de Vian Tiran au printemps 2023, décerné par l'association « Primum Familiae Vini » qui réunit douze entreprises familiales européennes d'excellence. Une consécration pour cette PME dont la naissance remonte à plus de 200 ans, en 1808. À une époque où l'Isle-sur-la-Sorgue compte une soixantaine de manufactures textiles.

Une époque révolue, sous le coup de vagues successives de délocalisations. Mais Brun de Vian Tiran a tenu bon. Solidifiée, notamment, par son choix d'intégrer les quinze étapes de production de ses étoffes, de l'assemblage au cardage, en passant par la filature ou le tissage. Des étoffes fabriquées à partir de textiles nobles, venus des quatre coins du monde dans le cadre de relations jugées équitables, prenant en compte les enjeux environnementaux.

Des savoir-faire à protéger

Des savoir-faire aiguisés au fil du temps, qu'il est impératif de préserver. D'autant plus que les départs à la retraite sont nombreux. Pour cela, Brun de Vian Tiran a récemment créé un poste dédié à la transmission des savoir-faire. L'enjeu : « transmettre les savoir-faire pratiques liés à nos quinze étapes de production qui sont indissociables les unes des autres et forment un continuum », explique Jean-Louis Brun, dirigeant de l'entreprise. L'enjeu est ainsi de fluidifier la communication au fil de ces étapes. De mieux identifier et comprendre d'éventuels dysfonctionnements. Mais aussi de faire remonter la parole de tous les ouvriers, et ainsi, « de continuer à apprendre ».

Au delà de la maîtrise de toutes les étapes de sa production, l'une des forces de la PME de cinquante salariés est sa capacité d'innovation. Notamment en matière de design. « Nous avons créé un comité de création en partenariat avec l'École nationale supérieure de création industrielle ». Une porte ouverte sur l'extérieur qui permet d' « ouvrir des pistes ».

Un public élargi

Et au-delà des savoir-faire, la PME veille à faire savoir, opérant un travail important de communication qui l'aide non seulement à attirer des clients, mais aussi à recruter malgré les tensions du marché de l'emploi et le manque d'attractivité de certains de ces métiers, en particulier dans un territoire rural.

Entreprise du patrimoine vivant, elle dispose ainsi d'une boutique et d'un musée sur son site de production. « La boutique fonctionne au-delà de nos prévisions. Mais pour le musée, il y a toujours un enjeu d'accroître la fréquentation ». L'entreprise espère que son référencement par le réseau Entreprise et Découverte pourra l'y aider. De même que celui réalisé par le guide Bienvenue en Provence.

De quoi étoffer son public, pour l'heure composé de trois types de profils. « Nous avons d'abord une clientèle plutôt sénior, pour qui, culturellement, l'achat d'étoffes est un achat durable qui pourra être transmis aux enfants. Nous avons ensuite une clientèle nouvelle, qui a entre 25 et 35 ans, que nous ne touchions pas avant mais qui a moins de moyens mais qui achète nos produits - en soldes souvent- car ils sont attachés à nos valeurs ». S'y ajoute « une clientèle plutôt aisée financièrement, qui aime nos produits pour leur savoir-faire, les valeurs des matières utilisées... »

« On se sent à nouveau dans une filière »

Et globalement, malgré l'épisode d'inflation qui aurait pu restreindre la demande pour les étoffes premium de la marque, celle-ci est en hausse, portée par la notoriété de la marque. Une notoriété que soutiennent également diverses collaborations. « Nous avons par exemple travaillé avec Air France pour son 90eme anniversaire et le 40eme anniversaire du Concorde. Nous avons proposé de faire un châle dédié, avec les meilleures laines de France et d'Australie, en co-branding, avec les étiquettes des deux marques. Pour nous, c'est une très belle vitrine. Et ce projet nous a beaucoup plu techniquement ».

Et l'an dernier, un autre partenariat a été mis en œuvre avec la marque Le Jacquard Français, donnant lieu à un plaid à la couleur des nappes de ce partenaire. « Nous avons aussi travaillé avec Couleur Chanvre qui se trouve à Saint-Jean-de-Luz avec qui nous avons lancé des plaids composés de deux tissus cousus l'un à l'autre : l'un en chanvre, l'autre en mérinos de notre création ».

Et les demandes sont nombreuses. « Nous recevons toutes les semaines des messages de designers qui aimeraient travailler avec nous ». Le signe d'une évolution du marché ? « Nous avons longtemps été isolés à cause du désastre des délocalisations. Nous sommes restés, et avons fait preuve de persévérance. Et aujourd'hui, il semble que cette persévérance soit récompensée. Nous avons désormais l'impression d'appartenir à un écosystème auquel on participe - nous sommes par exemple fondateurs du Collectif Tricolor [association interprofessionnelle qui rassemble éleveurs ovins, artisans, manufactures, acteurs de la création, de la distribution, et territoires, ndlr]. On se sent à nouveau dans une filière avec des marques partenaires, textiles ou pas. Il existe une forme de solidarité entre acteurs. On se fait travailler les uns les autres ».

La relocalisation : une affaire de produits premium ?

Ce qui n'empêche que la relocalisation semble encore lointaine. « On en parle beaucoup, mais en matière d'ampleur, on n'est pas à la cheville de ce que la France a été dans le textile ». Et si celle-ci se concrétise, sera-t-elle l'apanage des marques premium ? Jean-Louis Brun le pense : « grâce aux charges salariales qui nous permettent de financer la santé, les retraites, la solidarité, produire français a un coût ». Et s'il se réjouit de cette organisation à l'œuvre, il estime qu'il faudrait aussi faire preuve de solidarité à l'égard des entreprises jouant le jeu du made in France. Mais aussi revoir la légitimité de certaines taxes qui, pense-t-il, créent une inéquité vis-à-vis de la concurrence internationale.

D'autant que la marque nourrit des ambitions internationales qu'elle peine à réaliser. « L'export ne représente que 15 % de notre chiffre d'affaires. Pour une maison française de produits premium, c'est assez faible ». Jusqu'en 2008 pourtant, la marque était bien distribuée sur la rive nord de la Méditerranée. La crise économique l'en a éloignée. « Depuis, nous n'avons jamais retrouvé le niveau que nous avions ». Et la configuration à l'étranger n'est pas toujours évidente : « En France on trouve beaucoup de distributeurs multi-marques, à l'étranger ce n'est pas le cas. Il faudrait que nous ayons nos propres points de vente mais nous sommes encore trop petits ». L'entreprise espère désormais accélérer sur ce sujet.

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