Jean-Pierre Blanc - Malongo : “Le bio non équitable est en voie de paupérisation”

A la tête du torréfacteur azuréen depuis 1980, “le plus vieux directeur général de France”, comme il aime à se décrire lui-même, poursuit inlassablement son plaidoyer en faveur du commerce équitable. Un modèle économique structuré et structurant qui a permis à la PME, pionnière en la matière, de sortir de l’ombre et de s’imposer comme un acteur incontournable de la filière café.
(Crédits : DR)

C'est une petite boîte ronde, métallique, blanche, sur laquelle trône le portrait d'une dizaine de cultivateurs mexicains. Un cliché vieux de vingt-huit ans, délicieusement suranné, volontairement à rebours des codes marketing, pourtant devenu le symbole d'une conquête : celle du commerce équitable. A la manœuvre, Jean-Pierre Blanc, l'auteur de la fameuse photo et directeur général des Cafés Malongo qui au mitan des années 90 convainc une poignée d'enseignes de la grande distribution, Monoprix et Carrefour en tête, de soutenir cette idée en peu folle qu'un autre commerce est possible, durable et éthique, basé sur la juste rétribution des producteurs et travailleurs comme levier de développement et de réduction des inégalités. Bonne pioche. Vingt-cinq ans plus tard, cette première offre de café dit "des petits producteurs" truste fièrement la deuxième marche du podium du marché des Arabica en GMS. Elle s'est depuis dupliquée, développée, adaptée à l'ensemble des circuits de distribution BtoC et BtoB que couvre l'importateur et torréfacteur azuréen. Et a fait de la petite brûlerie née en 1934 à Nice, aujourd'hui belle PME de 400 collaborateurs pour 140 millions de chiffre d'affaires, le chantre et chef de fil du commerce équitable en France.

Malongo commerce équitable 2

Pionnier du café bio

"J'ai tout de suite cru à cette façon de voir les choses", se souvient Jean-Pierre Blanc dont l'histoire a souvent été racontée. Sa rencontre, en 1992, avec le prêtre ouvrier Francisco Van der Hoff, cofondateur du label Max Havelaar au Mexique et un des théoriciens du commerce équitable. Ces indiens réunis en coopérative qui ne voulaient pas utiliser de produits chimiques par respect pour la Terre Mère, cherchant par ailleurs à court-circuiter les intermédiaires pour vendre leur production à un prix plus élevé et plus juste. Tout ceci parle à l'Azuréen, dont les orientations données à l'entreprise Malongo qu'il dirige depuis 1980 ont souvent été nourries par des convictions, des intuitions. Celles-ci l'ont conduit dès les années 80 à parier sur le café bio, une niche à l'époque. La conversion au commerce équitable, une décennie après, apparaît alors comme une suite logique.

Autonomie et certifications

"L'idée, résume-t-il, c'est de donner de l'autonomie aux coopératives de petits producteurs que l'on structure, développe et accompagne dans les certifications Fairtrade, Max Havelaar ou biologique." Un partenariat gagnant-gagnant basé sur un modèle garantissant visibilité, prix minimal et système de bonus, avec comme contrepartie "la qualité du produit". "Deux collaborateurs agronomes travaillent ainsi à l'amélioration continue de la qualité dans les zones de production des coopératives des petits producteurs." Lesquelles sont situées en Amérique Centrale et Latine, en Afrique de l'Est et en Asie. Et que Malongo accompagne notamment dans la réalisation de projets d'agroforesterie et d'agriculture biologique. A l'instar de "cette coopérative du Laos d'un millier de paysans qui a monté l'an passé une unité d'engrais organiques de près de 1000 tonnes". Ces différentes initiatives permettent au torréfacteur de sécuriser son approvisionnement avec un volume annuel importé de 8 500 tonnes de café vert de "haute qualité" dont 60% sont certifiés Max Havelaar, 25% AB.

Malongo commerce équitable

Modèle économique structurant

"Le commerce équitable n'est pas un acte de charité, mais un modèle économique structuré et structurant", plaide le dirigeant, dont l'entreprise réinjecte chaque année entre 3 et 4 millions de dollars dans des programmes de développement réservés à ces producteurs. Parmi eux, ce projet lancé en Birmanie il y a quatre ans en collaboration avec l'ONU qui s'est traduit par la transformation de près de 1000 hectares de plantation de pavots en plantation de café, permettant ainsi aux membres de la coopérative, toujours accompagnés par Malongo, d'obtenir un revenu équivalent à celui de la drogue. "C'est aussi cela le commerce équitable, un système capable de transformer un modèle de destruction en un modèle de construction". D'où la nécessité, selon lui, de l'associer au plus vite à l'agriculture biologique. "Pour moi, le bio qui n'est pas équitable n'est pas du bio, explique-t-il. On voit bien les difficultés apparaître, en France comme ailleursOn entre peu à peu dans une paupérisation du bio comme on a paupérisé l'agriculture conventionnelle. Il est donc urgent de s'orienter vers ces modèles économiques dont les fondamentaux permettent tout simplement de vivre dignement." A bon entendeur !

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Commentaire 1
à écrit le 11/01/2021 à 8:53
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A quand du transport à voiles pour le café qui se conserve très bien afin d'exposer un réel et avant gardiste progressisme ? :-) Déjà rien qu'en se passant de cette armée d'intermédiaires ultra couteux on serait dans des délais plus que raisonnab...

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