Pierre Giuliano - La Mesta Chimie fine : "Il y aura peut-être des côtés positifs à cette crise"

Spécialisée dans la chimie fine de synthèse, l’entreprise basée à Gilette, dans les Alpes-Maritimes, reste sur le pont pour assurer la production de principes actifs utilisés dans un certain nombre de produits pharmaceutiques, alimentaires et cosmétiques. Une activité de production généralement mal considérée que la crise du Covid-19 place désormais sous un nouveau jour.
(Crédits : iStock)

Lundi 23 mars, 10h. L'entretien téléphonique - confinement oblige - à peine commencé, Pierre Giuliano s'éclipse, le temps de saluer - à distance évidemment - le gendarme de Saint-Jeannet venu chercher du gel hydroalcoolique. "C'est notre petite contribution", explique le directeur général de l'usine La Mesta, basée à Gilette, spécialiste en chimie fine de synthèse. Laquelle produit chaque semaine depuis mi-mars 1200 litres de cette denrée tant recherchée pour servir son usage interne, mais aussi les mairies et gendarmeries des communes avoisinantes. Un geste de solidarité parmi d'autres qui vient toutefois souligner "notre rôle dans la société", souligne le dirigeant. "On peut être utile au territoire au-delà de notre activité".

Organisation adaptée

Mal connue sur la Côte d'Azur, La Mesta est considérée dans le microcosme de la chimie fine de synthèse comme l'une des usines les plus en pointe au monde. Fondée en 1971 par des pharmaciens, passé dans le giron du groupe industriel familial Yriel en 2013, elle fabrique à façon 300 tonnes de molécules chimiques complexes par an, des principes actifs le plus souvent, pour l'industrie pharmaceutique (antitussif, antiseptique, anesthésique), le secteur des arômes alimentaires (produits allégés) et parfums et la cosmétique essentiellement. Des domaines sensibles pour certains qui imposent en cette période de confinement généralisé une continuité de l'activité pour les 85 salariés de l'usine azuréenne. Qui continue donc de fonctionner en trois-huit. "Nous avons adapté notre fonctionnement, détaille Pierre Giuliano. Outre les mesures de distanciation et d'hygiène préconisées, les plages horaires ont été étalées pour permettre à chacun de mieux s'organiser, notamment ceux qui ont des enfants. Les temps de changement de poste aussi ont été étendus afin de limiter le nombre de personnes en vestiaire en même temps". Bref, "une fois les premières angoisses passées, on s'est tous mobilisé pour trouver collectivement des solutions pratiques afin que les choses fonctionnent bien et maintenir ainsi un rythme de production certes allégé mais tout à fait raisonnable."

Programmes maintenus

Car contrairement à la crise précédente, celle des Subprimes, la plupart des programmes ont été maintenus. "En 2008, le choc était tel que les donneurs d'ordres ont violemment réagi et fermé tous les robinets de commandes, raconte le dirigeant. Cette fois-ci, la réaction me semble plus rationnelle. Nos clients sont comme nous, dans une position attentiste, ce qui me semble sage". D'autant que La Mesta ne souffre pas de pénurie de matières premières. D'abord, parce que même si elles sont issues de Chine, elles ne proviennent pas de Wuhan, où le virus Covid-19 est apparu pour la première fois. "C'est notre chance". Ensuite, parce que l'entreprise avait "anticipé les choses" et commandé "par avance" les matières premières. "Il n'en reste pas moins que notre métier reste exposé à des fermetures intempestives, des confinements en Chine ou en Inde, des blocages de transport..." Une dépendance "organisée depuis une vingtaine d'années", rappelle-t-il, qui aujourd'hui choque la population. "C'est le côté positif de cette crise. Quand on entend des grands laboratoires comme Sanofi déclarer souhaiter la réindustrialisation, ou du moins, la remise en place du sourcing des produits de santé en France et en Europe, ça ne peut aller que dans le bon sens. Même si ce phénomène de rapatriement des productions sera assez long".

Casser l'image du méchant pollueur

Autre point bénéfique souligné par Pierre Giuliano, "la prise de conscience par la population de la nécessité d'avoir sur son territoire des usines de production, ne serait-ce pour sécuriser l'approvisionnement et la qualité des produits". Peut-être cela permettrait-il de casser l'image du méchant pollueur qui colle au métier ? "Je l'espère. A nous, industriels, d'être vertueux, de nous améliorer et de mieux communiquer pour montrer ce que nous faisons de bien. C'est le sens de l'histoire", veut croire le dirigeant de La Mesta dont les technologies de miniaturisation développées en interne permettent d'intensifier la production en utilisant moins de matières premières et de solvants, diminuant ainsi les déchets générés et les besoins en énergie. Des innovations qui devraient porter l'entreprise dont l'objectif est de franchir la barre des 20 M€ de chiffre d'affaires dans les trois ans (contre 17 M€ en 2019). "A ce jour, cela reste notre plan de route, indique-t-il. Il est encore trop tôt pour le revoir à la baisse même si certains de nos secteurs seront touchés, immanquablement. Une pause dans la croissance, c'est de la consommation en moins, cela aura donc des effets sur toute la chaîne. Nous y compris".

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