Le new space fera-t-il émerger la filière photonique ?

Elle intervient dans les domaines de l’éclairage, de la sécurité-défense ou des télécommunications. Considérée par l’Union européenne comme l’une des six technologies clés du XXIème siècle, la photonique est un secteur discret mais pas moins prégnant, tant il intervient sur des sujets majeurs, de souveraineté notamment. Deuxième région française pour ses expertises en la matière, le Sud participe à placer la France sur l’échiquier européen. Mais si le potentiel est réel, les freins demeurent encore, notamment un croisement qui a encore du mal à se faire avec le numérique et le manque cruel de talents.
(Crédits : DR)

Le sujet central du moment c'est clairement l'IA. Après la micro-électronique, l'IoT, c'est l'intelligence artificielle qui concentre les attentions, les investissements en R&D, les velléités des entreprises, l'intérêt des financeurs et investisseurs et les interrogations aussi, notamment sur le volet éthique de la chose.

Bien plus discrète mais pas moins essentielle, la photonique est aussi un sujet qui retient les attentions. D'abord parce qu'elle intervient dans des domaines essentiels, du quotidien, tels la sécurité-défense, l'éclairage, la santé, la mobilité, les télécommunications, soit les écrans, les capteurs de mouvement, les phares ou les tableaux de bord... Ensuite parce que, pour l'Europe, elle est l'une des six technologies stratégiques du XXIème siècle. Elle serait même l'équivalent de ce qu'a représenté l'électronique au XXème siècle. Et pour en donner une définition plus claire, la photonique concerne la génération, le contrôle et la détection de photos, autrement dit les particules de lumière.

Une croissance de près de 8%

Son potentiel mondial, en chiffres, est encore plus significatif : un poids de 741 milliards de dollars en 2023 et une croissance estimée de 7,5% par an entre 2024 et 2032.

La France, dans ce grand tout, est plutôt bien positionnée et cela grâce au Sud, deuxième région tricolore avec Auvergne-Rhône-Alpes à contribuer à son rayonnement. C'est même 25% de la R&D nationale qui est concernée.

Jusqu'à il y a quelques mois, c'était le pôle de compétitivité Optitec qui regroupait la filière. Mais le rapprochement opéré avec le pôle Solutions Communicantes Sécurisés (SCS), basé à Sophia-Antipolis, intervenu en janvier dernier, a pour objectif de précisément rapprocher ce secteur de niche d'acteurs du numérique. En somme, de venir apporter une brique supplémentaire et complémentaire. Et pleine de promesses.

Une hybridation nécessaire

Les promesses, c'est ce que souligne l'Observatoire DeepTech, mené conjointement par le pôle SCS et In Extenso Innovation Croissance. En France, la photonique c'est 1.100 entreprises, 84.000 salariés et un chiffre d'affaires de 19 milliards d'euros. Le rapprochement avec le numérique ?  Une addition de compétences. Ainsi, si le numérique intègre la photonique - pour tout ce qui est détection et reconnaissance par la lumière ou les systèmes de communication par fibres optiques - l'inverse n'est pas vrai. La photonique n'a pas encore intégré certaines technologies numériques comme l'IA.

Or c'est précisément là que se situe la substantifique moelle. « L'hybridation n'est pas aussi simple que cela », note Noémie Keller, associée au sein d'In Extenso Innovation Croissance. « La photonique et le numérique sont deux planètes différentes qui doivent se parler. Si l'union se fait, c'est là que se produiront alors des sauts technologiques ».

L'addition du numérique et de la photonique est fondamentale, notamment, pour le secteur de la défense. Notamment sur le sujet de la guerre hybride, celle qui ne se joue plus seulement sur le terrain militaire mais aussi sur le terrain civil, avec brouilleurs de GPS, cyberattaques, là où la lumière infrarouge ou laser offrent de la précision de haute qualité... « Les technologies d'optique sont fondamentales pour cela », souligne Noémie Keller.

Résoudre les manques

Mais si elle est considérée comme une filière d'avenir, la photonique doit aussi faire face à deux freins : le financement et les compétences.

Bien que très utile, la photonique est un peu moins séduisante que l'IA. Et bien moins présente des discours des patrons et institutionnels. Alors forcément, le regard des investisseurs et les financements vont plus aisément vers l'intelligence artificielle.

« Globalement, le secteur est composé d'une myriade de petits acteurs, plutôt des cabinets d'études ou des faiseurs de R&D pour compte de tiers, ce qui n'intéresse pas les investisseurs. Il existe une telle hystérie sur l'IA qu'elle absorbe et focalise sur elle l'ensemble de l'attention et des capitaux, ce qui fait que les autres technologies qui créent de la valeur sont laissées de côté. Les acteurs optiques doivent pivoter en termes de proposition de valeur », explique Noémie Keller.

Qui place tous les espoirs dans le new space. « Le new space est un Lego : ce sont des briques sur étagère et l'optique va lui apporter de la création de valeur ».

Autre frein : la mise à disposition de compétences. L'optique est encore considérée comme un secteur de niche et pas suffisamment connue et attractive pour faire venir à elle les talents. Un verrou à faire sauter et « le territoire a un rôle à jouer pour cela », affirme Noémie Keller. D'autant que l'écosystème nécessaire existe, entre organismes de recherche, laboratoires, plateformes technologiques... Reste sans doute à renforcer les passerelles entre chaque acteur. L'enjeu étant d'être en avance de phase et prêt au moment où la photonique aura pris sa pleine puissance.

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