Santé connectée : entre confiance « contrariée » et impact des GAFAM

Alors que la frontière est ténue entre ce qui relève du dispositif médical et ce qui relève du gadget, le Français, souvent enclin à monitorer ses activités comme la marche ou toute activité sportive, demeure néanmoins prudent dès lors que le terme IA entre dans le spectre de la santé. C’est ce que souligne, entre autres, le second baromètre Ipsos/ Edhec où il apparaît que la validation par l’expertise humaine soit encore une valeur refuge.
(Crédits : DR)

A l'heure des smartphones et des montres intelligents, il semble étonnant que la place prise par les nouvelles technologies dans la santé soit matière à défiance. Pourtant, la confiance du Français dans la santé connectée s'érode. C'est ce qu'il ressort du baromètre Ipsos réalisé pour le compte de l'Edhec, une photographie non dénuée d'enseignement où il apparaît que les Français est ambivalent : alors que 69% se disent méfiants vis-à-vis de la santé connectée, ils sont aussi 69% à se dire confiants dans une utilisation de cette santé connectée. « Même si dans l'absolu, ce chiffre peut sembler positif, il est - en rapport avec les résultats enregistrés l'année dernière - en baisse de 7 points », analyse Loïck Menvielle.

Il faut dire, souligne le directeur de la chaire « Management in Innovative Health » à l'Edhec que les actualités relatant les divers épisodes de fuites de données, piratage et autres actions malveillantes n'aident pas à consolider cette confiance.

Éléments de compréhension

La santé et plus largement l'innovation en santé sont des sujets majeurs, percutés à la fois par l'émergence des technologies - au premier rang desquelles l'intelligence artificielle - et par la place que les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) prennent, parfois de façon discrète, dans le quotidien du consommateur.

« Notre objectif est de décrypter tous ces challenges », confirme Loïck Menvielle. « C'est comprendre comment de nouveaux acteurs peuvent entrer sur la chaîne de valeur ». Facebook, Google, Amazon, présents dans le quotidien du consommateur, font partie de ces nouveaux entrants. Et tout l'intérêt - majeur, notamment pour des questions de souveraineté - est d'analyser comment, alors qu'ils possèdent une maîtrise algorithmique, ils arrivent « à détourner un certain nombre de règles du jeu, à détourner de la valeur issue d'acteurs historiques, comme le secteur pharmaceutique », pointe encore Loïck Menvielle, soulignant le lien qui se crée avec ces GAFAM, de façon assez « tributaire ».

Et c'est là où se pose la question de ce qui relève du dispositif médical de ce qui relève du gadget. Une frontière entre les deux extrêmement ténue... « Nous disposons actuellement d'une réglementation bien instruite, que cela soit en France, en Europe ou aux Etats-Unis », constate Loïck Menvielle, rappelant que le marquage CE demeure un garant pour ce qui est de définir ce qui relève du dispositif médical. Il faut dire que cette certification exige deux à trois ans de procédure pour être obtenue et qu'elle joue aussi un rôle pour obtenir le marquage sur le sol américain. Autre élément à prendre en compte pour définir les contours de cette frontière ténue, le portage des données, selon qu'elles sont transmises à autrui ou uniquement à l'utilisateur concerné.

Accompagner les industriels

« Notre rôle, au sein de la Chaire, est également d'accompagner les industriels, ceux qui font ce nouveau marché du domaine de la santé, pour comprendre quel est l'usage. On parle beaucoup de médecine algorithmique, mais cette médecine n'a de sens qu'à partir du moment où le citoyen est générateur de données continues. Et cette nouvelle médecine qui va révolutionner notre quotidien de patient, elle n'a de valeur qu'à partir du moment où nous possédons des modèles éprouvés ». Ce qui concrètement signifie que c'est l'exploitation de données de façon massive qui peut donner du sens et du fond aux modèles. Ce qui a d'autant plus de sens quand il s'agit de faciliter le parcours patient.

Alors que l'IA, et notamment l'IA générative, devient une des briques indispensables à l'émergence de cette santé connectée, que penser des investissements consentis par certaines grandes firmes, à l'instar des annonces récentes de Microsoft ou Accenture, lequel va doter Sophia-Antipolis d'un centre en IA générative. De tels investissements doivent-ils être considérés comme une bonne nouvelle ou regardés avec méfiance ?

« C'est une bonne nouvelle », considère Loïck Menvielle, et la preuve « du dynamisme de la France », le pays disposant de compétences - de très bons ingénieurs notamment - qui permettent aux pôles d'excellence comme Sophia-Antipolis de rayonner à grande échelle et « d'attiser l'intérêt des investisseurs. Le secteur pharmaceutique bénéficie aussi de ces investissements. La médecine de demain passera inéluctablement par un algorithme, par l'intelligence artificielle ». Une IA qui permet d'ores et déjà de réduire le temps de recherche clinique, ce qui induit une mise sur le marché plus rapide, par exemple de médicaments ou de traitement. Loïck Menvielle qui appelle à considérer que l'IA, considérée comme une boîte noire, repose de fait sur des modèles éprouvés. L'IA générative c'est aussi « de nouveaux calculateurs » et un « support social en direction du patient, un aspect souvent occulté ».

Le chemin est encore (un peu) long. Ainsi, le même baromètre souligne la faible part - 39% - de Français qui estime que l'IA permet aux médecins d'amplifier leurs connaissances. A ajouter au tiers de citoyens qui émet des doutes sur la fiabilité des outils connectés. De quoi démontrer que la pédagogie a un rôle à jouer pour placer le sujet sur le bon niveau. Entre fantasmes, promesses et réalité.

Loïck Menvielle était l'invité d'Azur Business. L'interview est à retrouver en intégralité ici.

Azur Business Edhec

*Depuis novembre 2021, La Tribune et BFM Nice s'unissent pour proposer chaque semaine une chronique économique, baptisée Azur Business, qui décrypte l'économie du territoire, ses enjeux, ses défis, les réussites et les problématiques. Tous les mardis, un invité vient apporter son analyse sur une thématique précise.

BFM Nice Côte d'Azur est à retrouver sur le canal 31 de TNT régionale et sur les box au canal 285/518 (SFR) et 360 (Bouygues).

La chronique est animée par Céline Moncel pour BFM Nice et Laurence Bottero, rédactrice en chef Méditerranée-Afrique du quotidien économique La Tribune.

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Commentaire 1
à écrit le 01/06/2024 à 9:29
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Les gens n'ont pas de libre arbitre, nos dirigeants nous ont mené vers la numérisation de toutes no données confidentielles afin de simplifier les démarches des uns et des autres et en effet on semble s'y diriger même s'il y a encore beaucoup de cass...

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