Label local, aide au foncier et soutien aux filières… comment la Région Sud répond à la colère paysanne

Si les manifestations des agriculteurs n’ont plus pour terrain d’expression les routes de France, la colère exprimée et les conditions de normes, de travail et de rémunération toutes ensembles mises sur la table ont sans nul doute provoqué un électrochoc général, tout en incitant certains acteurs à aller encore plus loin dans la réponse à apporter à la situation vécue de façon souvent palpable dans les territoires. Dans le Sud, la Région consolide son accompagnement, notamment avec la création d’un label local tout comme d’un fonds d’aide à la trésorerie et surtout d’une aide ciblée sur l’accès au foncier.
(Crédits : DR)

La colère exprimée durant plusieurs jours sur les routes et autoroutes de France et surtout de province, a sans doute créé un avant/après. Aux yeux de l'opinion publique, les contraintes imposées par les normes, les conditions de travail et de rémunération ainsi clairement exposées ont probablement contribué à une prise de conscience globale. Du côté des acteurs économiques, tout au moins de ceux qui côtoient les agriculteurs au quotidien, dans leurs villes et villages, on n'a, bien sûr, pas été surpris, tant on sait les difficultés. Parce que l'agriculture fait partie, pour une part de l'aménagement du territoire et pour une autre part, de la vitalité économique locale.

Une colère qui a remis en cause le Mercosur, qui a posé aussi sur la table la question de l'import/export de produits français et de produits d'ailleurs. Une colère semble-t-il entendue par le gouvernement et les acteurs publics.

Label, grande distribution et « impliquer le transformateur »

Dans le Sud, là où on revendique la première place pour la production de fruits et de légumes frais, de plantes à parfums, d'olive, là où on fait « du lait, de l'élevage, de la lavande, du miel, de la viticulture... » comme l'égrène Bénédicte Martin, la vice-présidente du conseil régional en charge de l'agriculture, on estime que l'absence significative de ces produits du cru dans les rayons des grandes surfaces peut se contrecarrer. C'est ainsi qu'est née le label « 100% Valeurs du Sud », destiné à distinguer la production locale, celle qui garantit une digne rémunération aux agriculteurs. Et l'idée, n'est pas juste d'estampiller les produits régionaux. « Il faut impliquer le transformateur », pointe Bénédicte Martin, expliquant que le cercle doit être vertueux, depuis le producteur jusqu'au consommateur, ce qui inclut la juste rémunération du premier et la facilité d'accès du second. « Il n'y a qu'une agriculture puissante qui peut produire et être accessible ». Ce qui signifie également peser sur la grande distribution, l'inciter à préférer le local plutôt qu'une filière exogène. « Si le supermarché rémunère correctement le producteur, il peut être labellisé », indique Bénédicte Martin. Une sorte de carotte de bon aloi, qui doit profiter du momentum post-manifestation, pour prendre toute sa dimension.

Jouer sur les mécanismes de rémunération c'est indispensable mais pour autant il faut aussi agir sur le besoin immédiat. Un fonds d'aide à la trésorerie doté de 5 millions d'euros, qui sera voté à la prochaine assemblée plénière régionale, devrait ainsi apporter l'oxygène financier qui manque à certaines exploitations qui suffoquent et connaissent des retards de paiement. Un sursis bienvenu pour éviter d'en arriver à des situations définitives.

Accompagner le changement de modèle économique

Mais l'autre levier pour renouer le lien entre producteur et consommateur s'appelle l'agritourisme. Une solution peut-être moins immédiatement financière mais qui s'inscrit davantage dans le temps long et qui bénéficie également d'un momentum, celui de la recherche d'un tourisme de proximité, plus authentique, plus vert. « La filière de la lavande est un facteur important d'agritourisme », note Bénédicte Martin, « tout comme la route des vins ». Ainsi un plan dédié sera lancé le mois prochain, piloté par le Comité régional du tourisme que préside François de Canson.

Côté filières justement, il y a celles qui sont déjà structurées et pour lesquelles tout va bien et celles qu'il convient alors d'accompagner dans leur stratégie de consolidation. Une situation que connaît la trufficulture, dont le Sud est la première région productrice, mais qui est chahutée par la concurrence autant que par les aléas climatiques. Fin 2023, un plan de soutien a précisément été voté en ce sens, pour, détaille Bénédicte Martin, « accompagner les trufficulteurs dans des travaux de recherche et d'expérimentation. Nous encourageons également la fédération régionale à mettre en place un label ».

Côté viticulture, comme dans d'autres régions où la filière est représentative de l'économie locale, il faut faire face au phénomène structurel de déconsommation du vin. Ce qui signifie réfléchir et adapter les choix de cépages, préférer ceux « plus légers », davantage en adéquation avec l'attente des jeunes consommateurs notamment. Des viticulteurs également en recherche de diversification, qui s'orientent vers l'oléiculture ou la trufficulture. « Il est essentiel de soutenir ces filières à forte valeur ajoutée ».

La simplification et la logique administrative

Certes, les mesures prises pour soutenir l'agriculture tricolore et locale sont de nature à donner des bouffées d'air autant que possible aux professionnels. Mais elles ne peuvent qu'être momentanées. Le chantier qui doit être mené est un chantier de fond, qui doit reconsidérer le tout, les normes, les accords, l'administratif qui tracasse et complexifie... Le Mercosur, par exemple, pose la question d'une certaine souveraineté. Alors député européen, Renaud Muselier avait estimé qu'il était insuffisant. « Nous ne vivons pas sur un maché autarcique », souligne Bénédicte Martin. « La souveraineté, c'est être maître de nos échanges. Ce que nous demandons, c'est de jouer à armes égales, déjà entre nous ».

Et en termes d'administratif qui ne contraigne pas, reste la question de la transmission des exploitations. « La transmission du foncier doit être considérée comme une transmission d'outil de travail et non comme une transmission de patrimoine, ce qui est le cas aujourd'hui. C'est indispensable ». Indispensable pour ne pas voir ces entreprises familiales être menacées, voire disparaitre. Mais la disponibilité du foncier et son accessibilité sont des problématiques bien plus larges. Sur ce point, la Région a décidé de financer aussi un pack installation afin de mettre le pied à l'étrier aux projets récents. Pour les jeunes agriculteurs, une dotation spécifique de 4,8 millions d'euros par an a également été mise en place, ainsi qu'un prêt d'honneur pour renforcer les fonds propres à hauteur de 38.000 euros. Sud Foncier, fonds créé avec Terre Adonis et la Safer pour soutenir le portage financier des projets, dispose d'une enveloppe de 3 millions d'euros. Pour Bénédicte Martin, le futur de l'agriculture passe aussi par l'évangélisation auprès des jeunes, très tôt, dès le collège. Mais pour assurer un avenir aux futures générations, il faut régler ce qui malmène aujourd'hui l'agriculture tricolore...

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