3IA Côte d'Azur : quel bilan, quatre ans après ?

En 2019 naissait un petit réseau d’instituts interdisciplinaires d’intelligence artificielle (3IA) à Grenoble, Nice, Paris et Toulouse. Leur objectif : mobiliser l’ensemble du potentiel français à travers la création d’écosystèmes innovants et de pôles d’excellence dédiés à la recherche, à l’enseignement et au monde de l’IA en général. Quatre ans plus tard, le réseau, accompagné par 168 partenaires, a accouché de 149 chaires, réuni 563 chercheurs académiques, financé 454 doctorants et post-doctorants et forme chaque année plus de 13.600 personnes. Si la dynamique enclenchée ici est assurément positive, son avenir reste encore à déterminer dans une saison 2 qui s’élargirait à une dizaine de clusters et pour laquelle candidate l’institut azuréen, 3IA Côte d’Azur*. Entretien avec son directeur Charles Bouveyron.
(Crédits : DR)

La Tribune : Labellisé en 2019 pour quatre ans, l'institut interdisciplinaire d'intelligence artificielle 3IA Côte d'Azur achève sa première saison d'activité. Quel bilan tirez-vous ?

Charles Bouveyron : Un bilan très positif. Les instituts, et les financements qui les ont accompagnés, à savoir 50 millions d'euros pour 3IA Côte d'Azur dont 19 millions d'euros en provenance de l'Etat, ont donné le coup d'envoi de la structuration des écosystèmes autour de l'IA qui se lit aujourd'hui dans les territoires. Sur la Côte d'Azur, la dynamique est très forte autour de la R&D et de la formation, on constate une excellente structuration qui a certainement bénéficié du fait que nous n'étions pas partis d'une feuille blanche. Avant même l'appel à manifestation d'intérêt de 2019, les établissements d'enseignement supérieur et de recherche azuréens avaient déjà mis en place des programmes sur ce qu'on appelait alors la data science, et Sophia Antipolis accueillait sa première édition du SophIA Summit.

Concrètement, comment cela se traduit-il ?

En quatre ans, environ 900 publications ont été réalisées par les chercheurs du 3IA Côte d'Azur sur les thématiques qui sont les nôtres, la santé et le développement des territoires intelligents. Quelque 70 doctorants et post-doctorants ont travaillé au sein de l'institut dont les premiers diplômés commencent à arriver sur le marché. Nous avons également soutenu huit start-ups qui ont utilisé et implémenté les technologies développées par nos chercheurs dont certains ont monté leur propre structure. C'est le cas de Sequoia Analytics, qui utilise les fibres optiques présentes le long des routes pour monitorer et détecter des événements comme une crue, un glissement de terrain, un tremblement de terre mais aussi des choses bien plus basiques tels que les bouchons. En matière de santé, nous avons travaillé par exemple sur l'apprentissage fédéré des données médicales permettant l'utilisation des technologies IA sans nécessiter la mise en commun de celles-ci. Ce système, qui répond à un enjeu de sécurité des données de santé, est en cours de déploiement en lien avec le réseau de centres de lutte contre le cancer, Unicancer. Bref, nous sommes sur la dynamique attendue.

Il y a un an apparaissait ChatGPT et, depuis, l'IA générative truste l'actualité. Comment se situe 3IA Côte d'Azur par rapport à cette méthode ?

Nous avons quelques activités sur les IA génératives, sur le traitement de langage également, mais ce n'est pas notre spécialité. Nous intervenons sur d'autres méthodes IA, lesquelles sont extrêmement larges comparées à l'effet de loupe que l'on constate aujourd'hui sur les IA génératives. Pour autant, des questions se posent sur ces méthodes-là, notamment sur leur utilisation et éventuellement leur maîtrise. Il y a donc des enjeux de formation, et à cet égard l'institut a un rôle à jouer. Il faut que nous ayons la capacité de former des ingénieurs qui savent utiliser et maîtriser ces technologies-là mais aussi les citoyens par le biais d'une acculturation qui ne privilégie ni la méfiance, ni la fascination devant ces outils afin que chacun puisse les utiliser comme il faut.

Fin 2023, les quatre 3IA arriveront au bout de leur labellisation. Et donc de leur financement. Quelle va être la suite à donner ?

Nous candidatons à l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) "IA-cluster" annoncé à Vivatech en juin par le président de la République. C'est un dispositif qui vise à renforcer et à accélérer la recherche et la formation en IA en France pour faire émerger des leaders internationaux, donc à étendre le réseau actuel des 3IA à une dizaine de clusters. Les résultats sont attendus pour la fin de l'année, début de l'année prochaine. Nous sommes confiants.

A cet égard, la France peut-elle occuper une place prépondérante dans le paysage de l'IA mondiale ?

Oui, ne serait-ce que par le biais de notre école française de l'IA. Nos formations en mathématiques, en informatique, sont extrêmement réputées à l'international. Nous avons cette visibilité-là, très clairement, toutefois il ne s'agit pas de se reposer sur nos lauriers. Nous devons gagner encore en importance pour attirer les talents et donner envie de travailler en France. C'est tout l'objet des instituts et du plan stratégique annoncé au début de l'été.

Mettons-nous suffisamment de moyens pour s'assurer de cette place et de ce rôle ?

Les 500 millions d'euros de financement associé à l'AMI "IA-cluster" sur sept ans sont quand même une très bonne nouvelle, à la fois sur le montant et sur la durée. Cela permet de se positionner jusqu'en 2030 et de mener des actions à long terme. C'est également un excellent signal pour les entreprises françaises qui elles-aussi vont s'engager financièrement. Tous, nous préparons le futur.

*3IA Côte d'Azur est porté par Université de la Côte d'Azur, CNRS, Eurecom, INRIA, Inserm et Skema.

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