« En IA, l’Europe a sa carte à jouer » (Aliette Mousnier-Lompré, Orange Business)

Si on pointe souvent l’absence de grands acteurs français voire européens en termes de technologies et d'intelligence artificielle, pour la CEO d’Orange Business – l’entité dédiée aux entreprises – tout n’est pas perdu. Et l’Europe d’être capable de prendre le lead, dit-elle lors de son passage à Marseille, sur des sujets spécifiques, comme la greentech ou la santé. Ce qui nécessite aussi bien de savoir former les talents que de doter le territoire des infrastructures nécessaires, deux leviers sur lesquels il est essentiel de ne pas être frileux.
(Crédits : DR)

L'IA fait désormais pleinement partie du quotidien, parfois sans même que l'on y pense précisément. Et si l'intelligence artificielle fait peur autant qu'elle fascine par ses possibilités, pour les entreprises elle est plus que devenue un enjeu, le tout étant de savoir comment on l'utilise et ce que l'on en fait.

A la tête d'Orange Business depuis le printemps 2022, Aliette Mousnier-Lompré connaît parfaitement la maison Orange - elle y est entrée en 2006 - et le sujet ô combien majeur des réseaux puisqu'elle intègre Orange Business en 2016, en charge alors des réseaux d'entreprises mondiaux, en tant que vice-présidente.

Le rôle de la connectivité

Un monde de l'innovation technologique qu'elle regarde aujourd'hui en prenant de la hauteur. « Le monde digital est très complexe, nous allons de révolution en révolution », une façon de dire que des bouleversements il y a eu et que des bouleversements il y aura encore. Et que c'est dans la capacité à anticiper et s'adapter que se trouve la réponse. Un exercice que les entreprises, globalement, connaissent bien. Et en termes d'innovation, il ne faut surtout pas y aller avec tiédeur. « Il n'y a pas une technologie qui surpasse les autres. Une IA ne tourne pas toute seule, pour cela il faut du cloud. C'est notre rôle de fournir de la connectivité ».

Si les entreprises sont certes habituées à l'agilité, revient inlassablement le sujet de la compétence. « Nous avons besoin de compétences dans le cloud, en intelligence artificielle. Nous travaillons pour mettre à disposition des entreprises des experts mais également des programmes de formation », tout l'enjeu étant de faire naître des « talents qui n'existent pas ».

Car, évidemment, se paye aujourd'hui, le fait que sur ces sujets technologiques, la France et avec elle, l'Europe, soient dépassées par d'un côté, l'Asie et de l'autre côté, l'Amérique du Nord. Difficile alors d'être dans le jeu de la compétitivité. « L'essentiel de l'innovation numérique se passe beaucoup en Chine et aux Etats-Unis. Les infrastructures cloud des géants qui ont émergé ne sont pas européens », rappelle Aliette Mousnier-Lompré, notant que, de fait, « les TPE et PME sont en retard sur la migration vers le cloud ».

« Si on remonte la chaîne de l'interdépendance, ne serait-ce que les métaux rares nécessaires ne sont pas disponibles en Europe », note encore la CEO d'Orange Business. « L'enjeu est de faire fonctionner les différentes technologies entre elles, en le faisant avec le bon code éthique et ultra-sécure ».

De l'importance de la régulation

La cybersécurité qui fait évidemment, largement partie de l'équation. Avec Orange Cyberdéfense, la filiale spécialiste en cybersécurité, les ponts tissés avec Orange Business sont essentiels, les entreprises, toutes tailles confondues désormais étant des cibles potentielles. Et là encore, impensable de ne pas intégrer la couche de cybersécurité qui va bien. Ce qui est un changement de paradigme pour beaucoup de sociétés de taille modeste, qui n'ont pas encore les réflexes des grands groupes. « La cybersécurité est embarquée dans toutes nos solutions », indique Aliette Mousnier-Lompré.

Quid, un an après l'arrivée tonitruante de ChatGPT, de l'IA générative dans le monde des télécoms BtoB ? « L'IA générative est porteuse de beaucoup d'opportunités mais aussi de risques, notamment en termes de fakenews, d'informations manipulées. C'est un sujet qu'il faut réguler. Il est extrêmement important de poser un cadre, tout en laissant la place à l'innovation »,  estime sa CEO soulignant qu'Orange Business travaille beaucoup sur les cas d'usage, notamment dans l'industrie.

Justice sociale et performance économique

Et de revenir sur le sujet des compétences, intimement lié à ces révolutions. « Nous sommes à l'aube d'une révolution sur le marché du travail. Beaucoup de métiers vont évoluer et les entreprises doivent vite s'adapter ».

Comment aussi adresser un autre enjeu, celui des biais ? « Cela pose inévitablement la question de la diversité des équipes. Nous ne sommes pas éditeurs de programme d'IA, mais avoir des regards diversifiés est important. C'est un enjeu de justice sociale et de performance économique ».

Quelle prospective envisager alors ? Pour Aliette Mousnier-Lompré, l'enjeu se situe dans le bon étiquetage des données et une bonne gouvernance. « Il faut être vigilants sur les données fragmentées », pas bonnes à utiliser, évidemment. Et d'insister sur le fait que « nous ne regardons plus (les données) en silo, mais de bout en bout ».

Dans ce contexte global, définitivement dépassée l'Europe ? Non, répond la CEO d'Orange Business, qui veut croire à une capacité à prendre le lead sur des sujets pointus, comme la greentech ou la santé. « L'Europe à sa carte à jouer ». Un message d'espoir dont on espère qu'il puisse servir d'encouragement, voire d'aiguillon...

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.