« Je suis très inquiète face à un patrimoine vieillissant, non tenu par mes prédécesseurs » tacle Nora Preziosi en octobre 2022. Pour la présidente alors tout juste nommée de 13 Habitat, c'est un constat amer. Et autant de raisons de secouer le cocotier. D'autant que le sujet du logement est, de façon globale, extrêmement sensible à Marseille. Il représente à la fois un défi, des blessures et beaucoup d'espérances.

Un an plus tard, le cocotier a été secoué mais beaucoup reste encore à faire. Nora Preziosi est la première à le dire. Le logement est un sujet de temps long. « 250 millions d'euros ont été investis dans la réhabilitation et la construction », précise-t-elle, une façon de marquer la volonté d'accélération de 13 Habitat, le bailleur social qui gère près de 34.000 logements pour un budget annuel de 405 millions d'euros. « Nous sommes dans une phase de reconstruction de l'offre, des architectes ont été sollicités. Pour l'heure, peu d'opérations nouvelles sont visibles mais cela sera le cas dès 2025 ».

Charges, accès à la propriété... les défis du changement

L'objectif est notamment de mener la réhabilitation de 10.000 logements à horizon 5 ans, soit deux chantiers lancés par mois d'ici 2025. « Ce qui est un peu moins de la moitié de ce qui est prévu en 18 ans ».

Réhabiliter signifie aussi ajouter, dès que c'est possible, une brique d'innovation. En l'occurrence ici l'autoconsommation, actuellement en phase de concertation, ce qui est une autre façon de prendre part à la transition énergétique, d'autant plus quand cela signifie une meilleure maîtrise des coûts.

« Nous devons avoir une vision long terme », assène encore Nora Preziosi. Ce qui signifie notamment ne pas être décorrélé de la réalité. Un argument avancé pour expliquer, en revanche, une hausse, celle des loyers, votée par le conseil d'administration, à hauteur de 3,5%. « Cette hausse correspond au réalisme économique auquel tous les bailleurs sociaux sont confrontés », indique la présidente. Qui souligne une autre hausse, celle des charges, poids supplémentaire qui pèse sur les épaules des locataires. « L'Etat doit faire évoluer le forfait de prise en charge dans l'APL. La solvabilité du locataire va passer par là ». Sachant que pour l'heure, 60% des locataires de 13 Habitat reçoivent une aide au logement personnalisée et que c'est le cas de 70% des nouveaux entrants. « Nous ne pouvons laisser l'humain dans la misère », assène Nora Preziosi, qui souhaite permettre l'accession à la propriété pour les locataires qui le souhaitent. 13 Habitat pourrait ainsi devenir syndic solidaire, afin de poursuivre la gestion du patrimoine et éviter toute dégradation. « Il faut aider ceux qui travaillent, les jeunes comme certains retraités souhaitent devenir propriétaires ».

Mais si l'idée paraît formidable sur le papier - « elle permet notamment de faire entrer du cash-flow » - elle est un peu plus complexe à concrétiser. Notamment parce que l'accord du maire de chaque commune concernée est requis, ce qui signifie dialogue à engager, un dialogue qui se déroule plutôt en bonne intelligence assure Nora Preziosi.

Haro sur « la politique politicienne »

Le dialogue, c'est en revanche, clairement la pierre d'achoppement avec la mairie centrale de Marseille. Si le départ, précipité, il y a 4 mois de l'adjointe en charge du sujet, Mathilde Chaboche, a nourri moult commentaires, c'est clairement avec le premier Magistrat et sa majorité que ça coince. « Je trouve la façon de faire un peu cynique, lorsqu'on demande à certains promoteurs de ne pas travailler avec 13 Habitat », s'agace Nora Preziosi. « On ne peut pas prendre en otage ceux qui souffrent ». Et de donner l'exemple de Campagne L'Évêque, cet ensemble situé dans les quartiers Nord, engagé dans le nouveau programme national de renouvellement urbain ainsi que 449 autres quartiers prioritaires en France où 90 millions d'euros ont été fléchés, 13 Habitat ayant le projet créer de petits ensembles - T2 et T4 - dévolues aux familles qui voient leur logement devenir trop grand dès que les enfants quittent le nid familial. « Notre projet est de permettre à des familles d'accéder à un T4 puis de passer à un T2 dès que les enfants s'engagent dans leur vie d'adulte, créent une famille, lesquels ont alors accès à leur tour au T4 », détaille la présidente du bailleur social. Sauf que la Mairie centrale de Marseille a, finalement, d'autres projets pour le lieu... « Il faut arrêter de faire de la politique politicienne », s'énerve Nora Preziosi, déterminée à ne pas en rester là. Nora Preziosi qui, en revanche, insiste sur le soutien permanent de la présidente du Département des Bouches-du-Rhône, Martine Vassal (également présidente d'Aix-Marseille Provence NDLR), sur tous les sujets, dont celui de l'ensemble Notre-Dame des Marins à Martigues, où les fissures de deux bâtiments ont nécessité, en septembre dernier, le relogement de 150 personnes. « Si le maire nous le demande, nous reconstruirons les bâtiments endommagés ».

Recréer le lien social

Mieux gérer et davantage inclure ceux qui font le quartier sont les raisons qui mènent 13 Habitat à revoir la gestion quotidienne de ces immeubles et, entre autres, les liens avec les sociétés de nettoyage sous-traitantes. « 13 Habitat n'est pas un organisme dont on se sert financièrement. Nous voulons les bonnes personnes au bon endroit. Nous voulons travailler avec les associations des quartiers », pointe Nora Preciozi. Dès 2024, entre 40 et 50 antennes de proximité vont donc être déployées, gérées par des gardiens chargés de faire remonter ce qui ne va pas, incidents, dégradations, pannes... Un moyen aussi de nouer un lien plus fort avec les habitants et les entreprises du territoire. Des gardiens à l'emploi du temps aménagé, la semaine de 4 jours pouvant être, par exemple, proposée. Et puis il y a cet inévitable trou dans la raquette, le manque de crèches, que la présidente de 13 Habitat veut contribuer à combler. Un échange a été engagé en ce sens avec la CAF, favorable au projet assure Nora Preziosi qui envisage d'ores et déjà de déployer le projet dans les 13ème et 15ème arrondissements de Marseille ainsi que, pourquoi pas, à Port Saint-Louis du Rhône.

Un tout qui s'inscrit dans la volonté de Nora Preziosi de refaire vivre les pieds d'immeubles, ce lieu où les habitants aiment à se retrouver, où les échanges entre générations se tissent... « Il faut recréer le lien social ».

Le lien social c'est aussi le fondement de la création du fonds de dotation Yema, signification de « maman » en berbère, que Nora Preziosi porte et qui a vocation « à aider les personnes en grande difficulté ». Une soirée caritative devrait prochainement être organisée afin de récolter des fonds privés. « Nous sommes prêts à aider les associations récentes, qui n'ont pas un an d'existence et n'ont pas accès à aucune aide. Si on lâche les associations, on lâche le nerf de la guerre. La politique, c'est d'aller vers l'autre ».