Le Rhône, un fleuve puissant mais en proie au réchauffement climatique

Le Rhône est un fleuve puissant et il devrait le rester d'ici 2055. Cela ne l'empêchera pas d'être impacté par le réchauffement climatique qui risque, en période estivale, de générer des baisses de son débit allant jusqu'à 30 voire 40 % sur certaines zones. C'est ce qu'affirme une étude menée depuis deux ans par l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, en partenariat avec la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes.
(Crédits : DR)

Les nappes souterraines étaient déjà mal en point après la rude sécheresse de 2022, couplée à un épisode caniculaire qui a battu des records. Le fort déficit de pluviométrie subi partout en France n'arrange pas les choses, avec 90 % de précipitations en moins entre le 21 janvier et le 21 février. Et les quelques pluies annoncées mi-mars ne devraient pas suffire à corriger le problème, seulement limiter un peu la casse.

Le réchauffement climatique est là. Palpable. Sols craquelés, gorges et rivières à sec, robinets coupés... Et même les fleuves sont impactés. En témoignent les images d'une Loire qui, par endroits, ressemble désormais davantage à un ruisseau.

Et le Rhône dans tout cela ? Le fleuve le plus puissant de France, qui accueille sur ses rives un quart de la population et des emplois du bassin Rhône-Méditerranée, générant un quart de la production électrique du pays ? Ce fleuve qui traverse la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur d'Avignon à la Camargue, havre de biodiversité, autour de laquelle il dessine un delta ?

L'impact du réchauffement climatique est déjà là

Alimenté par la fonte des neiges et glaciers alpins, « il reste un fleuve puissant », assure Marie-Hélène Gravier, cheffe du service eau et électricité à la DREAL. « Le Rhône est un atout pour son bassin versant », bassin dont la surface s'étend sur 98.400 km². De sorte qu'il « reste une ressource de substitution possible pour les affluents et secteurs en tension ». Néanmoins, il subit inévitablement les effets du réchauffement climatique, comme le montre une étude de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse en partenariat avec la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes.

« Sur le bassin, la température de l'air a déjà augmenté de 2°C en moyenne par rapport à la période pré-changement climatique », détaille Laurent Roy, directeur général de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. Ce qui, toute chose égale par ailleurs, génère un accroissement de l'évapotranspiration (évaporation de l'eau présente sur la terre et dans les plantes) de 23%, impactant le débit du fleuve.

A cela s'ajoute des précipitations dont le volume reste stable mais dont la répartition a évolué. « Les pluies sont plus intenses et concentrées sur certaines périodes, tandis que les périodes sèches sont de plus en plus intenses ». Une évolution du régime des pluies qui rend plus difficile la recharge des nappes - nappes qui soutiennent le débit des fleuves-, en particulier dans les zones fortement artificialisées ou l'eau ruisselle au lieu de s'infiltrer. Le réchauffement climatique a par ailleurs réduit de 10% l'enneigement, alors que celui-ci, de même que les glaciers de haute montagne, permettent, au moment de leur fonte, de maintenir le débit des fleuves durant le printemps et l'été.

Dans le même temps, l'activité humaine prélève 3,1 milliards de mètres cubes par an, dont la moitié sont dus à l'irrigation, 24% aux transferts hydroélectriques, 16 % à l'eau potable, ou encore 5% à l'industrie. En moyenne, ces prélèvements représentent 5 % du débit du bassin. Mais jeu de proportions obligent, ce chiffre atteint les 15 % les mois de plus forte pression, et jusqu'à 30% pendant les périodes exceptionnelles.

Quand l'exceptionnel deviendra la norme

Sauf que ce qui est aujourd'hui exceptionnel est appelé, dans les prochaines décennies, à devenir banal. D'où le volonté de l'Agence de l'eau, à travers cette étude, d'anticiper ce que sera le débit du Rhône à l'horizon 2055. « Si l'on veut éviter une guerre de l'eau et s'il on veut partager de façon intelligente la ressource, il nous faut une base de discussion scientifique qui soit la moins contestable possible », justifie Martiel Saddier, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée.

L'étude nous apprend ainsi que d'ici 2055, le débit du Rhône, dont le débit a déjà diminué de 7 % à la sortie du Léman et de 13 % à Beaucaire depuis 1960, devrait diminuer de 20 % supplémentaires l'été à Beaucaire, 30 % pour la Drôme et la Durance, et même de 40 % pour l'Isère.

Quant aux prélèvements, ils pourraient plus fréquemment atteindre les 30 % voire dépasser les 40 %. Générant d'importantes tensions, et obligeant à repenser le partage de l'eau.

Parmi les sujets d'inquiétude soulevés par Laurent Roy, l'impact d'une baisse des débits sur la production électrique. Il alerte également sur la situation de la Camargue. « Sur ce territoire, on prélève de l'eau douce pour irriguer les cultures, de riz notamment, et pour alimenter en eau potable des villes comme les Saintes-maries-de-la mer. Si le débit du Rhône baisse, l'eau salée va remonter plus haut dans l'aval du fleuve, elle sera moins repoussée par le débit de celui-ci ». Un problème qui devrait être de plus en plus récurrent, et qui nécessitera de ce fait une stratégie d'adaptation.

« En 2055, le fleuve restera un fleuve puissant », conclut Laurent Roy. « Mais il ne sera épargné par le réchauffement climatique ». Et les inquiétudes sont plus grandes encore lorsqu'on se penche plus en delà, d'ici un siècle, alors que les glaciers alpins qui font la force du Rhône auront probablement disparu.

La nécessité de s'adapter, à partir de concertations locales

D'où la nécessité de se poser dès maintenant « la question du partage de l'eau, d'avoir un suivi des connaissances, et de développer des pratiques plus sobres et lutter contre le gaspillage ».

Parmi les axes d'action qu'il privilégie : la rétention de l'eau dans les sols grâce à l'évolution des pratiques agricoles (ombrage, couvert végétal ...), une sensibilisation des particuliers quant à leur consommation en eau potable en même temps que la poursuite des efforts sur la réparation des fuites dans les canalisations. « Au niveau du prélèvement industriel, il faut aussi développer le recyclage des eaux de process ». Il promeut en outre les solutions fondées sur la nature qui permettent de mieux réguler les cycles, notamment grâce à la désimperméabilisation des sols ou à la réouverture de cours d'eau canalisés. « On ne fera jamais mieux que les nappes pour stocker l'eau. Celles-ci sont sans commune mesure avec tous les modes de stockage que l'on peut imaginer ».

Mais ces politiques, pour être efficaces et acceptées, doivent aller de pair avec une concertation locale qui réunisse autour d'une même table des acteurs aussi variés que les agriculteurs, les collectivités locales, les associations de préservation de l'environnement, les industriels et les citoyens. C'est d'ailleurs ce que proposent les plans territoriaux de gestion de l'eau (PTGE) développés et financés par l'Agence de l'eau. « Nous en avons fait 65 sur l'ensemble du bassin Rhône-Méditerranée. Cela a permis, depuis 2012, d'économiser 340 millions de mètres cubes d'eau, soit quatre fois une ville comme Lyon ». Des économies réalisées en majorité chez les agriculteurs, grâce à une baisse des prélèvements et la modernisation de leurs systèmes d'irrigation.

Après les débits, l'Agence prévoit de s'intéresser à la température de l'eau du Rhône, température qui, depuis 1970, a déjà augmenté de 2,2°C en amont, et de 4,5°C en aval. Une étude devrait être publiée d'ici 18 à 24 mois.

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Commentaires 3
à écrit le 10/03/2023 à 13:40
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Des promesses, toujours des promesses !

à écrit le 09/03/2023 à 19:50
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"En témoignent les images d'une Loire qui, par endroits, ressemble désormais davantage à un ruisseau." Vous pouvez lire sur le net : la sécheresse des années 1942-49 en France.

à écrit le 09/03/2023 à 18:53
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en 2055... Oui, précisez bien "pourrait". Car personne n'en sait rien. même dans 6 mois...

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