Ressource en eau : dans le Sud, la tentative d'une stratégie désirable... et partagée

Agriculture, tourisme, ski, production électrique… Ces activités constituent des piliers de l’activité économique du Sud mais elles ont un défaut : celui d’être extrêmement dépendantes de la ressource en eau. Une ressource dont la disponibilité est (et sera) de plus en plus mise à mal par le réchauffement climatique et les dérèglements en chaîne qu’il provoque.
(Crédits : DR)

Que serait la Camargue sans la main de l'Homme ? Le lac de Serre-Ponçon ? Comment aurait-on pu imaginer faire de Provence Alpes Côte d'Azur la seconde productrice de fruits et légumes en France sans un fort recours à l'irrigation sur des terres aussi arides l'été ? Et quid de la production électrique sans les 21 barrages et la centaine de petites centrales électriques qui turbinent les eaux de la Durance, du Verdon ou encore de la Roya ?

Provence-Alpes-Côte d'Azur n'aurait certainement pas le même visage sans les nombreux aménagements entamés au XXème siècle afin de prélever et faire circuler l'eau des Alpes vers le reste du territoire. Car si l'eau est une ressource renouvelable dont le stock global est stable, c'est sa répartition, dans le temps et dans l'espace, qui peut poser problème.

Jusqu'ici, les acteurs de la région s'en sont plutôt bien sorti malgré un climat méditerranéen marqué par des étés secs et des automnes très pluvieux. Jusqu'ici, oui. Mais après ?

« Le changement climatique va entraîner une tension générale sur la ressource en eau dont la disponibilité va dépendre de plusieurs facteurs », explique Antoine Nicault, coordinateur du Grec (Groupement d'experts sur le climat) de la région Sud, déclinaison locale du désormais connu Giec.

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Récurrence et concomitance des épisodes de sécheresse

Parmi ces facteurs bien sûr, la hausse des températures (+1,8°C en Méditerranée depuis les années 1960 contre 1,1°C en moyenne dans le monde et particulièrement marquée l'été) qui se combine avec de moindres précipitations en saison estivale, amplifiant les phénomènes de sécheresses durant cette saison du fait de l'évapotranspiration des sols et des plantes.

S'ensuivent des automnes plus pluvieux, davantage sujets aux inondations qui, au-delà des dégâts qu'elles génèrent, ne permettent pas de recharger efficacement les nappes : l'eau ruisselle au lieu de s'infiltrer, de sorte que les nappes asséchées par l'été ne parviennent pas à se recharger efficacement.

« Le réchauffement climatique entraîne également une baisse de l'enneigement et des fontes des neiges plus précoces, ce qui ne permet plus autant qu'avant de soutenir le niveau des cours d'eau ».

Enfin, l'autre facteur clé de la disponibilité de l'eau est l'usage qu'il en est fait. Et le réchauffement des températures a tendance à augmenter les besoins.

Ainsi, alors que « la hausse des températures est certaine au moins jusqu'en 2050, avec +2,5°C en Méditerranée d'ici 30 ans », il faut s'attendre à « une récurrence et une concomitance » des épisodes de sécheresse. Ce qui n'est pas sans conséquence sur les activités socio-économiques de la région.

L'agriculture : deux tiers de la consommation en eau du territoire

En première ligne : l'agriculture qui représente deux tiers de la consommation en eau au niveau régional contre un tiers en moyenne au niveau national. Une agriculture qui, du fait des particularités du climat local, recourt fortement à l'irrigation (20 % des surfaces agricoles sont irriguées contre 7,3 % en France, avec une hausse de 25,6 % sur les dix dernières années). A titre d'exemple, on peut lire dans un rapport de l'Observatoire régional de l'eau qu'à Serre-Ponçon, « la fréquence du dépassement du volume réservé à l'agriculture passerait d'une fois tous les dix ans à une fois tous les quatre ans d'ici 2050 ».

La moindre disponibilité de l'eau remet également en question la capacité à satisfaire les besoins énergétiques de pointe pendant l'hiver, dans une région qui s'appuie sur d'importants ouvrages hydroélectriques.

Quel tourisme de nature dans 30 ans ?

Des conséquences lourdes se dessinent également dans le secteur du tourisme, comme le synthétise Antoine Nicault du Grec Sud : « nous avons des lacs qui atteignent des niveaux très bas », empêchant d'y pratiquer les sports d'eau qui y ont habituellement cours ; « les massifs forestiers sont de plus en plus souvent fermés à cause des risques d'incendie, alors beaucoup se reportent sur les rivières qui souffrent déjà de sur-fréquentation ». Sans parler de la baisse de l'enneigement qui menace les territoires fortement dépendants des sports d'hiver.

Des usages nombreux, croissants, et souvent contradictoires, qui génèrent déjà des conflits d'usage, comme l'a montré avec acuité l'épisode de sécheresse en cours depuis fin 2021-début 2022, opposant gestionnaires de terrains de golf, agriculteurs, et autres acteurs du tourisme.

Et plus largement, c'est tout l'écosystème biologique du territoire - végétaux, animaux, paysages - qui est menacé par les sécheresses et les incendies que ces dernières favorisent. Incendies qui, de surcroît, émettent du carbone en plus de détruire des forêts susceptibles d'absorber ce gaz à effet de serre. De sorte que « crise climatique et biologique se renforcent dans une boucle de rétroaction ».

Est-il dès lors trop tard pour agir ? Antoine Nicault ne le pense pas. « La plupart des solutions existent. La difficulté, c'est de les mettre en musique. Il faut qu'usagers, professionnels, politiques et scientifiques se mettent sérieusement autour de la table ». Pour mettre en place une stratégie globale et acceptable (voire désirable ?) de réduction des émissions de gaz à effets de serre et d'adaptation au changement climatique. Tant qu'il en est encore temps.

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