Industries créatives : la stratégie de la Côte d’Azur pour renforcer sa compétitivité (2/2)

Si elle a été pendant longtemps une destination naturelle pour les tournages, soutenue par l’outil puissant qu’étaient les studios de La Victorine, la Côte d’Azur a fait face à la concurrence d’autres régions – l’Occitanie principalement – qui ont su se structurer, prenant une forme de leadership. Un leadership que le territoire azuréen compte, sinon récupérer, tout au moins partager. A Cannes on a déjà préparé le terrain en installant un à un les maillons nécessaires - des résidences d’écriture à la post-production. A Nice on remet le pied sur l’accélérateur pour redonner, entre autres, son aura à La Victorine. Mais pour se distinguer, il faut innover, un parti pris par la Commission du film, menant des opérations séductions qui bousculent les habitudes du milieu. Ou comment créer une task force globale avec des ambitions. Et des moyens.
(Crédits : DR)

Un écosystème qui se structure, une conjoncture des tournages positive, des volontés politico-économiques... La Côte d'Azur retrouve son esprit conquérant, désireuse, après avoir été malmenée par la concurrence d'autres régions, dont la très dynamique Occitanie, de faire des industries créatives un véritable levier de son économie.

Si les outils se sont structurés, les stratégies aussi. Dont celle de la Commission du film Côte d'Azur qui n'a pas craint de secouer le cocotier des habitudes. Et d'innover dans le fond. Car pour générer de l'attractivité, il faut générer de l'intérêt et surprendre peut-être être une des meilleures façons d'attirer.

Bousculer les codes

C'est ainsi qu'a été organisé un Inspiration Tour. La formule est connue et consiste à recevoir sur place des producteurs, avec l'objectif de faire émerger des idées de longs-métrages. Sauf que ce Tour inspirationnel a été dédié aux sept meilleurs showsrunners du monde. « Le showrunner est le chef d'orchestre des séries », explique Camille Feret. « Cela n'avait jamais été fait auparavant. Nous avons travaillé sur ce projet durant six mois. Durant quatre jours nous avons fait découvrir les différentes facettes et lieux de la Côte d'Azur, l'idée étant d'inspirer ces showsrunners afin qu'ils puissent imaginer des histoires à partir de ce qui fait le patrimoine de la Côte d'Azur, qu'ils ont découvert sous un autre angle, celui de l'histoire, dont celle de la chapelle Matisse par exemple ». Des rencontres ont également été organisées avec des producteurs français, habitués aux collaborations à envergure internationale. Un Inspiration Tour qui s'est construit autour d'une collaboration elle-même internationale, réunissant la Région, Film France/CNC, la Villa Albertine - chargée de créer des résidences pour les professionnels de la culture, faisant le lien entre l'Hexagone et les Etats-Unis et ici chargée d'identifier des profils de showsrunners francophiles, ayant une appétence pour la France quand CanneSeries s'est chargée des profils européens. « Nous avons une industrie forte, avec 100 ans de tournages derrière nous », indique Camille Feret. Qui le sait bien, « les retombées de ce genre d'opérations se fait sur le long terme, ce sont eux, les donneurs d'ordre ».

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Changer la donne

Et clairement, en termes de stratégie, faire autrement, est indispensable. « Pour changer la donne, il faut faire différemment des autres régions », appuie Camille Feret. Qui a pu constater que l'Inde aussi bouge en ce sens. Et que Tollywood, le nouveau Bollywood, se structure aussi en termes d'offre effets spéciaux et animation. Tollywood qui est « en train de supplanter Bollywood avec des productions en langues régionales, avec des histoires plus proches de la réalité... Un positionnement différent qui se traduit par une explosion des entrées de films en salle ».

L'Inde qui a des habitudes de travail différentes de celles de la France, note la directrice de la Commission du Film invitant à « casser les a priori » et qui, après une première phase de rencontres, incite à « continuer le dialogue », pour donner envie aux professionnels indiens de choisir le Sud comme destination de tournages. « C'est dans l'intérêt de la France de faire cette alliance et c'est les Commissions du film ont un rôle de mise en relation ». Mais après la mise en relation, le soutien financier est clairement un levier facilitateur. La Région Sud a consacré 8,97 millions d'euros en 2020 en soutien à la filière cinéma et audiovisuel, ce qui, avec le complément du CNC à hauteur de 1,79 million d'euros porte l'enveloppe globale à 10,76 millions d'euros. Le Département des Alpes-Maritimes apporte également sa contribution, à hauteur de 7 millions d'euros en 16 ans.

La formation pour gagner du terrain ?

Outre une attractivité que l'on peut qualifier de naturelle, encouragée par les plans d'actions et le soutien financier en forme de carotte, ce qui est d'ailleurs un autre élément de la bataille que se livrent les différents territoires, un autre levier est susceptible de jouer sur l'attractivité de la Côte d'Azur et c'est la formation. Si des résidences d'écriture sont déjà installées à Cannes et à Nice - La Victorine a développé des partenariats avec Prime Video, le cours Florent ou encore Tik Tok Academie qui s'est alliée avec l'ESN Louis-Lumière - le besoin est réel en techniciens. La création de diplômes universitaires dont un DU Administrateur de production au sein du campus de Cannes avec l'Université Côte d'Azur, est une façon d'apporter une réponse au manque et de faire venir des profils pouvant trouver ensuite des débouchées professionnelles, ici, auprès des entreprises de la filière. « Le métier d'administrateur de production est en tension, peu de formations existent en France et c'est le retour de productions sur le territoire qui a permis de créer ce diplôme » raconte Camille Feret. La création d'une nouvelle formation universitaire de niveau master en collaboration avec Banijay va s'ajouter au catalogue prochainement. « Nous avons la chance d'avoir une industrie qui se développe », se réjouit Camille Feret. Qui le reconnaît, un « des enjeux serait d'obtenir une série récurrente ». Avec toutes les retombées et l'irrigation économiques que ça suppose...

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