« Pour lutter contre l’inflation, nous devons muscler notre offre de capacité productive » ( J-C Ehrhardt, Banque de France)

L’inflation, sujet central de préoccupation, est au cœur des discussions et des analyses. Un sujet que la Banque de France n’ignore pas, ayant adressé une lettre dédiée au président de la République, donnant notamment des pistes à explorer, au-delà du constat global. Où les questions de transition écologique et numérique sont centrales dans la capacité du pays à aller de l’avant, tout comme celle de l’emploi des seniors et d’une thématique que l’on retrouve : celle du fléchage de l’épargne vers les entreprises innovantes.
(Crédits : DR)

C'est davantage un document d'analyses qu'une lettre mais l'exercice - habituel - a pris cette année un caractère d'importance vu le sujet : comment réduire l'inflation. La lettre officiellement par remise par François Villeroy de Galhau à Emmanuel Macron le 7 juillet dernier, est en effet centrée sur le thème le plus discuté actuellement, préoccupation des entreprises, des acteurs économiques et des citoyens.

Un contenu qui part d'un constat mais qui surtout, oriente vers ce qui ferait du bien à l'économie, vu du point de vue de la Banque de France. Et que décrypte Jean-Christophe Ehrhardt, le directeur régional dans le Sud.

Lequel rappelle que si la résilience conjoncturelle est encore bonne à court terme, les indicateurs de la trésorerie des entreprises démontrent que celle-ci approche de l'asymptote, avec, notamment, une remontée - certes encore maîtrisée - du nombre de défaillances d'entreprises, de l'ordre de 3.600 défaillances actuellement, contre 3.000 il y a encore quelques mois, quand elles étaient de 5.000 par an en période pré-Covid.

Investir aujourd'hui pour récolter demain

Et ce qui inquiète du côté de la banque centrale française, c'est que cette inflation importée se généralise engendrant une hausse des prix. Autrement dit, nombre d'entreprises ont attendu avant de répercuter la hausse des prix qu'elles même subissaient, sur leur prix public ou leurs devis. Sauf que cette forme d'attentisme positif n'est plus possible et même le secteur des services augmente ses prix. C'est ce déséquilibre entre offre et demande qui pose problème.

Muscler la capacité productive permettrait, par exemple, de faire gagner 0,5 point de croissance, ce qui peut paraître peu mais en fait pourrait signifier beaucoup et notamment, répondre aux besoins de financement des aides et de la politique de pouvoir d'achat.

Ou on en revient à l'apprentissage. « L'offre de travail passe par les compétences », rappelle Jean-Christophe Ehrhardt. Qui reprend l'exemple allemand - celui que l'on désire tant copier pour ce qui est des ETI - où le nombre d'apprentis est de 1,3 million contre 700.000 contrats signés en 2021 en France. « Ceci est, assurément, un axe de réflexion ».

Ou on en revient aussi au sujet du taux d'emploi des seniors. Là, encore, l'Hexagone est en retard comparé à l'Allemagne en ce qui concerne le taux d'emploi des 55-65 ans, alors que le très discuté projet de réforme des retraites ne doit pas occulter un autre sujet majeur, celui de la transmission des savoir-faire. Et le directeur régional de la Banque de France d'estimer que « un pacte global de solidarité de la part de la majorité des entreprises est souhaitable ». Qu'il faut aussi accepter de payer un peu plus cher aujourd'hui pour recueillir les fruits de cet investissement demain.

S'engager dans le monde demain

Mais il est - sans surprise - deux transformations à opérer : énergétique et numérique. Une transformation énergétique notamment qu'il ne faut pas repousser sous peine de subir une inflation verte, une pression qui peut se produire mais qui sera transitoire si la transition est menée sans tiédeur. Et ce qui se passe en Ukraine doit être une sorte de révélateur et de preuve que la souveraineté évoquée en période post-covid est belle et bien nécessaire dans la durée. Ce sont ces changements, d'ailleurs, qui doivent servir de boussole aux investissements.

Muscler la capacité productive ne peut se faire qu'avec ses transitions menées car elles sont le gage que le pays, l'Europe, sont engagés dans le monde de demain, en quelque sorte. « La conséquence d'une musculation de la capacité productive fait que le financement va rester, pour l'investisseur et le consommateur, favorables », avec des taux qui montent jusqu'à un taux d'équilibre. « Ce type de taux ne devrait pas venir en contradiction avec le taux de croissance », estime Jean-Christophe Ehrhardt. « Même si les taux augmentent de 1,5 point ou 2 points, cela ne met pas la demande d'investissement en péril ». Surtout, comme le soulignent également certains économistes, la France n'était plus habituée à l'inflation. « Nous devons nous réhabituer à avoir un peu d'inflation », dit aussi le directeur régional de la Banque de France. « Le tout est que cela soit sous maîtrise ». Et dit encore Jean-Christophe Ehrhardt « le nécessaire sera fait pour que cette inflation, dès 2024, soit de 2% à 2,5% », 2023 devant être encore « entre deux eaux ».

Ne pas oublier le soutien à l'innovation

Dans sa lettre, François Villeroy de Galhau aborde un autre sujet, bien souvent au centre de discussions, vraie problématique soulevée plus que régulièrement par les entrepreneurs eux-mêmes, celle du financement de l'innovation. « La Banque de France s'intéresse de plus en plus au financement des entreprises innovantes », reconnait Jean-Christophe Ehrhardt. Et ceci dans un souci de renfort et de bon comportement des fonds propres. On le sait - et la lettre le souligne - par manque de véhicules de financement paneuropéens, les startups et autres entreprises versées dans l'innovation vont chercher ailleurs la monnaie sonnante et trébuchante dont elles ont besoin. Ou on revoit poindre la question d'un fléchage de l'épargne des Français.

Lutter contre l'inflation revient à dire qu'il faut y aller avec l'esprit d'équipe. « L'Etat avec le coup de pouce nécessaire, mais les ménages, les entreprises - en fonction de leur propre rentabilité -, tous ceux qui le peuvent doivent participer à l'effort collectif ».

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