La truffe en Provence : diamant des territoires

EPISODE 3 - Provence-Alpes-Côte d’Azur est la principale productrice de truffes à l’échelle nationale. Un atout que mettent en avant les pouvoirs publics pour nourrir leur attractivité. Que ce soit au travers des fêtes et des marchés dédiés. Ou bien de l’agri-tourisme, qui a la vertu d’attirer des flux de visiteurs hors saison, la saison de la truffe s’étalant de décembre à mars.
(Crédits : DR)

Le Rouret. Quatre mille habitants dans les Alpes-Maritimes, à 9 kilomètres de Grasse. « Une commune qu'on avait un peu tendance à oublier, sans histoire connue », raconte Gérald Lombardo qui y occupe depuis 1995 la fonction de maire.

A son arrivée, il veut renforcer l'identité et la notoriété du village où vivent alors 3.000 âmes. Et il commence pour ce faire par se pencher sur son nom. « Le Rouret vient du mot roure qui veut dire chêne ». Du chêne, on arrive à la truffe. D'autant que le maire fait la rencontre de celui qui est alors président du syndicat des trufficulteurs dans les Alpes-Maritimes, département où le champignon ne fait encore l'objet d'aucune culture. « Il recherchait un terrain pour faire des expérimentations. Nous leur en avons prêté un, sur le bois communal ».

En 1997, une première parcelle d'environ 7.000 mètres carrés est ainsi dédiée à l'expérimentation en trufficulture. « Cela a généré un engouement dont se sont emparés les médias et quelques grands chefs. La ville a gagné en notoriété ». Elle sert de point de départ à l'implantation de la trufficulture dans les Alpes-Maritimes. Ce qui lui vaut le surnom de « berceau départemental de la truffe ».

S'ensuit la création d'une fête de la truffe sur la place du village, dont le concept essaime dans les autres communes du département. Tandis que les truffes parfument peu à peu les tables des restaurants locaux.

La commune du Rouret développe également, en lien avec le syndicat, un concept de vente directe dans un chalet faisant face à sa Maison des terroirs, sorte de « supermarché des agriculteurs du territoire ».

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Démocratiser la truffe

Et l'action du Rouret en matière de truffes atteint même les cantines scolaires puisque, une fois par an, elle propose aux écoliers un repas à partir des truffes ramassées sur le domaine communal, soit 2 à 3 kilogrammes annuels. « Cela plaît beaucoup aux enfants et fait râler les parents qui aimeraient bien y goûter eux aussi », s'amuse le Premier magistrat.

Pour la commune, l'enjeu est d'accroître la production pour contribuer à rendre ce produit de luxe plus accessible. « On n'arrivera pas à faire des truffes à 20 euros le kilos. C'est sûr. Mais si on arrive à 300 euros au lieu de 600 euros, ce sera déjà un progrès ».

Elle a pour cela consacré de nouveaux terrains à l'expérimentation. Soit un total de 1 à 1,5 hectares à ce jour. « Nous n'avons pas structuré une filière mais consolidé l'idée que la truffe peut fournir un revenu d'appoint ».

Et ce, avec le soutien du Département des Alpes Maritimes qui l'aide à financer des plantations.

Un plan régional depuis 2019

Car de plus en plus, les collectivités locales soutiennent la trufficulture. La Région Sud a même lancé en 2019 un plan dédié.

« Nous avons décidé cela car les producteurs nous ont fait part d'une chute de la production depuis plusieurs années en raison des dérèglements climatiques », assure Bénédicte Martin, vice-présidente en charge de l'agriculture au sein de la Région.

Doté d'une enveloppe de 200.000 euros pour deux ans, ce plan soutient l'expérimentation et la plantation tout en favorisant l'animation de la filière et le conseil. « L'objectif est de massifier la production et de faire partager les résultats des expérimentations. Nous soutenons aussi les foires locales qui garantissent la traçabilité des produits », traçabilité obtenue via la validation des syndicats professionnels.

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Au cours des années 2020 et 2021, ce plan a financé la plantation de 73 hectares de truffières, soit une vingtaine de dossiers. La Région encourage par ailleurs la création de signes de qualité. Notamment une demande d'IGP en cours.

Agri-tourisme : un potentiel mais des freins

Si elle investit sur ce sujet, c'est parce qu'elle perçoit le potentiel de la trufficulture en matière de rayonnement pour le territoire. A travers des marchés réputés comme celui de Carpentras, l'aura que ce produit confère à la gastronomie locale, et le développement d'un tourisme gourmet.

« La trufficulture génère une offre de tourisme hors-saison, pour une clientèle locale et inter-régionale ». Offre que proposent plusieurs trufficulteurs eux-mêmes, en proposant à des touristes de leur faire découvrir leur métier, en les emmenant caver avec eux ou en leur apprenant à cuisiner la truffe. Pour Nicolas Monnier, qui ne produit que de la truffe, ces visites, réalisées l'hiver, constituent « un complément de revenu important qui aide à compenser les années difficiles ». Il accueille ainsi une dizaine de touristes chaque semaine pendant les trois mois de cavage.

Néanmoins, ce tourisme semble freiné par plusieurs facteurs, comme l'indique un article du docteur en géographie Vincent Marchilhac, intitulé « L'agritourisme truffier dans le Vaucluse » (revue Téoros, 2016). Il y explique notamment que « les agriculteurs-trufficulteurs [sont] à la fois peu nombreux et peu enclins à se faire connaître pour éviter d'attirer la convoitise des voleurs de truffes ». Côté Vaucluse Attractivité, l'agence de développement économique, on met aussi en avant la « fermeture de beaucoup d'établissements, en particulier haut de gamme, durant l'hiver. Et, pour les clientèles étrangères, l'absence de pratique de l'anglais chez bon nombre d'acteurs de la filière ».

Au Rouret, la truffe est source de vitalité économique

Au Rouret, « la Ville s'accroche à cette image autour d'un terroir de qualité. Mais nous n'observons pas d'impact réel sur le tourisme. Bien que nos truffes soient les meilleures du monde » assure le maire qui continue tout de même à penser que la valorisation de tels produits du terroir est un fort marqueur d'identification.

Quoi qu'il en soit, il se félicite de l'impact de la trufficulture sur la vie économique locale. « Notre domaine communal était un peu à l'abandon. Mais depuis qu'on y cultive des truffes, nous avons à nouveau des apiculteurs, des bergers et des promeneurs ». La magie de la truffe semble donc bien avoir fait son œuvre.

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