Europe /Afrique : des relations à réinventer

De par la richesse de ses ressources, sa démographie et l’énergie de ses entrepreneurs, l’Afrique est appelée à jouer un rôle majeur dans les décennies à venir. Beaucoup de pays l’ont compris et tentent de tisser des liens avec ses 54 États. Dès lors, si l’Europe veut tirer profit de ce potentiel, elle doit réinventer ses relations avec l’Afrique. Dans une logique plus que jamais gagnant-gagnant. C’est particulièrement ce qui a été évoqué lors du Forum Europe-Afrique qui s’est tenu ce 17 mars à Marseille.
(Crédits : CC by Pixabay PIRO4D)

Une croissance démographique qui devrait faire passer sa population de 1,4 à 2,5 milliards d'habitants d'ici 2040. Une population jeune - l'âge médian s'élevait à 19,6 ans en 2017 ; un sol qui abrite plus de la moitié des ressources minières mondiales ; de même que 60 % des terres arables. Une jeunesse dynamique, qui entreprend, innove, pour répondre aux défis sociaux et environnementaux de demain. Et un besoin massif d'investissement - 70 000 milliards de dollars pour les villes africaines d'ici 10 ans : le potentiel de l'Afrique est énorme. Si bien qu'elle suscite un intérêt croissant de la part des autres continents. Europe comprise.

La coopération Afrique-Europe est ainsi « une des priorités de la présidence française du Conseil de l'Union Européenne », a tenu à rappeler le ministre délégué en charge du commerce extérieur Franck Riester, à l'occasion du Forum Europe Afrique organisé à Marseille par La Tribune en partenariat avec Aix-Marseille Provence.

En février, la Présidente de la Commission de l'UE Ursula von der Leyen a par ailleurs annoncé dédier la moitié du Global Gateway - ce plan à 300 milliards d'euros visant à lutter contre les changements climatiques, à améliorer les systèmes de santé, la compétitivité des entreprises et de sécuriser les chaînes d'approvisionnement mondial - à l'Afrique. Soit 150 milliards d'euros consacrés à l'éducation, à la santé, ainsi qu'au développement des infrastructures et au soutien aux startups du continent africain.

Des plans pour l'Afrique... accueillis avec un certain scepticisme

« Ces dernières années, il y a eu une dizaine de plans pour l'Afrique », remarque néanmoins Carlos Lopes, économiste bissau-guinéen et professeur au sein de l'Université du Cap. « Et très souvent, ils ne comprenaient pas de détails permettant de confirmer les promesses ».

Pour lui, ce qui importe, ce n'est pas tant l'annonce de plans d'aide, mais la recherche d' « opportunités communes. L'Afrique a par exemple des émissions de gaz à effet de serre très modestes. Mais elle offre des solutions aux pays européens afin qu'ils réduisent les leurs. Il y a des investissements importants à faire en Afrique. Sur le gaz par exemple ». Des opportunités communes pour des relations plus équilibrées qu'elles ne l'ont été par le passé. Un passé encore lourd à porter.

« La rencontre entre l'Europe et l'Afrique n'a pas toujours été des plus joyeuses », souligne Aminata Touré, ancienne Première ministre du Sénégal. Un passé dont les conséquences n'ont pas disparu. « Le commerce triangulaire a déraciné les forces vives ». Et même une fois la période de la colonisation achevée, se sont ensuivi des décennies de rapports asymétriques, où l'Afrique a été considérée comme une terre d'extraction pour certaines entreprises européennes. De quoi nourrir un certain scepticisme au sein des jeunes élites.

Par conséquent, si l'Europe veut être au rendez-vous des grands changements mondiaux, au sein desquels le rôle de l'Afrique sera majeur, elle doit, assure Aminata Touré : « développer de nouvelles manières de faire des affaires. Créer des chaînes de valeurs complètes. Embaucher des Africains. Dans le cadre d'un partage équitable ». Et ce, tout en corrigeant certaines attitudes. « La lutte contre le racisme et les préjugés est essentielle. Il ne faut pas déconnecter cela du reste ».

Face à l'Afrique, une multitudes de partenaires potentiels

D'autant que l'ordre du monde a évolué. L'Europe n'est plus la seule à s'intéresser à l'Afrique. Loin de là. Chine, Russie, Brésil investissent sur le continent. Proposent des coopérations. L'Afrique a également des opportunités à l'intérieur même de ses frontières où cohabitent 54 pays. « Or, le commerce intra-africain ne représente que 12 % du commerce en Afrique. Ailleurs, on se situe plutôt entre 60 et 70 % », note Aminata Touré, convaincue que « l'Afrique sera l'autrice de son propre développement ». Finie la posture de l'Europe salvatrice. La coopération sera gagnante-gagnante. Ou elle ne sera pas. Il faut donc la réinventer. Et les États ne pourront pas tout.

Les collectivités au cœur d'une nouveau mode de coopération

« Les Métropoles européennes et africaines sont au cœur du partenariat entre les deux continents », pense Franck Riester.

Constat qu'approuve évidemment la présidente de la Métropole d'Aix-Marseille, Martine Vassal. « De par leurs compétences en matière de développement économique, d'aménagement du territoire, de politique du logement, de stratégie alimentaire et agricole, les Régions, les Départements et les communes contribuent à porter cette dynamique ».

Ce, tout en s'appuyant sur l'écosystème entrepreneurial, particulièrement tourné vers l'Afrique en ce qui concerne Aix-Marseille. Et la présidente de la Métropole de citer la politique africaine dynamique d'entreprises telles que CMA CGM, la Compagnie Fruitière ou l'Olympique de Marseille. Mais aussi quelques startups portées par des entrepreneurs africains, l'initiative de la CCI d'Aix-Marseille AfricaLink, de même que la tenue chaque année du sommet entrepreneurial Emerging Valley.

Autant d'arguments qui, en plus de la position géographique et de l'histoire de ville, lui font penser que Marseille peut être « une référence. Une plateforme de la coopération entre les deux continents ». Une coopération d'un nouveau genre. Réciproque. Et résolument plus humaine.

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