« Nous menons de front un combat humain et un combat environnemental » (Jean-François Suhas, Club de la Croisière)

Réélu président du Club de la Croisière Marseille Provence, ce pilote, par ailleurs président du conseil de développement du GPMM en remet une couche et insiste sur la capacité du secteur à être proactif en matière de transition énergétique. D’expliquer aussi que la crise remet radicalement en cause les business modèles habituels, incitant à en inventer de nouveaux. Et que le territoire fait plus que jamais partie de l’équation.
(Crédits : Camille Moirenc)

A Marseille, la croisière est un sujet sérieux... et qui fâche. L'escale inaugurale du Costa Toscana début mars pourrait en être la parfaite illustration. Car le nouveau navire de Costa Croisières est certes un paquebot de croisière, mais il est aussi (et surtout) propulsé au GNL. Preuve que le sujet de la transition énergétique n'est pas ignoré par le secteur. Et encore moins à Marseille qui a même été précurseur en étant le premier port à proposer la connexion électrique à quai. C'était en 2015.

Conserver le leadership environnemental

Sept ans plus tard, Marseille dispose de quatre connexions électriques simultanées, « ce que nous sommes les seuls en Europe à proposer », souligne Jean-François Suhas, revendiquant un leadership sur le sujet, sans doute pas assez (re)connu, quand Barcelone ou Hambourg, ports considérés comme concurrents, sont moins équipés et encore à la traîne.

Et si Jean-François Suhas appuie sur la particularité marseillaise, c'est que la transition énergétique de la croisière est son cheval de bataille depuis plus de dix ans. Car la croisière c'est aussi un secteur économique qui irrigue bien au-delà de son pré-carré et nourri aussi le territoire. Qu'un navire qui vient à Marseille, c'est de la valeur ajoutée apportée. « La première entreprise qui entre sur le territoire, je suis content de la voir arriver ». La croisière, c'est 2.500 emplois, métiers portuaires, agents réceptifs et maritimes, hôteliers, guides, autocaristes, taxis... Et c'est une industrie fortement malmenée par la crise, qui a subi les conséquences des restrictions de déplacement comme une remise en cause totale. Car outre la gestion des bateaux et des marins durant cette période, il y a l'après. « Aujourd'hui, sans aides, certaines compagnies n'existeraient plus », rappelle Jean-François Suhas. « Les aides de l'Etat ont permis aux services aux navires d'être encore là aujourd'hui ».

Quels nouveaux modes de consommation ?

Or, la croisière fait preuve de résilience « incroyable », enregistrant un nombre d'escales en 2021 - 160 précisément - proche de celles comptabilisées en 2019. Mais le point névralgique est ailleurs. Il se situe davantage dans la façon dont les compagnies vont s'adapter aux nouveaux modes de consommation. Des modes qui demeurent encore flous.

« L'interrogation aujourd'hui est simple : redémarrer oui mais à quel prix ? Les compagnies connaissent le montant de leurs coûts fixes mais quel type de client va revenir ? La guerre commerciale va faire rage. Et toutes les compagnies ne disposent pas des mêmes capacités capitalistiques. Certaines ont une maison mère, ce qui n'est pas le cas d'autres compagnies.  Le rêve de la mer sera toujours là mais nous risquons d'assister à une bataille commerciale mondiale dans le tourisme ».

Jean-François Suhas qui en remet une couche sur la « vision économique globale » qui doit sous-tendre la perception de la croisière. « La plupart des grands systèmes économiques français sont repartis. Or le tourisme représente 13% du PIB. Le monde de la croisière doit se remettre en ordre de marche. On manque de main d'œuvre ». De rappeler que la croisière ce n'est pas que des bateaux c'est de l'emploi, 3.000 emplois en région Sud, 2.500 emplois rien qu'à Marseille. Mais que c'est aussi de l'argent qui rentre sur le territoire et qui permet de maintenir ces mêmes emplois. Difficile alors d'entendre les discours qui refusent de considérer la croisière comme secteur économique à part entière. Tel celui de la Ville de Marseille qui, on le rappelle, a retiré la subvention au Club de la Croisière. « Toute la chaîne de valeur est méconnue », regrette Jean-François Suhas.

Des externalités positives pour le territoire

Un président qui ré-insiste encore, « il faut accélérer très fort sur l'environnement avec des investissements adaptés. Le capital va là où il y a de la rentabilité. Il faut trouver un chemin entre emploi et environnement. Nous menons de front un combat humain et un combat environnemental ».

L'activité maritime c'est des navettes décarbonnées qui permettent de tracer des trajets de découverte de la Cité phocéenne en se passant du bus et qui donneraient à redécouvrir des trésors de la ville. « Nous voulons que le territoire ait des externalités positives ». Et puis « nous avons cette vision de la croisière, demain, cette croisière domestique qui sera celle des sauts de puce », prédit Jean-François Suhas. « Le monde entier cite Marseille en exemple pour avoir su réunir l'ensemble des acteurs économiques impliqués par l'activité maritime. Notre modèle c'est l'intelligence collective ».

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