Dans les quartiers Nord de Marseille, Cap au Nord se pose en tiers de confiance

Avec leurs 4.500 entreprises, les quatre arrondissements du Nord de la Cité phocéenne jouent un rôle de « poumon économique de la Métropole », ouvert sur le Méditerranée. Pour les aider à tirer profit de ce potentiel sur la durée et pour en faire profiter leurs habitants, l’association de 8 salariés veut faciliter la rencontre et créer des synergies entre entreprises, habitants et intermédiaires de l’emploi.
(Crédits : DR)

Après le Carburateur - pépinière d'entreprises du 15ème arrondissement de Marseille -, c'est à L'Epopée, nouveau tiers-lieu dédié à l'innovation éducative également présent dans le 15ème à Marseille qu'a élu domicile l'association Cap au Nord Entreprendre. Une façon d'être partie prenante des grandes éclosions des quartiers Nord de Marseille qu'Alexandre Fassi, secrétaire général de Cap au Nord Entreprendre, qualifie de « poumon économique de la Métropole » et « porte d'entrée de la Capitale de la Méditerranée que le Président de la République appelle de ses vœux ».

Car les quatre arrondissements du Nord de la Cité phocéenne hébergent 4.500 entreprises où travaillent 85.000 salariés. Parmi elles, de grands noms comme Haribo ou Veolia. Des structures de l'Économie sociale et solidaire telles que La Table de Cana ou l'Adie. Des PME comme Enogia ou la Savonnerie du midi. Des ETI à l'image de Provepharm. Néanmoins, en dépit de cette dynamique sur le plan entrepreneurial, les habitants du territoire souffrent d'une forte pauvreté. L'observatoire des inégalités estime ainsi que le taux de pauvreté est supérieur à 40 % dans les 14e et 15e arrondissements.

Des acteurs multiples mais enclavés

Face à ce constat, le réseau d'entreprises Cap au Nord Entreprendre, qui compte 310 adhérents, se pose en « tiers de confiance » pour favoriser le développement des entreprises locales, et pour que celui-ci profite aux habitants. Ce qui implique de faire se connaître des acteurs souvent étrangers les uns vis-à-vis des autres. « Il y a une forte méconnaissance entre acteurs car le territoire Nord est très grand et mal desservi en transports en commun ». S'y ajoute « un niveau de formation inférieur et un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale », de même que la crainte, pour certains habitants, d'être « mal accueilli s'ils se rendent dans un autre quartier », conséquence de l'enclavement.

Pour casser ces barrières, l'association tente de susciter la rencontre. En proposant à des collégiens et lycéens de visiter le Grand Port de Marseille par exemple. En organisant des rencontres avec des entrepreneurs du numérique. En proposant à des lycéens ou apprentis de filmer leur immersion dans une entreprise, façon « J'irai dormir chez vous ». Mais aussi en faisant se parler, de la manière la plus directe possible, recruteurs de filières en tension et intermédiaires de l'emploi. Pour répondre au mieux aux attentes de chacun.

Accompagner les entreprises dans leur transition sociale et environnementale

De par son positionnement de « tiers de confiance », l'association est régulièrement sollicitée par des entreprises qui peinent à recruter. Mais « nous ne sommes pas un cabinet de recrutements », souligne Alexandre Fassi. Alors pour leur répondre sans se substituer aux intermédiaires de l'emploi, Cap au Nord propose une expertise au travers d'outils tels que des vade-mecum. Elle tente aussi d'innover en proposant de nouvelles façons de faire se rencontrer demandeurs d'emploi et recruteurs. Comme en organisant des matchs de foot opposant jeunes talents et salariés d'entreprises du territoire. Une façon de révéler bon nombre de savoir-être tels que le dynamisme, la capacité à élaborer une stratégie ou à travailler en équipe. « Les entreprises s'intéressent aux nouvelles méthodologies de recrutement, sans CV, autour de compétences clés. Mais pour se lancer, elles ont besoin d'un acteur tiers qui les accompagne et les rassure ».

Un rôle que l'association joue également lorsqu'il s'agit d'accompagner la transition verte des entreprises. Qu'il s'agisse de promouvoir la mobilité douce ou de réduire la production de déchets. Un sujet essentiel tant pour l'environnement au sens large, que pour le cadre de vie, et la pérennité des entreprises. « Demain, la production de déchets sera beaucoup plus chère. Si on ne travaille pas sur ce sujet collectivement, soit les déchets finiront dans la nature, soit les entreprises devront faire face à des solutions très coûteuses. Il faut donc fédérer les acteurs pour trouver des solutions ». Solutions qui passent notamment par l'identification et la valorisation des déchets. « Nous avons par exemple fait le lien entre Pernod Ricard qui ne savait pas comment valoriser ses palettes et un lycée voisin qui en cherchait pour la réalisation d'expériences ». Des réflexions sont également en cours avec l'AP-HM pour la réutilisation de plastiques. « Mon rêve, ce serait de mettre en place un laboratoire du réemploi, pour montrer quels sont les déchets du territoire et savoir ce que l'on peut en faire, en lien avec les acteurs du réemploi. Pour l'heure, nous travaillons déjà avec Euroméditerranée sur un laboratoire urbain pour le développement d'un circuit court des déchets ».

Un rôle de porte-voix

Mobiliser les entreprises, les faire se sentir partie prenante d'un territoire, les encourager à réaliser leur transition écologique et sociale. Voilà les ambitions de Cap au Nord Entreprendre qui cherche par ailleurs à gagner en visibilité, d'où le recrutement imminent d'un chargé de communication. « Les entreprises ont envie de s'engager mais, peut-être par crainte d'être accusées de greenwashing, n'ont pas forcément la volonté d'être mises en avant. Elles aimeraient que quelqu'un d'autre porte leur voix. Et c'est ce que nous souhaitons faire ».

Pour demander aux pouvoirs publics ce que les entreprises ne peuvent pas. Notamment sur le sujet de la mobilité, essentielle pour l'attractivité du territoire et la lutte contre le chômage. Mais aussi pour rappeler aux décideurs politiques combien les entreprises peuvent être « accélératrices de transformation pour le territoire. Ce sont elles qui recrutent, elles peuvent faire bouger les lignes ». Et peut-être contribuer à changer le regard porté sur les quartiers Nord de Marseille.

Changer le regard porté sur ces quartiers

« Les choses commencent à évoluer. Mais ce n'est pas suffisant. Quand on parle de ce territoire à quelqu'un d'extérieur, ce sont trop souvent les mots violence, délinquance, sous-qualification qui reviennent. Alors que les habitants de ces quartiers ont une énergie, un potentiel, une force. Les entreprises l'ont compris depuis longtemps. CMA CGM investit ici depuis des années. Xavier Niel y a racheté JaguarNetwork ». Dans la même lignée : le Plan Marseille en Grand, annoncé au niveau national, avec la création de carrefours de l'entrepreneuriat, à L'Epopée et au Carburateur notamment, pour accompagner les jeunes désireux de créer leur société.

Et la mue des quartiers Nord passe aussi par la culture. Ainsi, le projet de Musée des arts urbains de Marseille (MauMa) - un parcours artistique à travers les rues du territoire, dont Cap au Nord est partenaire - a vocation à faire des quartiers Nord un lieu de découverte, de culture, ouvert sur le monde. « Il faut une synergie entre tous ces acteurs. Cap au Nord essaie de faire prendre cette mayonnaise ».

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