
Le premier marque le retour d'un souverain pontife dans la Cité phocéenne depuis près de 500 ans. Le second y était il y a encore 3 mois. Marseille, « port d'espérance » pour l'un, port stratégique pour l'autre. Marseille, sorte de trait d'union finalement, entre le Pape François et Emmanuel Macron.
Dire que la rencontre entre le chef du Vatican et le chef de l'Etat français est attendue est un euphémisme. D'autant qu'elle est largement précédée de la polémique sur la participation d'Emmanuel Macron à la messe donnée par le Pape François au Vélodrome ce samedi 22, alimentant les interprétations sur le respect de la laïcité ou non. Mais bien évidemment, le vrai sujet est ailleurs.
Il est bien davantage dans la thématique de l'immigration et du rapport entre les deux rives de la Méditerranée. Thématique globale du déplacement papal. Thématique pas moins prégnante pour le président de la République.
Surtout que le tout est percuté par l'actualité et l'arrivée de milliers de migrants sur l'île italienne de Lampedusa. Et que le tout se joue, aussi, dans un contexte d'élections européennes à venir.
L'Afrique, la Méditerranée : vision partagée ?
On se souvient évidemment du discours très affirmé du Pape, prononcé à Kinshasa en janvier dernier, dénonçant le colonialisme politique passé et celui économique « tout aussi asservissant (qui) s'est déchaîné » en Afrique. Un mois plus tard, c'était au tour d'Emmanuel Macron à la veille d'un déplacement sur le continent de rappeler « le destin lié » entre la France et l'Afrique, disant qu'il ne fallait pas « réduire l'Afrique à un terrain de compétition ou de rente et à considérer les pays africains comme des partenaires avec qui nous avons des intérêts et des responsabilités partagées. Et, au fond, de bâtir une nouvelle relation, équilibrée, réciproque et responsable ». Le rapport entre les deux rives de la Méditerranée est sujet d'attention pour le souverain pontife comme pour le président de la République, qui a déjà fait de Marseille un lieu d'échanges de plus haut niveau sur le sujet. Sur ce point, que se diront-ils, au-delà des positions déjà affirmées ?
Le Pape qui a évolué aussi sur sa vision d'une réponse à donner à l'immigration. Ce qu'explique très bien Paolo Levi, correspondant en France pour l'agence italienne Ansa. « François a d'abord estimé que l'Italie devait accueillir les migrants qui frappent à sa porte. Désormais il part du principe que lorsqu'on débarque en Italie, on débarque d'abord sur le sol européen avant de débarquer sur le sol italien ». Une sorte de virage « mélonien », qui n'est pas anodin.
Sur la question de l'accueil ou non en France de migrants en provenance de Lampedusa, quelle sera la position d'Emmanuel Macron, coincé en quelque sorte entre une position très ferme du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, et de celle bien autre, de la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, l'un affirmant que « la France n'accueillera pas de migrants de Lampedusa », quand l'autre dit que la « France doit prendre sa part ».
Un Pape qui n'est pas que « théorie »
Apporter une réponse européenne semble cependant être un point de vue partagé entre Emmanuel Macron et le Pape François. Un souverain pontife, ajoute Paolo Levi, qui « n'est pas un technicien de l'Europe », mais qui ne se contente pas de « lancer des messages théoriques. Il a plutôt tendance à proposer des pistes ». Pour preuve, l'un des émissaires du Vatican, le cardinal Zuppi, a tenté une médiation entre la Russie et l'Ukraine en juin dernier. « François est un Pape très angélique mais aussi très concret », souligne Paolo Levi.
L'actualité de Lampedusa résonne avec un autre moment politique, celui des élections européennes, le 9 juin prochain. Au point de s'inviter dans les pré-campagnes. Sans surprise.
La rencontre entre le Pape François et Emmanuel Macron s'inscrit bien dans ce contexte européen, où les liens entre l'Italie et la France comptent, face à une Allemagne qui « a regardé, au moment du post-covid, la deuxième et la troisième puissance de la zone euro s'unir sur ce plan de relance ». Même si les circonstances étaient exceptionnelles, l'union a montré la force du couple franco-italien.
Marseille sera-t-elle le lieu du réchauffement des relations entre le Vatican et la France ? Si la participation d'Emmanuel Macron à la messe du stade Vélodrome concentrera les attentions, c'est évidemment ce qu'il se dira lors des échanges privés qui constitue tout l'intérêt du déplacement à Marseille. Une façon de faire de la Cité phocéenne, construite au gré des migrations, tournée vers la mer et l'Europe, le point névralgique de cette rencontre au sommet. Difficile de faire plus symbolique.
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