Le surgelé pour rendre le bio plus accessible, ou comment Biofrost s'installe sur un marché à conquérir

Après des années de forte croissance, la vente de produits bio décroît depuis deux ans. Cela n'empêche pas certains acteurs de se lancer sur ce marché, convaincus qu'il n'a pas dit son dernier mot. C'est le cas de la PME installée à Aix-en-Provence, qui a ouvert en 2021 son premier magasin de produits bio surgelés. Certaine que ce type de conservation peut aider à rendre le bio plus accessible.
(Crédits : DR)

Des lettres colorées entre lesquelles se sont invités une carotte et une pomme de terre, le tout surmonté de neige. L'enseigne Biofrost, installée depuis fin 2021 dans le centre commercial Les Commerces de la Bastide, à Aix-en-Provence, affiche une promesse : celle de révéler « les délices d'une nature endormie ». Et d'énumérer : « viande, poisson, légumes, traiteur, bébé, régime spéciaux ou encore, glaces ».

Avec sa boutique aixoise de 184m², ses congélateurs noirs agrémentés de papillons et de gazons fleuris, Biofrost est un des derniers nés sur le marché des magasins surgelés. Un marché dominé par Picard et Thiriet, et qui a vu il y a une dizaine d'années émerger le réseau locavore Ecomiam. Manquait une enseigne 100 % bio. C'est désormais le créneau occupé par Biofrost.

Un concept né au début de la crise du bio

A l'origine, un groupe, Arkane, fondé par Régis del Sale. Parmi les activités d'Arkane : du nautisme, la réalisation d'événements sportifs, du conseil et surtout, la conception et la gestion de centres commerciaux, à l'image des Commerces de la Bastide où se trouve désormais Biofrost.

« Quand nous avons commercialisé ce centre, nous voulions que les différents commerces qui s'y trouvent soient complémentaires et non concurrents », explique Régis del Sale. Parmi les activités prévues initialement : une pharmacie. Un local lui est réservé mais les règles du numerus clausus rendent finalement impossible son installation. C'est alors qu'un porteur de projet propose à Régis Del Sal de s'associer avec lui et d'implanter un magasin Ecomiam dont les enseignes se situent plutôt dans la moitié ouest du pays. Las. L'entreprise ne dispose pas d'approvisionnements dans le Sud Est et une telle installation n'est pas compatible avec son modèle. Qu'à cela ne tienne, Régis del Sale et son associé fondent leur propre concept de magasin surgelé en faisant le pari différenciant du bio. Biofrost voit le jour.

Nous sommes alors fin 2021 et le bio, après des années de croissance à deux chiffres, est en chute. En cause, analyse Régis del sale, « une surdensité de l'offre » encouragée par la croissance et par une épidémie de covid-19 qui a fait imaginer à beaucoup un « monde d'après » marqué par une alimentation plus saine, plus locale et plus bio. Une offre importante donc, à laquelle fait face une demande en berne sous l'effet de l'inflation et de la multiplication des labels concurrents.

Du surgelé pour rendre le bio plus accessible

Afin de remettre les consommateurs sur le chemin de l'alimentation bio, l'entrepreneur estime que l'offre de produits surgelés bio est un levier intéressant. Moins cher, le surgelé permet par ailleurs une conservation beaucoup plus longue des produits, ce qui limite fortement le gaspillage et donc les surcoûts pour les ménages.

Et pour rendre ses produits plus accessibles encore, Biofrost fait plusieurs choix stratégiques. Le premier, c'est de se passer, autant que faire se peut, de grossistes en achetant directement ses produits à des fournisseurs, français dans au moins 70 % des cas. Des fournisseurs sélectionnés selon trois critères : des produits bio et 100 % traçables, un conditionnement adapté à la vente en détail, ainsi qu'une provenance le plus possible locale. Parmi les marques proposées : Madern et ses plats préparés, les glaces Naïce, ou encore Kom&Sal créée par la cheffe étoilée Nadia Sammut et qui propose des produits de meunerie, de boulangerie et de pâtisserie sans gluten, sans lactose, et 100 % végétaux. Des fournisseurs que l'entreprise a choisi de mettre en valeur en refusant la commercialisation de ces produits sous sa propre marque, adoptant plutôt la posture de dénicheur de saveurs. Au total, elle compte environ 2.000 références, dont 500 actives et 200 à 300 proposées en permanence.

Second levier de réduction des prix : l'achat de volumes importants permis par des capacités de stockage « deux fois plus importantes que chez un concurrent classique ». Et si le premier magasin de l'enseigne s'étale sur un peu moins de 200 m², Biofrost prévoit d'ouvrir à terme des magasins deux fois plus grands, ce qui permettra de proposer des produits encore moins chers. Un tel magasin devrait voir le jour à Entraigues-sur-la-Sorgues près d'Avignon. Son ouverture est prévue après celle d'un second magasin de 200 m² entre Aix-en-Provence et Marseille.

Multiplier les magasins

Bâtir un réseau de magasins, c'est là l'ambition de la TPE qui compte pour l'heure moins de cinq salariés. « On aimerait avoir cinq magasins en 2024. Puis l'objectif est de se développer partout en France avec une masterfranchise par grande région ». «Masterfranchises» qui géreraient elles-mêmes plusieurs franchises sur leur territoire. Une façon de mieux s'adapter aux intérêts commerciaux de chaque zone. « Nous avons des discussions en Aquitaine, du côté de Nice, de Bordeaux ... »

Biofrost réfléchit aussi au développement d'une offre en « clique et cueillette » - un terme emprunté au Canada- qui permettrait aux clients de venir récupérer rapidement des commandes effectuées sur internet. « On espère arriver à mettre cela en œuvre  rapidement mais c'est un lourd travail. Il faut tenir un site internet avec tous les stocks à jour ». Un partenariat est par ailleurs à l'étude avec le spécialiste de la livraison Shopopop pour de la livraison à domicile.

Beaucoup de projets sont donc envisagés malgré un avenir incertain. « Le bio est en crise. Nous ne sommes pas sûrs d'être encore vivants dans un an », admet l'entrepreneur. Après une pleine année d'exercice, la boutique aixoise n'a pas encore le succès escompté. « Nous sommes à 60 % de nos ambitions. Et ce n'est pas faute d'avoir suffisamment de fréquentation dans le centre commercial ». Biofrost souffre plutôt d'un manque de notoriété, d'une offre bio qui n'attire plus autant qu'avant, et d'une consommation de produits surgelés « pas vraiment dans les mœurs en France métropolitaine » selon Régis del Sale, contrairement, par exemple, aux territoires d'outre-mer. « En France, cela reste un produit de dépannage alors que ce devrait être un produit de première consommation ». Il compte bien s'atteler à faire changer ces pratiques. Et contribuer par ce biais à la relance du marché bio.

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