Recrutements, prix de l'électricité, marché... le fabricant de chaussures de travail Gaston Mille favorise l'international

Installé à Courthézon dans le Vaucluse, ce fabricant de chaussures de travail a fortement subi les conséquences de la crise sanitaire qui a lui fait perdre 30 % de son chiffre d’affaires. D’où la volonté de diversifier ses marchés à l’international et de tirer profit du boom de deux secteurs : pétrole et électricité. Avec néanmoins le regret d’une demande morose à l’échelle nationale, où l’argument « Made in france » ne semble pas réellement motiver les acheteurs.
(Crédits : DR)

Elle en a connu des tempêtes, depuis sa création en 1912. Deux guerres mondiales, chocs pétroliers, délocalisations massives sur le marché du textile... Face auxquelles la PME originaire du Vaucluse a toujours répondu par l'innovation. Plus récemment, c'est la crise sanitaire qui l'a bousculée. Moins 30 % de chiffre d'affaires. En cause notamment : une forte dépendance à un secteur particulièrement affecté par les restrictions sanitaires en France : la restauration.

Un mauvais moment à passer, pense-t-elle. Sauf que 2021 n'est pas beaucoup plus reluisante. « On continue de perdre 10 % de chiffre d'affaire sur la restauration ».

Et la situation se complique en même temps du côté des approvisionnements, essentiellement asiatiques.

Pour faire face à cette situation, l'entreprise envisage d'innover dans une gamme de produits en lien avec l'hygiène, préoccupation sur toutes les bouches au moment de l'épidémie. Chaussures avec traitement antibactérien, semelles faciles à nettoyer, modèles lisses contenant peu de coutures. Las. « Ce projet est tombé à l'eau », explique Nicolas Mille, dirigeant de l'entreprise créée par son arrière grand-père.

Diversifier approvisionnements et marchés

La PME choisit alors de revoir sa structuration. Elle se sépare de certains de ses cadres afin que ses charges de personnel s'ajustent à ses résultats. Et choisit de diversifier ses approvisionnements. « La Chine, dont nous dépendions, a été très impactée. Nous nous sommes rendu compte du danger qu'il y avait à de ne dépendre que d'un pays. Nous avons donc choisi de recentrer nos approvisionnements sur l'Europe ». Comme cet embout de fibre de verre que seule la Chine était capable de fabriquer, et auquel l'entreprise privilégie désormais un embout en aluminium en provenance de Turquie.

Et cette stratégie de diversification concerne aussi un autre aspect : les marchés de distribution. La restauration se portant mal, Gaston Mille a saisi les opportunités se présentant dans d'autres domaines d'activités. « Il y a de belles perspectives dans le domaine du pétrole. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour le climat, mais la filière est en plein boom et consomme de façon débridée des équipements professionnels ». Or la PME a dans son catalogue des produits tout à fait adaptés à ce type de clients, produits qu'elle a améliorés au fil des années. « Cela nous permet d'avoir une longueur d'avance face à la concurrence acharnée ».

Même chose pour ses chaussures protégeant des chocs électriques jusqu'à 17.000 volts, que l'entreprise développe depuis quatre ans et qui lui permettent de se distinguer sur le marché de l'électricité. « Avec le développement des véhicules électriques, on a besoin de beaucoup d'électriciens pour les produire ». Et donc de chaussures à même de les protéger des risques d'électrocution.

L'export comme issue

Des marchés qui accompagnent la stratégie internationale de la PME, de plus en plus présente au Moyen-Orient mais aussi aux États-Unis où elle dispose déjà d'une filiale depuis 2015. « Aux États-Unis, nous sommes passés de rien à de gros contrats avec des distributeurs », dans un contexte de boom économique, avec une « demande telle qu'on n'arrive pas à y répondre ».

Pour y faire face, l'entreprise se prépare, après deux années sans l'avoir fait, à investir dans son outil de production. « Nous avons toute la logistique à moderniser. Avec un projet d'investissement sur nos machines pour augmenter notre capacité de production de 30 % ».

Elle aimerait aussi recruter des opérateurs de production, mais peine à le faire. Parce que les difficultés de recrutement sont structurelles à l'échelle du pays dans le secteur de l'industrie. Mais aussi parce que le nord du Vaucluse souffre d'un déficit d'attractivité. «La population d'Orange chute d'année en année. Et celle qui reste est peu diplômée. Il n'y a pas d'ingénieur et même les ouvriers peu qualifiés sont difficiles à trouver. Mon directeur commercial vient de Nice. Parmi les CV de candidats que je reçois, la plupart viennent de Lyon ou Paris. Mais nous avons besoin de salariés qui habitent à moins de 30 minutes. Au-delà, le transport les fatigue trop. Le territoire n'attire pas les compétences. Et la base d'Orange qui accueillera 24 Rafales ne va pas arranger les choses en raison des nuisances sonores que cela va générer ».

De sorte que les projets de recrutement se dessinent davantage à l'international. Autour de plateformes logistiques que l'entreprise prévoit d'installer aux États-Unis, en Malaisie/Philippine et en Europe.

C'est ainsi l'international (35 % de son chiffre d'affaire) qui offre aujourd'hui le plus de perspectives en entreprise. Et qui devrait lui permettre d'atteindre cette année le cap de 10 millions d'euros de chiffre d'affaires, contre 9,6 millions d'euros aujourd'hui.

Un marché français morose

Alors que son chiffre d'affaire à l'export a augmenté de 58 % entre 2021 et 2022, celui de la France n'a crû que de 2,3 %. « Et encore, cela s'explique surtout pas nos hausses de tarifs », regrette l'entrepreneur qui aurait aimé que Gaston Mille soit privilégiée localement de par son choix d'une fabrication française. « Un certain nombre de gros acheteurs n'est pas intéressé par le Made in France. C'est assez destructeur. Les acheteurs auraient le pouvoir de relocaliser des entreprises ».

La PME doit aussi faire face à la hausse des prix de l'électricité sur le marché français. Sa facture passant d'un peu moins de 38.000 euros à 60.000 euros. « Chez nous, cela ne représente pas 10 % du chiffre d'affaire, mais c'est inquiétant ». Craintes auxquelles se mêle l'incompréhension. « On voit bien qu'il y n'a pas eu de crise énergétique cet hiver. Les prix du gaz et du pétrole sont en baisse. Je ne comprends pas pourquoi on paie plus cher ». Plus cher par exemple qu'aux États-Unis qui, de l'avis de l'entrepreneur, attirent de plus en plus d'entreprises françaises. « L'économie y est flamboyante, l'électricité peu chère. Beaucoup préfèrent investir là-bas. Il faut vraiment bloquer les prix, sinon on va faire fuir les entreprises ».

Et l'entrepreneur de conclure : « C'est assez déroutant d'être obligé de vendre à l'international quand on produit en France. J'espère que l'économie du pays connaîtra un nouveau souffle. Et qu'on achètera un peu plus de fabrication française ».

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