La frustration n'est pas toujours vaine. Elle peut être source de création.

Alors qu'il souhaite rejoindre des amis rencontrés sur internet - et originaires de plusieurs villes - à l'occasion d'une compétition de e-sport, Rayane Aboussahil mesure la complexité de la tâche. « Cela aurait été l'occasion de passer du virtuel au réel. Mais il fallait trouver des moyens de transports à un prix correct, des hôtels, des activités communes alors que nous n'avions pas les mêmes goûts... C'était si complexe qu'on a abandonné ce projet ».

Au moment de l'épidémie de covid-19 - révélatrice d'envies chez bon nombre de personnes - le jeune homme, en alternance, repense à cette occasion manquée, de même qu'à l'envie d'entreprendre qui l'anime depuis un moment déjà.

Le e-sport se développe, séduisant de plus en plus de fans. Il devient de plus en plus physique, comme l'incarnent les impressionnants événements qu'il génère. Et pourtant, l'offre visant à simplifier la participation des fans à ces manifestations est inexistante. C'est dans cette faille que s'engouffre le jeune entrepreneur. Il imagine alors créer une agence de voyage spécialisée dans le e-sport.

Fans, équipes, et organisateurs de compétitions de e-sport

Pour tester l'intérêt d'un tel projet, il lance sur internet une étude de marché. Les fans sont intéressés. Mais aussi un public qu'il ne soupçonnait pas : les équipes de e-sport. Composées de joueurs éparpillés sur le territoire, elles auraient bien besoin d'un tiers-acteur qui les aiderait à emmener à bon bord et à loger tout le monde lors des compétitions, et pourquoi pas à trouver des activités susceptibles de créer du lien entre joueurs.

Accompagné par Positive Planet et par l'Adie, Rayane Aboussahil crée Esport Voyages à la fin du mois de novembre 2021. Les premiers clients arrivent quelques mois plus tard, en janvier. Il s'agit alors d'équipes.

« Aujourd'hui, nous avons des partenariats avec plusieurs équipes françaises comme Asura, à Nice, dont nous sommes le sponsor maillot ». Des discussions sont en cours avec une équipe allemande.

Pour cibler les fans, toujours dans son viseur, l'entreprise mise beaucoup sur les réseaux sociaux, « c'est là que se trouvent les jeunes ». Elle les oriente sur son site où sont proposés plusieurs parcours à thème. Par exemple, une virée à Berlin mêlant visites de musées sur l'histoire des jeux, découverte de bars mythiques, mais aussi d'endroits emblématiques des deux guerres mondiales.

Esport Voyages tente aussi de convaincre des organisateurs d'événements de faire la promotion de ses services. « Comme nous, ils ont pour objectif de créer une vraie expérience pour les fans ». La jeune entreprise leur permet de lever certains freins à la venue du public dans ces compétitions : distance géographique, difficulté à s'organiser, à trouver un hébergement, d'autant que ce public, plutôt jeune, dispose d'un budget relativement limité.

« Nous avons ou sommes en train de signer des partenariats avec quatre organisateurs d'événements ». Des partenariats qui en appellent d'autres, pour obtenir des tarifs préférentiels auprès des acteurs de l'hôtellerie, de la restauration, de l'animation ... Ces professionnels semblant voir d'un bon œil la démarche de Rayane Aboussahil. « Nous leur permettons d'accéder à une nouvelle clientèle qu'ils ont parfois du mal à toucher car ils ne sont pas forcément très présents sur les réseaux sociaux ».

Déploiement imminent

Après une première année de rodage - pour laquelle l'entreprise ne souhaite pas communiquer son chiffre d'affaire -, 2023 doit être celle du déploiement. Les partenariats d'ores et déjà enclenchés avec les organisateurs d'événements laissent présager à l'entrepreneur de bonnes perspectives de croissance. Perspectives qui pourraient, si elles se concrétisent, donner lieu à quelques recrutements pour agrandir l'équipe qui compte pour l'heure cinq personnes.

L'année devrait aussi être marquée par une première levée de fonds pour financer la digitalisation de l'offre « On développe une application qui doit servir d'assistant de voyage en combinant des fonctionnalités proposées de façon éparpillées par Google map, Trip advisor ou Moovit». Le but étant de « faciliter la mobilité dans le e-sport » en rendant visibles au voyageur toutes les solutions qui s'offrent à lui en matière de transport, d'hébergements et d'activités.

Et la levée a une seconde ambition : celle de financer l'export. « Ce c'était pas notre volonté première mais vu la grandeur du e-sport dans certains continents comme l'Asie et les États-Unis, nous sommes bien obligés d'y aller ». D'autant que dans ces territoires non plus, l'entreprise n'identifie pas de concurrent direct. « D'ici deux à trois ans, on aimerait avoir des antennes partout dans le monde ».

Vers un agrément pour obtenir la qualification d'agence de voyage

Pour tirer pleinement potentiel de son positionnement, l'entreprise s'apprête à déposer une demande d'agrément afin d'être officiellement qualifiée d'agence de voyage. Cela lui permettra d'ajouter le transport à la liste de ses prestations, prônant des modes de déplacements les plus écologiques possibles. « C'est un sujet qui m'intéresse beaucoup. J'ai 25 ans. Et je n'ai pas envie d'être confronté à toutes les problématiques du réchauffement climatique. C'est pour cela que je souhaite que nous privilégions le train et le bus. Voire même le covoiturage qui permet de créer du lien entre les gens dès le début de l'expérience ».

D'ici cinq ans, l'entreprise espère être présente par le biais d'antennes sur quatre continents et devenir une référence dans son domaine. « On veut être le numéro 1 du voyage e-sport ». Une sorte de réflexe pour les amateurs de e-sport, au même titre que le sont « Airbnb ou Uber » pour le commun des mortels.