A Nice, les candidats confrontés aux patrons… ou quand le territoire fait effet de révélateur

L’exercice peut paraître délicat et peu l’ont accepté. Seuls cinq candidats aux Législatives des 30 juin et 7 juillet prochain ont dit oui à l’UPE06 pour exposer programme économique et idées précises aux patrons des PME et TPE du territoire. Une audition très révélatrice…
Le président de l'UPE06, Pierre Ippolito, a souhaité auditionner les candidats aux Législatives dans les Alpes-Maritimes. Un exercice révélateur...
Le président de l'UPE06, Pierre Ippolito, a souhaité auditionner les candidats aux Législatives dans les Alpes-Maritimes. Un exercice révélateur... (Crédits : DR)

Souvent, c'est l'inverse. Quand le monde économique a des revendications, c'est au monde politique qu'il s'adresse. Mais en période d'élections, c'est le monde politique qui essaie de convaincre les chefs d'entreprises. Il faut dire - et ces Législatives le prouvent - que les programmes économiques sont souvent au centre du débat. Et le patronat, un électeur courtisé. Car la création de valeur passe bien par les ETI, grands groupes, PME et TPE. Le contexte pour la produire peut être un levier d'attractivité comme un repoussoir... Un facilitateur ou un empêcheur de croître en rond.

Et en temps de crise et autres soubresauts économiques, savoir quelles seront les orientations choisies, les stratégies adoptées et les velléités revendiquées, est forcément majeur.

Si le Medef a fait passer son grand oral voici moins d'une semaine, dans le Sud, l'UPE06 (l'Union pour l'entreprise, qui regroupe Medef06 et CPME06) a dupliqué l'exercice. Conviés à une audition devant un parterre de patrons de tous secteurs, du BTP à l'alimentaire, de l'industrie à la tech, les candidats aux Législatives dans les 9 circonscriptions des Alpes-Maritimes n'ont finalement pas été très nombreux - 5 uniquement - à accepter le challenge.

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Le vrai sujet : la compétitivité

L'objectif pour les dirigeants et le président de l'UPE06, Pierre Ippolitto, était limpide : mieux comprendre les tenants et les aboutissants - comprendre les propositions et les solutions pour y parvenir, financement compris - des programmes économiques proposés par les partis et répondre ainsi à une certaine « inquiétude dans nos rangs », le financement précisément étant un élément majeur « dans un contexte dégradé ». Une façon aussi de rappeler que maltraiter les entreprises et leurs dirigeants ne serait pas la meilleure façon d'engranger des points de croissance, Pierre Ippolito rappelant que « les entreprises sont essentielles à la bonne marche du pays » et que si, syndicat apolitique, le Medef ne donne « aucune consigne de vote » son « rôle est de dire ce qui paraît rationnel et dangereux pour les entreprises et les salariés. Le cap est la bonne santé économique du pays ». Avec, au chapitre des inquiétudes, la mobilité, le logement pour actif et l'impact de la loi ZAN sur le foncier, déjà extrêmement manquant. La taxation des entreprises, la revalorisation du SMIC ou le retour de l'IFI s'ajoutant aux interrogations.

Car ce qui sous-tend tous les sujets, c'est bel et bien une question de compétitivité.

C'est d'ailleurs le nœud gordien : comment ne pas empêcher les entreprises de grandir, de produire, d'embaucher, de former. Si on se félicite souvent de la capacité d'attraction de la France, ne pas freiner la dynamique - on rappelle que Choose France revendique placer l'Hexagone sur la première marche européenne - est d'autant plus important alors que depuis 2020, les crises succèdent aux crises.

Quand le territoire sert de révélateur

L'audition des candidats organisée par l'UPE06 avait aussi pour intention, outre le fait d'apporter un éclairage - pour ne pas dire un éclaircissement - sur les programmes, celui de « territorialiser » les échanges. Quelles conséquences pour les Alpes-Maritimes, son écosystème, son devenir ? Pour le coup, l'effet territoire a fonctionné. Quasiment tous les candidats ont revendiqué avoir des convictions personnelles pas forcément alignées avec celle du parti ou la coalition qu'ils représentent. Il faut dire que face aux questions précises et pointues des patrons et à la réalité du terrain, il est plus compliqué de tenir un discours ou une posture.

Le point d'achoppement a certainement été la méthode pour financer les programmes et celles pour maintenir cette précieuse compétitivité. De l'impôt négatif proposé par José Garcia-Abia, premier secrétaire fédéral du Parti Socialiste 06 (qui se présente face à Michèle Tabarot, présidente de la commission nationale d'investiture LR, dans la 9ème) à l'exonération de la conversion des cryptomonnaies en devises avancée par Simon Daragon, candidat LR dans la 2ème circonscription face au député sortant, le RN Lionel Tivoli, aucune solution n'a vraiment convaincu. Bernard Chaix, candidat LR/Union des droites et proche d'Eric Ciotti, candidat dans la 3ème circonscription, ne se voit pas forcément couper les liens avec l'Europe et estime que la loi SRU doit être remaniée. Face à lui, Philippe Pradal, représentant Ensemble/Horizons plaide pour des dispositifs d'intéressements des salariés, un rapprochement entre le brut et le net et une loi contre le squat dans l'immobilier. Sans doute le plus aguerri aux joutes politiques, Benoît Kandel, ex- colonel de gendarmerie, ancien élu sous Christian Estrosi et désormais chef de sa petite entreprise joue la carte connaissance du terrain. Le représentant du RN à Nice de plaider pour l'industrie qui n'est, dit-il, pas du tout en phase de réindustrialisation, surtout si on considère le PIB du secteur, passé de 12% à 9% malgré les Plans dédiés.

Beaucoup d'injonctions, peu de solutions

Invité d'Azur Business, la chronique éco de La Tribune et BFM Nice Côte d'Azur, Jean-François Puisségur, vice-président de l'UPE06 a rappelé le rôle du député : voter les lois. Ce qui sous-entend une certaine responsabilité. L'augmentation du SMIC ? « Nous aussi nous aimerions bien augmenter le SMIC mais cette augmentation ne peut pas être portée uniquement par les entreprises. Quelles aides pour y arriver ? » Le retour de l'IFI, une mauvaise bonne idée et l'occasion de rappeler que « tous les patrons ne sont pas à l'IFI, loin de là ». Quant à taxer l'outil de travail, voilà « une mesure anti-capitalisme familial, or le capitalisme familial c'est ce qui permet de pérenniser les entreprises. Toucher à cela nous inquiète ».

Jean-François Puisségur et l'UPE 06 qui emboîtent le pas à Jean-Louis Maurizi, le patron du Medef Sud, qui, dans un entretien à La Tribune dit voir la réforme de l'assurance chômage n'être qu'une première étape. « Pierre Ippolito veut absolument valoriser le travail. Nous sommes d'accord pour accompagner (les réformes), mais nous voulons que 100% des augmentations bénéficient vraiment au salarié. Nous sommes d'accord pour porter des augmentations, avec un dialogue social, avec les aides de l'Etat. Nous voulons un meilleur pouvoir d'achat ». Des chefs d'entreprises, au final, un peu perdus face à « beaucoup d'injonctions et très peu de solutions ». Autant dire que le sujet brûlant du logement pour actif n'a pas vraiment eu de propositions concrètes pour y faire face. « Il faut construire plus », un avis partagé par tous les candidats tout comme la fin de la ZAN, cette Zéro Artificialisation Nette qui conditionne les constructions nouvelles. « Nous sommes dans la yakafonite aigue », s'agace Jean-François Puisségur, alors même que le logement c'est toute une chaîne de valeur, y compris de sous-traitants, qui est impactée. « Pierre Ippolito a précisément lancé une task force immobilier avec les acteurs de l'acte de bâtir pour porter la parole sur cette crise du logement ».

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Des entreprises par ailleurs très attentives parce que très concernées par la formation. La remise en cause du soutien à l'apprentissage est mal perçue et surtout pas comprise alors « que la réforme de l'apprentissage est une réussite. Pourquoi ne pas stabiliser les dispositifs qui fonctionnent ? » interroge le vice-président de l'UPE06. « Les patrons sont inquiets car les candidats sont dans l'impréparation ». Sur ce point, l'unanimité semble bien avoir primé...

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JF Puisségur UOE06

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