Réindustrialisation, transport, luxe, IA… les 4 vérités de l'économiste Nicolas Bouzou

Alors que la hausse des taux comme celle des matières premières ont déstabilisé la croissance, le dirigeant du cabinet Asterès analyse la résistance dont fait preuve l’économie tricolore, encourage à inscrire dans le temps les mesures de soutien à la réindustrialisation, exhorte surtout à poursuivre les efforts en termes de productivité et dit tout le bien qu’il pense du potentiel de la France. Autant de sujets abordés lors des Rencontres de l'Avenir qui se tiennent du 17 au 19 novembre à Saint-Raphaël.
(Crédits : Jacques Witt-Sipa.)

LA TRIBUNE - Comment se porte l'économie française ?

NICOLAS BOUZOU - L'économie française ne se porte pas si mal. Si l'on opère un retour en arrière, on constate que depuis la période Covid, les chiffres sont plutôt bons, aussi bien en termes de croissance, d'emploi que concernant l'industrie. L'œuvre de restauration de la compétitivité de la France prend du temps. La croissance devrait s'établir entre 0,5% et 1%. L'enjeu principal, c'est la productivité. On doit investir dans la productivité. Cela est indispensable, notamment si on souhaite faire en sorte que l'endettement public soit gérable.

La Banque de France porte un message plutôt positif pour la seconde partie de l'année 2024...

On observe une résistance de l'économie française. C'est la hausse des taux d'intérêts qui a secoué l'économie française. Après les attentats du 7 octobre en Israël, il n'y a pas eu de choc pétrolier. Même si on le souligne peu, les prix des matières premières baissent. Le prix du cuivre n'est pas très élevé. Le cours du lithium a beaucoup chuté. La Chine faisant face à des problèmes de croissance, elle achète moins de matières premières, cela nous profite.

Les métropoles concentrent beaucoup les attentions. Mais le sujet des territoires, de leur développement et de leur accessibilité, notamment par le train, sont des sujets sensibles...

Il est évident que les usines ne se font pas dans les grandes villes. Ce qui est évidemment une bonne chose puisque cela permet de répartir l'activité économique. Mais cela pose inévitablement la question du logement et des transports. On s'est beaucoup focalisé sur le TGV, qui relie les grandes villes. Le sujet, c'est comment on met le train dans les stratégies de développement territorial. Par exemple, sur la ligne Paris/Lyon, on constate l'augmentation du trafic et la baisse des prix. Dans les faits, la concurrence est une bonne chose, elle permet le développement de l'offre. Le maillage du réseau aérien est bien, le ferroviaire doit adopter le même modèle.

Le luxe, longtemps décrié, semble être mieux considéré en tant que filière porteuse.

La France a une particularité, celle de taper sur ce qui constitue ses points forts. Or le luxe est plutôt un secteur en pointe car il investit énormément de ressources sur la décarbonation comme sur l'économie circulaire. C'est un élément de l'excellence française en termes de soft power à l'étranger, d'innovation... Et c'est une filière qui est attentive à la sauvegarde de l'artisanat.

La réindustrialisation, fortement encouragée et pour laquelle d'importants leviers de financement ont été dédiés, est-elle une réalité ?

Nous assistons enfin à un début de réindustrialisation. La France accueille des projets de giga factory. La région des Hauts-de-France est en train de devenir la vitrine de l'industrie décarbonée en Europe. Le crédit impôt industrie verte est une excellente mesure. Quelque chose est en train de se passer en France en matière de compétitivité. Il faut cependant accélérer les process et surtout, tenir cette politique dans le temps. Il est indispensable que toutes les mesures prises en faveur de la réindustrialisation ne soient pas détricotées demain.

Le sujet de l'éducation est également prégnant, notamment concernant le niveau des élèves. Mais se pose aussi la problématique des enseignants. Comment résoudre cela ?

Cela passe par un meilleur recrutement des enseignants. Et il faut, en parallèle, mener une œuvre de revalorisation financière, tout comme non financière, de la profession. Il faut avoir une vision large. Investir dans l'éducation permet d'augmenter la croissance et fait baisser les inégalités.

Un an après l'arrivée de ChatGPT, l'intelligence artificielle alimente toujours plus les débats...

L'intelligence artificielle continue d'être perçue comme une menace et on continue d'assister à des débats autour de sa capacité à tuer le travail ou détruire l'humanité. Le véritable enjeu est comment l'utiliser pour générer des gains de productivité. Et l'autre véritable enjeu c'est celui de la souveraineté française : pourquoi ce ne sont jamais des entreprises françaises ou européennes qui sont leaders ? On a toujours le réflexe pavlovien de réguler. Or on ne peut accepter une régulation qui empêche d'innover.

Que peut-on espérer pour l'avenir de la France ?

La France est un pays cyclique, qui a toujours connu des crises et des rebonds, comme la Belle Epoque, les Trente Glorieuses... Il ne faut jamais désespérer de la France.

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Commentaires 2
à écrit le 17/11/2023 à 9:30
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Quand on sait que "la croissance" n'est qu'une fabrication de l'inutile pour la détruire par la suite c'est vivre dans un monde artificiel ! ;-)

à écrit le 16/11/2023 à 18:24
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"On doit investir dans la productivité." Ah mais ils investissent à fond dans le dumping social !

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