« La route doit être vue comme une infrastructure pour tous les modes de transports" (Dreal Sud)

Les véhicules particuliers représentent près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre des transports, secteur le plus émetteur en France. Le changement des habitudes nécessaire pour réussir à décarboner cette activité passera par une adaptation des infrastructures et des offres alternatives. C'est notamment ce qui a été évoqué lors du colloque consacré au sujet, organisé à Marseille.
(Crédits : PHILIPPE WOJAZER)

Le chiffre seul suffit à montrer l'ampleur du chantier : un tiers des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l'échelle nationale provient du secteur des transports. Soit 138 tonnes de CO2 par an, selon les données du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE). « Ce secteur est le premier émetteur en France », expose Antoine Bellot-Comte, chargé de mission territorialisation de la décarbonation des secteurs émetteurs de GES, lors du colloque consacré à la planification écologique des transports par l'Observatoire régional des transports du Sud. Devant donc l'agriculture, l'industrie ou encore l'énergie d'après les chiffres du SGPE. Dans le détail, la catégorie des « véhicules particuliers » représente à elle seule 66 Mt CO2, c'est presque la moitié la colonne transport.

Le transport de voyageurs est donc un élément clef pour atteindre les objectifs de décarbonation. Ici, ils sont fixés à 49 MtCO2 d'émission pour la partie transport terrestre en 2030, contre 77 MtCO2 en 2019. Pour réussir, l'Etat avance une planification qui s'appuie sur plusieurs leviers. « Le service express métropolitain (SERM), l'évolution des carburants ou encore le développement du covoiturage sont des pistes », liste Sébastien Forest, directeur de la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) Provence Alpes Côte d'Azur. Il précise également qu'en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, les transports représentent 4MtCO2 annuels.

Changer les comportements

Si les solutions sont multiples, ils ne peuvent pas s'appréhender de manière isolée. « La planification écologique englobe beaucoup d'enjeux imbriqués les uns aux autres », rappelle Antoine Bellot-Comte. Chaque levier identifié nécessite en effet des adaptations très larges. Le passage à des véhicules électriques, qui représente le plus d'attentes en termes de diminution des GES, induit un apport énergétique suffisant alors que la volonté de décarboner augmente les besoins dans tous les secteurs.

« Il faut réfléchir à comment la route peut apporter d'autres services, elle peut devenir un fournisseur d'énergie », pointe Jean-Paul Mizzi, directeur de campus Méditerranée de l'Université Gustave Eiffel. Des tests en ce sens ont déjà lieu sur l'A10 près de Paris. La redistribution de l'énergie dans les batteries des véhicules est également une solution.

Autre levier majeur pour réduire les GES : les changements de comportements, qui se traduisent par des objectifs sur le report modal, le covoiturage ou encore la sobriété dans les déplacements. « Les changements de comportement ont plus de poids environnementaux que le passage aux véhicules électriques, c'est le chiffre du kilomètre effectué par véhicule qu'il faut faire baisser », avance Pierre Alonso, directeur général adjoint aux mobilités de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur qui est l'autorité organisatrice des transports.

Planification SGPE transport

Un constat loin de la tendance actuelle. « Le taux de remplissage des véhicules diminue alors que la mobilité individuelle augmente », constate Jean Paul Mizzi. « L'autosolisme atteint 95% en moyenne sur toutes les pénétrantes de Marseille, c'est 10 points de plus que sur les autres villes », pointe Jean-Eric Peruchon, direction interdépartementale des routes Méditerranée. L'évolution des habitudes passera donc par des offres alternatives supplémentaires.

Penser la route comme une infrastructure multi-modale

« La route ne doit plus être vue comme un tuyau mais comme une infrastructure pour tous les modes de transports », avance Frédérique Chaze, directrice adjointe de la Dreal régionale. Le développement du covoiturage, des transports en commun ou du vélo nécessitent un travail sur l'infrastructure et son aménagement. C'est le cas par exemple avec les voies réservées aux bus, dites VRTC, à l'image de celle reliant Aix-Provence-en avec Marseille et considérée comme un succès. « Elle est sur la bande d'arrêt d'urgence donc n'impacte pas la circulation et se montre fiable en plus d'apporter un gain de temps », analyse Jean-Eric Peruchon. Fort de ce succès, d'autres VRTC sont prévues sur la métropole. Pour ce qui est de celles pour le covoiturage, c'est plus complexe car elles amputent l'une des voies de circulation. « Et l'absence de sanction est un frein », juge Jean-Eric Peruchon.

Le train et les services express régionaux métropolitains annoncés par le gouvernement suscitent beaucoup d'espoirs bien que la patience soit de mise. « Nous ne pourrons pas tout faire tout de suite, la planification se fait sur une quinzaine d'années ce qui est long », prévient Jean-Pierre Serrus, vice-président régional en charge des transports. Et le financement est aussi l'un des nerfs de la guerre. Une situation qui illustre parfaitement les SERM. « Nous participerons à la hauteur de nos moyens en investissements et fonctionnement mais ce sera en partenariat avec les métropoles », expose le vice-président. Emmanuel Macron avait évoqué une enveloppe de 700 millions d'euros pour 13 RER métropolitains. Une somme qui ressemble à une goutte d'eau puisqu'à Bordeaux c'est le montant avancé pour... trois lignes. Là encore, les chiffres montrent l'ampleur du chantier.

Lire aussiTransports publics : les deux étapes à franchir avant le déploiement des RER métropolitains

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.