Pour financer sa décarbonation, le secteur maritime compte sur la commande publique

Les nouvelles technologies capables de réduire les gaz à effet de serre dans le secteur maritime ne cessent de se développer et d’évoluer. Sauf que le passage de la phase pilote à la phase industrielle exige de définir un modèle économique. Certains acteurs du secteur placent, notamment, leurs espoirs dans les collectivités et l’Etat, voyant dans ce soutien une façon d’assurer la souveraineté nationale.

A l'heure des objectifs de décarbonation de tous les pans de l'économie, le secteur maritime n'échappe pas à ce besoin de transformation. L'organisation maritime internationale (OMI), qui réunit 175 pays, a adopté début juillet l'objectif d'atteindre la neutralité carbone « d'ici ou aux alentours de 2050 ». Une étape importante pour ce secteur qui représente 3% des émissions de gaz à effet de serre. Une pollution importante et mondiale car la quasi-totalité du commerce à travers le globe se réalise par la mer. En plus de ce commerce de tous types de marchandises, s'ajoutent les autres activités comme le transport, le tourisme, ou encore la réparation navale.

De nombreuses activités qui ont chacune des défis techniques face à la décarbonation. Les réponses commencent à prendre bien forme, bien que des verrous technologiques doivent sauter. « Jusqu'à 2035, il n'y aura pas de rupture en termes d'innovation mais une monter à échelle des pilotes actuels », prévient Carine Tramier, présidente du conseil d'orientation de la recherche et de l'innovation de la filière des industriels de la mer (Corimer). Au-delà de la R&D, l'un des nœuds bloquant de la décarbonation est son modèle économique. « Le financement est un élément essentiel pour stimuler la recherche et le développement », note Carine Tramier.

« La commande publique doit prendre le risque »

Des investissements qui doivent venir des collectivités et de l'Etat estime Timothée Moulinier, délégué R&D, innovation et numérique au sein du groupement des industries de construction et activité navales (Gican). Un moyen d'encourager l'innovation selon lui. « La commande publique doit prendre le risque, pas sous la forme d'une aide mais plutôt d'un marché », avance-t-il. L'idée est via des contrats publics de permettre de soutenir le développement des nouvelles technologies. Le représentant du Gican prend l'exemple d'un passage à l'électrique pour les navettes maritimes qui transportent des passagers dans les calanques.

Le privé demande régulièrement de l'argent public pour soutenir ses investissements, mais il y a une contrepartie défend Timothée Moulinier : favoriser le développement de filières sur les territoires. « En finançant la décarbonation on finance la souveraineté », appuie Jérôme Gueret, directeur général de Go Capital, pour défendre l'intérêt d'investissements publics. Soutenir les entreprises d'un territoire en amont permet selon lui de les ancrer sur place sur le long terme. « Une fois qu'elles ont créé leur réseau de sous-traitants et de centres de recherche, elles ne déménagent pas, même si elles sont rachetées », juge-t-il. Une position qui nécessite de réaliser des arbitrages sur les secteurs à développer. Ce qui n'est pas une mince affaire.

Gagner en visibilité

« La clef c'est de s'accorder sur un agenda commun, il faut ensuite identifier les leviers et technologies à utiliser puis regarder ce que l'on sait faire en France », expose Timothée Moulinier. Un discours qui s'accorde avec celui de Christophe Madrolle, président de la commission mer au sein de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur : « La difficulté c'est de construire une stratégie commune, il manque une dynamique de territoire ».

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Le conseiller régional ne cache pas sa frustration concernant l'éolien, dont une filière pour le offshore est en train de voir le jour en France. « Aujourd'hui, les rotors ne se construisent qu'en Asie parce que l'on a perdu du temps et le savoir-faire, je suis fatigué de perdre le combat international », souffle-t-il.

Des infrasctures sans modèle économique

Cette approche industrielle de la transition mêlant des finances publiques et privées est ce qu'à mis en place le port régional de Port-La-Nouvelle dans l'Aude (Occitanie). « Dès le choix de se tourner vers les énergies positives en 2018 il y a eu une volonté de mettre de l'industrie là-dedans », rappelle Cyril Taioni, directeur adjoint en charge de l'autorité portuaire en Occitanie. Pour y parvenir, le port passe par « montage financier ambitieux et courageux » à travers une Semidep dont le capital se partage entre la région (34%), la banque des territoires (15%) et un consortium privé (51%).

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Un socle qui a permis d'importants travaux d'aménagement mais qui ne règle cependant pas tout car les modèles économiques ne sont pas construits sur ces nouvelles installations directement liées à la transition, comme les branchements à quai à des navires par exemple. « Il nous manque une visibilité sur la volonté des armateurs », note Cyril Taioni. Les aides financières étant compliquées à appliquer compte tenu de la réglementation européenne qui peut les juger illégales.

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