Arles a son Guggenheim

À un jour d?intervalle, les 4 et 5 avril dernier, Arles s'est s'enrichi de deux fondations d?art contemporain, fruit d?un mécénat hors norme totalisant 150 M? d?investissement. Deux gestes architecturaux ?offerts? par Luc et Maja Hoffmann, héritiers des laboratoires suisses Roche. Ils réhabilitent Van Gogh mais délogent les ?Rencontres d?Arles? de leur fief historique.

À un jour d'intervalle, les 4 et 5 avril dernier, Arles s'est s'enrichi de deux fondations d'art contemporain, fruit d'un mécénat hors norme dépassant les 150 M€ d'investissement. Deux gestes architecturaux "offerts" par Luc et Maja Hoffmann, héritiers des laboratoires suisses Roche. Ils réhabilitent Van Gogh mais délogent les "Rencontres d'Arles" de leur fief historique.


Mon premier est une fondation, rendant hommage à la figure de Vincent Van Gogh, inaugurée vendredi 4 avril après trois ans de travaux. Un projet à 11 M€ porté par Luc Hoffmann, 90 ans, héritier du laboratoire pharmaceutique Roche (36,4 Md€ de CA en 2012), ornithologue et spécialiste des mouettes qui pendant vingt ans a englouti des millions pour sauver la Camargue avant de se porter au chevet de l'art. Mon second est Maja Hoffmann, qui dans les pas de son père, va investir plus de 150 M€ dans une fondation baptisée Luma : un immense complexe culturel tourné vers l'image et l'art contemporain "entre le centre Pompidou et le parc de la Villette", dominé par une tour de 56 m dessinée par l'architecte américain Franck Gehry (l'auteur du Guggenheim de Bilbao et de la fondation LVMH, en cours de construction à Paris). Le cadeau est inestimable pour cette ville de 54 000 habitants qui affiche un taux de chômage de 15 %. Le maire PC Hervé Shiavetti ne cache pas sa joie à l'idée d'inaugurer, à deux jours d'intervalle les 4 et 5 avril, deux fondations d'art contemporain en mesure de donner un nouvel élan à cette ville déjà réputée pour ses rencontres photographiques. "Je suis sur un nuage", a-t-il confié à la presse.

Préférence aux entreprises régionales

Le chantier de la Fondation Van Gogh, un bâtiment du XVe siècle réhabilité par l'agence d'architectes FLUOR, a employé sur trois ans 250 salariés et 11 entreprises majoritairement régionales. Une manne providentielle pour la ville et ses administrés. Conjuguant, sur 2 niveaux et 1 000 m2 d'exposition, ce lieu veut renouer avec Van Gogh à travers des expositions qui seront présentées sur 1 000 m2. Hier grand mécène environnemental, Luc Hoffmann, le fondateur de la station Biologique de la Tour du Valat qui possède 3 000 ha en zones humides, réhabilite donc le "maître de la couleur", qui ne bénéficiait pas de lieu dédié en Arles. "Van Gogh a subi en Arles un peu le même sort que les zones humides : complètement oubliées pendant longtemps, on leur reconnaît désormais un rôle fondamental dans le fonctionnement de la nature", confie-t-il, après avoir porté ce projet de Fondation pendant vingt ans, avec Yolande Clergue.

Un prêt dont le coût ne sera pas dévoilé

Le peintre néerlandais qui a peint 32 toiles in situ entre 1888 et 1889, sera exposé sur 1 000 m2, grâce aux prêts du musée Van Gogh d'Amsterdam, qui conserve plus de 220 tableaux et 500 dessins du maître. "Nous avons signé un contrat sur trois ans, confie Luc Hoffmann. Huit Van Gogh (avec des Pissaro, Gauguin, Courbet, NDLR) sont prêtés pour l'exposition inaugurale 'Van Gogh in live !' (que l'on peut admirer jusqu'au 31 août, NDLR). En 2015, nous bénéficierons d'un prêt plus important, puis à nouveau d'un prêt plus petit en 2016. Après, nous n'avons conclu aucun arrangement... Mais on a le temps", conclut le généreux mécène, qui refuse de dévoiler le coût de cet échange.

Les rencontres photographiques sacrifiées ?

Mais alors que la réhabilitation de Van Gogh en Arles est saluée unanimement, le projet de la fondation Luma fait grincer les dents. Notamment la question de son emplacement dans les anciens ateliers de la SNCF, fief historique du festival des "Rencontres photographiques d'Arles", manifestation culturelle phare du grand Sud, qui a promu son image dans ces friches en y déployant la plupart de ses expositions. L'idée de cette construction était publique depuis six ans. Elle a pris un tournant décisif en décembre dernier, où 6 ha ont été vendus par l'agence régionale d'équipement et d'aménagement à la fondation privée Luma. Maja Hoffmann, généreuse mécène, sponsor historique du festival, aura donc sa fondation. Mais au prix de quel sacrifice ? Et quel avenir pour les Rencontres ? Franck Hébel, directeur du festival pendant 12 ans, jetait l'éponge en novembre dernier, démissionnant avec pertes et fracas. Il assurera toutefois la direction de la prochaine édition, en 2014. En 2013 pour son 43e anniversaire, les Rencontres d'Arles accueillaient 100 000 visiteurs (un record), absorbant 5 % du chômage local.

Idelette Fritsch

Photo : L'architecte du Guggenheim de Bilbao et de la fondation LVMH, en cours de construction à Paris, Franck Gehry est l'auteur de la tour de 56 m, pièce maîtresse de la Fondation Luma.

En savoir plus dans notre magazine en kiosque le 11 avril



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