Spécialiste de la valorisation des co-produits, Oléoinnov prépare son passage à échelle industrielle (et une levée de fonds)

Son métier : valoriser des co-produits agricoles grâce aux biotechnologies, et plus spécifiquement grâce à des champignons. Un savoir-faire que cette entreprise basée à Marseille met à profit d'autres via une activité de bureau d'étude, mais qui lui permet également de proposer ses propres produits, à savoir des molécules d'intérêt pour différents secteurs d'activité, ainsi qu'un procédé de blanchiment textile moins nocif pour la santé et l'environnement. Reste à se doter de l'outil de production qui lui permettra de répondre à la demande. Une levée de fonds est en cours.
(Crédits : DR)

Réputée pour sa teneur en omégas 3, 6 et 9 ainsi qu'en vitamine E, l'huile de colza s'obtient au terme d'un procédé de trituration des graines de colza, une opération de broyage par friction mêlant frottement et forte pression. En résulte un déchet, un résidu sec et dur : le tourteau. Un coproduit souvent utilisé dans l'alimentation animale mais pas toujours bien digéré par certaines espèces en raison d'une trop forte concentration de lignocellulose, des fibres peu digestes. Jusqu'à ce que les trois fondateurs d'Oleoinnov décident d'y remédier.

Pour cela, ils utilisent des champignons filamenteux, « ce sont des filaments microscopiques que l'on trouve dans le sol », explique Elise Odinot, directrice générale et cofondatrice de l'entreprise. Ces champignons, très gourmands de lignocellulose, dégradent le tourteau de colza et parviennent ainsi à le rendre plus digeste. Mais ce qui retient surtout l'attention des fondateurs de l'entreprise, c'est la capacité de ces champignons à générer, au moment de la dégradation du tourteau, des molécules biosourcées à forte valeur ajoutée, susceptibles d'intéresser des industriels. Oléoinnov est créée en 2019.

Blanchiment textile

Parmi ses cibles, l'industrie textile. « Nous disposons d'une souche de champignon qui produit un biocatalyseur permettant de blanchir du textile », et en particulier les jeans. Offrant ainsi une solution plus respectueuse de la santé et de l'environnement que les pratiques - majoritaires -fondées sur l'utilisation de javel et très consommatrices d'eau.

« Dans le monde, on utilise 3,8 milliards de mètres cubes d'eau pour traiter les jeans, et 160 millions de mètres cubes de javel », avec, dans les pays producteurs, beaucoup de rejets d'effluents non traités dans les sols et les rivières. « Il y a aussi un risque sanitaire important pour les travailleurs des usines de fabrication et pour les vendeurs qui reçoivent des colis encore imprégnés de javel ».

Avec la solution d'Oleoinnov, le risque sanitaire est bien moindre. Et ce n'est pas son seul atout. « On travaille à réduire notre consommation d'eau. Sur un seul cycle de blanchiment, le gain n'est pas très important, autour de 5 %. Mais nous faisons de premiers essais pour récupérer l'eau utilisée pour traiter d'autres jeans. Ce qui permettrait de vraies économies sur plusieurs cycles ». Quant à la consommation d'électricité, elle est aussi moindre. « Un traitement à la javel nécessite une eau à 60°C. Nous, c'est 30°C ».

Une technologie qui a déjà fait ses preuves chez un fabricant français de jeans, en Occitanie. « Nous avons fait la preuve de concept et nous essayons d'industrialiser cette solution chez eux ». Une façon de montrer le potentiel du procédé avant, peut-être, de le sous-licencier à des vendeurs d'enzymes. « Cela nous permettrait d'accroître nos capacités de production et d'étendre notre champ de perspectives ».

Des molécules aux propriétés antioxydantes

Et les vertus du tourteau de colza que révèle l'usage de champignons filamenteux ne s'arrête pas au blanchiment de jeans. « Nous avons un second procédé qui nous permet de produire des molécules chimiques biosourcées ». Plus précisément du canolol et de l'acide sinapique, des molécules aux propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires et potentiellement anticancéreuses. « Nous travaillons pour le moment surtout sur leur utilisation en cosmétique. Mais il existe aussi un intérêt pour la nutraceutique, la santé, et la chimie verte », notamment dans la fabrication de bioplastiques. « Nous sommes en contact avec certaines entreprises cosmétiques. Nous en cherchons d'autres qui voudraient les tester ».

Lauréate du prestigieux concours d'innovation i-Lab, l'entreprise a pu réaliser une montée en échelle de sa production de molécules et ainsi réduire ses coûts de production afin d'être plus compétitive face à ses concurrents.

Mais pour répondre à des demandes plus significatives, l'entreprise va devoir se doter de nouvelles capacités de production.

« Nous prévoyons de construire une unité de production pilote afin de pouvoir fournir des échantillons de taille importante, c'est-à-dire de plus de 300 grammes », contre environ 100g annuels aujourd'hui depuis les laboratoires que met à sa disposition l'Inrae.

Un outil de production qui a vocation à rester en région Sud - là où l'entreprise a étoffé son réseau, notamment dans le monde de la recherche -, et qui nécessitera une levée de fonds de 1,5 million d'euros. « Nous avons déjà établi des contacts. Nous voulons réunir des fonds qui soient plutôt régionaux ».

Des perspectives qui devraient permettre à l'entreprise - composée à ce jour de quatre personnes - d'atteindre une autre dimension au fil des prochains mois, passant, elle l'espère, d'un chiffre d'affaire de 4.700 euros à 250.000 euros en 2023.

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