Rafael José Argüello, figure montante de l’immunologie à Marseille

Né à Buenos Aires, ce chercheur rejoint Marseille en 2013, attiré par la réputation de l’écosystème local en matière de recherche. Désormais chargé de recherche au Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy (CIML), il vient de s’illustrer par la mise au point d’une technique baptisée SCENITH qui pourrait aider à personnaliser les thérapies anticancéreuses pour les rendre plus efficaces.
(Crédits : DR)

Il occupe un étroit bureau du Centre d'immunologie de Marseille-Luminy. Protégée du soleil par des rideaux jaunes, la pièce est habitée par un amoncellement de documents en tout genre. Des photos, un calendrier généreusement raturé au stylo rouge et une vaste collection de livres. Parmi eux, un épais pavé bleu posé sur le bureau semble prendre une importance majeure pour son propriétaire, « Bioquímica » en est l'intitulé. Juste à côté, une carte de visite fraîchement posée indique le nom d'une entreprise voisine : HalioDX, spécialiste des tests diagnostiques en immunothérapies. « Nous avons eu des discussions avec eux. On commence aussi à collaborer avec le CRCM et l'Institut anti-cancer Paoli Calmettes ».

Si ces acteurs s'intéressent de près au chercheur, c'est parce qu'il vient de publier dans la prestigieuse revue Cell Metabolism un article mettant au jour un procédé porteur d'espoirs dans le domaine des immunothérapies. Publication qui couronne des années de recherche et de travail d'équipe.

Un terreau familial irrigué par les sciences

Après une enfance en Patagonie dans « un village très près de la nature », Rafael José Argüello s'oriente vers des études en sciences. Un choix assez naturel tant le terreau familial est irrigué par cette discipline. « Ma mère est pédiatre et on a eu plusieurs scientifiques dans la famille », dit-il. Parmi eux, une grand-mère qui lui transmet sa curiosité pour la nature, mais aussi le prix Nobel de physiologie de 1947 Bernardo Alberto Houssay. « C'était l'oncle et parrain de ma grand mèr e».

A seize ans, Rafael Argüello choisit de présenter à sa classe une monographie sur la synthèse de protéines. Le sujet le fascine. Il veut en savoir plus mais les livres ne suffisent pas à assouvir sa soif de connaissance. Deux ans plus tard, il rejoint la faculté de sciences de Buenos Aires où il étudie la biologie moléculaire. Sa passion pour le fonctionnement des cellules s'aiguise. Au cours de sa thèse, il découvre un biomarqueur qui permet d'identifier plus rapidement la présence d'une maladie tropicale de Chagas sur des patients traités. Désormais, deux à trois mois suffisent pour savoir si le traitement a été efficace, contre quatre ans auparavant. La découverte donne lieu à trois publications et à de nombreuses citations.

Fort de ces premiers pas prometteurs, le jeune chercheur a envie « d'une expérience riche au niveau scientifique mais aussi culturel ». Souhait qu'il espère exaucer en rejoignant Marseille. « La France m'attirait pour sa culture : sa langue, la diversité de sa population, sa nourriture, ses paysages, ses sciences ». Nous sommes en 2013 et le CIML a déjà une visibilité mondiale. « Quand je faisais des recherches bibliographiques, je trouvais souvent des publications de chercheurs de ce centre de recherche ». Il y obtient une place en post-doc et se rappelle précisément du jour de son arrivée.

Un environnement propice à la recherche, connecté à l'international

« C'était le 17 mars 2013 à 22 heures. Un chercheur du CIML m'attendait à la gare pour m'accueillir. Depuis, c'est devenu un de mes meilleurs potes ». Cette hospitalité le séduit. Il sait combien la recherche peut être un chemin de croix. « Il y a souvent des manipulations qui ne marchent pas. On peut avoir tendance à se disperser. Ce n'est pas toujours facile de garder le moral et la confiance en soi. D'où l'importance d'appartenir à une équipe où l'on se soutient et où on échange. Quand une manipulation est ratée, c'est bien d'avoir quelqu'un qui vous montre qu'il y a quand même de bonnes choses à en tirer ». Entouré par une équipe tant soudée qu'interdisciplinaire, il étoffe son savoir scientifique et expérimental.

Au cours de son post-doc, il s'intéresse à la synthèse des protéines dans les cellules dendritiques, ces cellules qui constituent le premier maillon de la chaîne de la réponse immunitaire. En parallèle, il entretient des relations avec deux doctorants du laboratoire de Jim Allison, prix Nobel de médecine 2018 pour ses travaux sur l'immunothérapie. Ils sont venus rendre visite au CIML puis Rafael Argüello les a rejoints quatre mois durant grâce à une bourse de mobilité du Cancéropole PACA. Ensemble, ils commencent à penser à la synthèse de protéines comme un indicateur de l'état métabolique des cellules.

Rendre visible l'activité métabolique des cellules

« En fait, la synthèse des protéines est une activité très énergivore pour les cellules. On a découvert que si on coupe les sources d'énergie, la synthèse de protéines s'arrête instantanément. Il est donc facile de savoir comment les ressources agissent sur tel ou tel type de cellule, tumorale ou non ».

Pour observer ce phénomène, le chercheur s'appuie sur une technique existante déjà présente dans les hôpitaux pour d'autres usages : la cytométrie des flux.

Il s'agit d'une imposante machine qui permet de faire défiler une à une les cellules. Celles-ci revêtent différentes couleurs en fonction des protéines présentes. « On peut ainsi mesurer la synthèse des protéines dans chacune ». Et ainsi mieux comprendre les interactions à l'œuvre. Par exemple, si en stoppant la source d'énergie certaines cellules continuent de produire des protéines, cela signifie qu'elles continuent de se nourrir, probablement au détriment d'autres cellules. « Cela peut nous aider à comprendre ce que consomment les tumeurs. On peut aussi identifier les cellules qui les aident et celles qui les tuent ». L'enjeu est ainsi de mieux cerner le profil immunitaire d'un patient pour définir quel traitement aura le plus d'effet sur lui. Un enjeu majeur tant il existe une multiplicité de traitements à l'efficacité très variable selon les malades.

Et le cancer n'est pas le seul domaine d'application. « Des personnes viennent me voir pour étudier l'impact du vieillissement sur les maladies infectieuses, ou encore pour mesure l'effet d'une diète ou de l'exercice physique sur le métabolisme des cellules ». Des sujets qui ne sont néanmoins pas la priorité du chercheur pour l'instant.

Optimiser l'efficacité des immunothérapies

« Dans un premier temps, nous allons travailler avec une équipe toulousaine sur des patients atteints de leucémie myeloïde aiguë dont certains ne répondent pas à la chimiothérapie. Nous allons tester des profils métaboliques et voir comment prédire l'efficacité du traitement ». Il imagine aussi d'importants progrès en immunothérapies, ces thérapies qui consistent à s'appuyer sur les défenses immunitaires pour combattre les tumeurs. « Ces thérapies sont révolutionnaires mais ne répondent que dans un cas sur trois ». Un outil prédictif pourrait faire augmenter ce taux de réussite.

Pour apporter ces progrès aux malades, Rafael José Argüello souhaite obtenir de nouveaux financements et agrandir son équipe. « Nous ne sommes que trois. Nous avons avec des projets et des idées mais nous manquons de mains ». Il est aussi question de multiplier les collaborations avec des acteurs publics et privés pour disposer de plus de données et avancer sur le chemin des thérapies personnalisées.

Il aimerait aussi voyager. Cela lui a toujours beaucoup plu d'un point de vue personnel et il sait combien la science se construit dans la collaboration internationale.

En parallèle, il poursuit son engagement de longue date au sein de l'association Expedición Ciencia. « Il s'agit de campements scientifiques pour des jeunes de 14 à 17 ans. J'y participe chaque année en Patagonie. On fait beaucoup d'activités pour dévoiler ce qu'est la pensée scientifique et développer l'esprit critique ». Car si la science est synonyme d'espoirs pour les malades, elle est aussi porteuse de valeurs et d'une certaine forme d'universalisme dont il veut être un ambassadeur.

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