Otrera, la startup provençale du nucléaire qui s'attaque aux SMR

La startup installée au sein du Technopole de l'Arbois travaille sur un petit réacteur nucléaire modulaire de quatrième génération capable de s'adapter aussi bien aux besoins des industriels que des agglomérations. Elle vise une levée de fonds de 3 millions d'euros.
(Crédits : DR)

Entre l'objectif de réindustrialisation d'un côté et les ambitions de décarbonation de l'économie de l'autre, l'enjeu énergétique se trouve à la croisée de ces deux grands desseins. Et forcément les besoins sont immenses. Pour y répondre, la France a fait le choix du nucléaire, une énergie qui est l'objet de controverse en raison de ses risques mais qui entre bien dans la case « décarbonée ». Reste maintenant à réussir à mettre en pratique sa production, qui ne réduira pas aux grandes centrales utilisées jusqu'à présent. Au contraire, ce sont des petits réacteurs appelés SMR - acronyme de small modular reactor - qui ont le vent en poupe. Dans nos colonnes, le consultant spécialisé dans les nouvelles technologies Xavier Dalloz y voit une technologie avec « le potentiel de révolutionner l'industrie de l'énergie nucléaire » et donc par conséquent un marché qui « devrait connaître une croissance significative dans les années à venir ».

Un secteur sur lequel Otrera, startup née en janvier et qui intègre le technopole de l'Arbois à Aix-en-Provence, compte bien se faire une place. A sa tête Nicole Fortunet, Philippe Pradel et Frédéric Varaine, physicien des réacteurs du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et chef sur les quatre dernières années du projet de supergénérateur Asrid abandonné en 2019. « Nous reprenons cette technologie » issue du programme phare de la R&D du nucléaire français explique ce dernier.

« Une vraie rupture architecturale »

Cette technologie est celle dite de 4e génération, c'est-à-dire qu'elle n'utilise pas d'eau bouillante ou pressurisée comme c'est le cas pour la 3e génération mais du gaz haute température ou pour ce qui concerne Otrera des neutrons rapides refroidis. Une caractéristique qui fait de la jeune pousse non pas une startup de SMR - dont la technologie est de troisième génération - mais... D'AMR (réacteur modulaire avancé). Ce qui agace Frédéric Varaine. « Je ne souscris pas à cette appellation personnellement, elle existe pour différencier les technologies et ne pas se marcher les uns sur les autres mais cela complexifie la lecture », regrette-t-il.

Malgré une sémantique peu avantageuse selon Otrera, la société de six personnes doit tout même améliorer cette technologie. « Notre travail c'est de lutter contre ses faiblesses qui sont le coût économique, la réaction du sodium avec l'air et la fiabilité industrielle de sa production », présente Frédéric Varaine. Pour y répondre, la jeune entreprise a « simplifié le système en adaptant le cahier des charges de ces réacteurs conçus dans le début des années 60 ». Cela se traduit par l'utilisation de combustibles MOX - de l'uranium appauvri et du plutonium - qui à l'avantage de disposer « d'une chaîne industrielle en France », un échangeur sodium gaz à la place du générateur de vapeur et une petite enceinte pour encapsuler le réacteur afin d'éviter la réaction avec l'air. Une recette à laquelle s'applique « une vraie rupture architecturale » que Frédéric Varaine décrit ainsi : « C'est comme prendre un Lego et réarranger les briques différemment ». Ce qui permet d'adapter la puissance. « Si vous voulez 300 MW au lieu de 100 MW, ce seront les mêmes briques mais elles seront plus nombreuses », expose le dirigeant.

Des financement difficiles à trouver

Côté puissance justement, un réacteur peut subvenir aux besoins d'une ville de 500.000 habitants. Otrera vise comme potentiels clients des industriels « qui ont besoin de se décarboner » ou des agglomérations. La capacité adaptative du produit permet de s'adapter aux besoins plus ou moins importants et donc à cette différente typologie de clients. Une feuille de route bien définie mais qui nécessite encore du développement. « Nous devons faire monter à maturité technologie certaines briques », prévient Frédéric Varaine qui vise un premier de série en 2032.

D'ici là, Otrera va devoir trouver des financements, ce qui n'est pour l'instant pas chose aisée dans le monde des SMR et AMR. « Un réacteur coûte entre 500 millions et un milliard d'euros avec un retour investissement long », expose Frédéric Varaine conscient que « les modèles de financement sont rares en France ». C'est d'ailleurs l'un des enjeux actuels d'Otrera, qui souhaite lever 3 millions d'euros. Elle a été lauréate du dispositif « réacteurs nucléaires innovants » de France 2030, ce qui pourrait l'aider. Mais le défi énergétique semble bel et bien s'accompagner d'un enjeu de financement.

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