ETS Rigotti transforme les roseaux varois en anches d’instruments de musiques… et en pailles

Installée à Cogolin, cette PME créée en 1966 transforme des roseaux varois en anches d’instruments à vent. Un marché concurrentiel qui l’a conduite à automatiser sa production… sans en négliger la qualité. Qualité couronnée d’un label Entreprise du patrimoine vivant. Mais pour diversifier ses débouchés et maximiser l’utilisation des roseaux qu’elle produit, elle s’ouvre à d’autres productions : du cendrier de poche à la paille pour boisson.
(Crédits : DR)

C'est un petit détail qui fait toute la différence. L'instrument peut être exceptionnel. Le musicien des plus talentueux. Mais pour que la magie opère, il faut une anche de qualité.

La anche, c'est cette languette de bois, de métal ou de roseau dont les vibrations sont à l'origine de sons dans certains instruments à vent tels que le saxophone ou le hautbois. La anche, c'est aussi le cœur de métier de l'entreprise varoise ETS Rigotti.

Un métier exigeant. « Car la fabrication de anches est très aléatoire. On les achète par boite de dix et le plus souvent, seules quelques uns conviennent au musicien », explique Daniel Rigotti, le patron de l'entreprise. « Pour les fabriquer, on transforme des cannes de roseaux que l'on trie en fonction de leur calibre. Chaque calibre correspond à un certain type d'instrument ». L'entreprise - labellisée du patrimoine vivant (EPV) - s'intéresse à quatre instruments : le saxophone, le hautbois, la clarinette et le basson. Selon l'instrument et le type de sonorités visées (plutôt jazz ou classique), le travail du roseau n'est pas le même.

Ce travail, une vingtaine de salariés s'y attellent, assistés de machines. Ils parviennent ainsi à produire une moyenne de 5000 anches par jour. « On est un peu dans une course à la vitesse. Autrefois, mon père n'en fabriquait que 200 et il gagnait plus d'argent ».

Une histoire dont les premières lignes s'écrivent en Italie

Le père de Daniel Rigotti a appris le métier en Italie. A Trento. « Il travaillait dans une entreprise qui fabriquait des accessoires pour instruments à vent, dont des anches ». Anches produites, déjà, à partir de roseaux varois. « L'entreprise de mon père fabriquait aussi des rouleaux de canisses pour fait les faux plafonds dans de grandes villes comme Nice ou Paris. Cela ne se fait plus aujourd'hui ».

Un jour, en 1965, le patron italien décide d'installer un atelier dans le Var pour être au plus près de sa source approvisionnements. Le père de Daniel Rigotti suit le mouvement. Rejoignant la France avec son épouse, elle aussi italienne. Quelques années plus tard, le patron décide de cesser son activité. Et c'est le père de Daniel Rigotti qui rachète l'entreprise.

Maîtriser la production de roseaux

« A cette époque, la production était beaucoup plus manuelle. On travaillait sur de petites séries ». Pour mieux maîtriser sa chaîne de production, le père fait le choix d'investir dans ses premières plantations de roseaux. Un hectare. Deux hectares. Jusqu'à trente aujourd'hui, gérés par un entreprise agricole créée en parallèle. Une décision stratégique puisque « la qualité d'une anche dépend énormément de la matière première ». D'autant que cette matière première exigence beaucoup de soins et de patience. « Il faut bien respecter les périodes de coupe ». Coupes qui se déroulent au bout de deux ans, l'hiver. « Ensuite il faut bien les faire sécher au soleil, pendant au moins un an ». Ce n'est qu'ensuite que l'on peut les transformer en anches.

L'entreprise agricole n'utilisant aucun produit phytosanitaire, elle prévoit faire labelliser ses cultures en agriculture biologique. Mais depuis quelques années, les gels tardifs préoccupent Daniel Rigotti. « Les cannes meurent sur pied au bout d'un an alors qu'il en faut deux pour les récolter. Sur les dernières années, nous avons perdu 30 à 40 % de rendements par an ».

Une fois les cannes cueillies, séchées et transformées, elles sont vendues aux quatre coins du globe. « Les États-Unis sont nos plus gros clients. Puis il y a la Chine, le Japon, la Corée, la Grèce, la Turquie, le Canada ... En Europe, nous avons l'Italie, l'Allemagne ... » Mais assez peu la France.

Automatisation et qualité

Face à ETS Rigotti, les concurrents sont parfois imposants. « Le plus gros fabricant est français. Il produit 120.000 anches par jour ». Le marché compte aussi des productions bon marché venus d'Argentine ou de Chine. Pour s'adapter, l'entreprise a dû mécaniser son activité. Mais la qualité est aussi un argument différenciant. Par le soin apporté à la matière première. Mais aussi par la présence régulière d'un musicien qui s'attelle à tester les anches au sein des ateliers. Le Label EPV est aussi un gage de crédibilité, mais de l'avis de Daniel Rigotti, « les musiciens ne regardent pas trop cela. Ce qui leur importe c'est d'avoir une anche qui leur permette de bien jouer ».

Un peu à l'étroit, la PME vient de se doter d'un nouveau bâtiment de 1.200 m² doté d'un grenier de stockage de 200m². Elle planche aussi sur une diversification des débouchés de ses cannes de roseaux.

Pailles varoises

La fabrication de roseaux ne mobilisant qu'une partie des roseaux, l'entreprise travaille à la valorisation des morceaux qu'il en reste. Et ce, au-delà de la seule fabrication de compost. « Nous confectionnons des cendriers de poche et depuis deux ans, des pailles pour boisson en roseau. Elles sont très jolies. On peut les graver. Elles sont réutilisables, lavables au lave-vaisselle et agréables en bouche. C'est un peu comme les pailles en bambou, sauf qu'elles ne viennent pas de Chine ». Parmi les clients : des magasins, des bars et restaurants. Sur les îles du Frioul ou encore de Porquerolles. « On nous en demande aussi pour des mariages, des cadeaux d'entreprises ». Mais le développement de l'activité demeure limité.

« Le potentiel est là. Mais nous manquons de temps pour nous occuper de la communication. Cette activité ne nous fait pas vivre. Nous le faisons parce que c'est un challenge qui permet d'éliminer du plastique dans pas mal de domaines avec un produit 100 % naturel. Ce serait dommage de ne pas valoriser cela ». Des échanges ont eu lieu avec la Chambre de commerce et d'industrie pour trouver des débouchés à ce projet. Et apporter des sonorités toutes varoises à nos cocktails.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.