La stratégie de Distilleries et Domaines de Provence pour exporter son terroir

Née en 1898 à Forcalquier, cette distillerie défend une production artisanale qui valorise une large palette d’essences de son territoire. Un ancrage qui ne l’empêche pas de réaliser la moitié de ses ventes à l’export. Ce qui nécessite d’être à l’afflux des habitudes de consommation et des réglementations très hétérogènes. Et de s’adapter aux grandes transformations du monde. Qu’elles soient sanitaires, géopolitiques ou économique.
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De longues heures d'ensoleillement couplées au souffle frais des Alpes. Propres au territoire de Forcalquier, ces caractéristiques météorologiques font pousser, de l'avis d'Alain Robert, dirigeant des Distilleries et domaines de Provence, « des végétaux aux caractéristiques aromatiques remarquables ».

Au Moyen-âge, on utilise le terme de « simples » pour parler de ces plantes aux vertus tant gustatives que médicinales. « Jusqu'au 18e siècle, des colporteurs partaient avec leurs ballots d'herbes qu'ils vendaient partout où ils le pouvaient, jusqu'à Constantinople ». Puis apparaissent les premiers alambics. « Les marchands d'Aix-en-Provence et Marseille en vendaient aux bergers qui ramassaient les herbes ici. Ils se sont alors mis à distiller ces herbes, car il est plus facile de colporter des distillats que de l'herbe ». Puis usages médicinaux et récréatifs se distinguent, donnant lieu au renforcement et à l'industrialisation de savoir-faire ancestraux. C'est de cette lignée que naît Distilleries et domaines de Provence, en 1898.

Absinthe et pastis : produits phares à l'export

Au départ centrée sur le marché local, l'entreprise s'ouvre progressivement au monde. Les pays proches d'abord. Puis un peu plus loin, sous l'impulsion d'Alain Robert qui y entre en 1974 comme responsable de l'export.

Parmi la gamme de boissons de la PME, il en est une qui fait particulièrement saliver au-delà des frontières. Une absinthe baptisée Absente, déclinée en plusieurs recettes en fonction des réglementations de chaque pays.

Longtemps victime de la prohibition avant d'être rétablie, l' « absinthe conserve une image  sulfureuse qui plaît beaucoup dans certains pays ». A l'image des États-Unis où l'entreprise dispose d'un filiale et réalise un tiers de ses ventes à l'étranger.

Distilleries et domaines de Provence est également connue pour son pastis -Henri Bardouin- qui s'exporte dans les pays où l'absinthe est moins plébiscitée : « les pays francophones tels que la Belgique, la Suisse, le Luxembourg. Mais aussi des pays où on trouve beaucoup de Français comme l'Espagne ou l'Allemagne ».

Covid et invasion de l'Ukraine : des effets contraires

Se positionnant sur un marché plutôt haut-de-gamme, la PME d'une quarantaine de salariés fait le choix d'écouler la majorité de ses bouteilles chez des cavistes pour ce qui est du marché national. S'y ajoute une part restreinte de bars et restaurants.

A l'export, elle mise beaucoup sur le tourisme et la vente aux voyageurs dans les aéroports, gares et zones libres de taxes. Une stratégie qui souffre évidemment de l'épidémie de covid-19 et de la baisse drastique du tourisme international. Mais que contrebalance le regain de la consommation à domicile  - l'entreprise privilégiant la vente à emporter plutôt que dans les bars, de même que l'accroissement du tourisme local en Provence lors de l'été 2020. « Cet été a été une grosse surprise ». Jusqu'à encourager l'agrandissement de la boutique d'atelier, à Forcalquier.

Depuis, l'humanité ayant peu ou prou appris à vivre avec l'épidémie, les habitudes de consommation antérieures au covid-19 semblent redevenir la norme. De sorte que la PME retrouve peu à peu ses marques.

Mais c'est à un autre désordre mondial qu'il faut désormais faire face : l'invasion de l'Ukraine par la Russie et les diverses sanctions infligées à cette dernière. « La région de la Russie était un marché assez important pour l'absinthe, que ce soit à travers le marché domestique ou les duty free ».

La PME peut néanmoins compter sur un mouvement inverse. « Les pays du Golfe sont très dynamiques. Dans les duty free, on y réalise des ventes supérieures à 2019 grâce à la hausse du nombre de voyageurs aériens. Nous sommes bien placés auprès d'un distributeur qui dessert ces pays ainsi que l'Inde ». Un pays offrant, de par sa démographie et son intérêt croissant pour des boissons telles que l'absinthe, un immense potentiel.

Perspectives asiatiques et nord-européennes

Du potentiel, Alain Robert en voit aussi sur le reste du continent asiatique. « Nous sommes très bien implantés au Japon et dans une moindre mesure en Corée. Nous pourrions accélérer sur la Thaïlande, le Vietnam, la Malaisie où le Cambodge ».

Une stratégie de renforcement des points faibles qui vaut aussi pour l'Europe. « Nous sommes bien placés dans les pays proches de la France mais nous pouvons nous améliorer en Scandinavie. En Norvège, nous réalisons des scores magnifiques, avec 130 000 à 140 000 euros de chiffre d'affaire annuel pour un marché de 4 millions d'habitants ». Un résultat qu'Alain Robert explique par la présence d'un agent « bien introduit » ainsi que par le choix de commercialiser des bouteilles de 10 cl d'absinthe, rendant ce produit plus accessible dans un pays où l'alcool coûte cher. « Il n'y a aucune raison que nous ne fassions pas aussi bien en Suède, en Finlande et au Danemark ! »

Susciter et suivre la demande

Et si l'absinthe et le pastis demeurent les produits phares de l'entreprise à l'international, elle  subodore un potentiel autour de produits encore très locaux susceptibles d'intégrer des cocktails. « Il y a une mode des cocktails qui a démarré en Angleterre et arrive dans d'autres capitales ». Son Rinquiquin, un apéritif à base de vin aux effluves de pêche, a d'ailleurs été incorporé à la recette gagnante d'un concours de cocktails en Angleterre. Alain Robert remarque par ailleurs une mode en faveur des spiritueux artisanaux, qui profite tout autant à l'entreprise que son identité provençale, internationalement attrayante.

Mais donner l'eau à la bouche ne fait pas tout. Il faut être en mesure de produire suffisamment. La nouvelle distillerie installée en 2017 commence à atteindre les limites de ses capacités de production. « Nous allons devoir l'agrandir avec l'installation de nouvelles cuves ». Il faudra aussi faire face aux pénuries qui se cumulent. Inox. Verre. « Nous n'avons plus de bouteilles pour  nos gins ». Plusieurs pistes de solutions sont à l'étude autour du recyclage éventuellement. Afin de ne pas laisser les consommateurs du monde sur leur soif.

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