Ekumen, la marketplace qui offre des débouchés export aux producteurs et artisans d’Outre-mer

Installée à Marseille, cette entreprise a conçu une place de marché numérique mettant en lumière de petits agriculteurs et artisans ultramarins qui proposent leurs produits en vente directe. Une manière de lutter contre l’enclavement qu’ils subissent.
(Crédits : DR)

De l'Outre-mer, on ne retient bien souvent que les décors de carte postale, l'océan azur, le sable blanc, les reliefs pittoresques, les cascades, les plantes tropicales... Ce que l'on connaît moins, c'est le travail passionné de ceux qui en cultivent les terres, les fruits de leur récole, et le savoir-faire des artisans locaux.

Jean-Pascal Schaeffer a vécu une vingtaine d'années entre la Réunion et la Nouvelle Calédonie. Il a aussi visité la Guadeloupe, la Martinique, Mayotte, ou encore la Guyane. Là-bas, il découvre des produits exceptionnels. « Connaissez-vous la différence entre curcuma médicinal et curcuma alimentaire ? », interroge ce passionné. « Hé bien, ce que l'on trouve dans les magasins bio sous forme de doigts, c'est le curcuma alimentaire. Mais ces doigts proviennent d'une racine-mère qui offre quant à elle du curcuma médicinal à la couleur plus vive, plus concentré en curcumine ». Avec notamment des vertus contre certaines maladies inflammatoires telles que l'arthrose.

Lorsqu'il veut, depuis la Métropole, acheter ce curcuma-mère, il se rend sur le site d'un producteur local. « Il fallait envoyer un chèque. C'était vraiment le retour à l'âge de pierre », s'amuse-t-il. Naît alors l'idée de fluidifier les échanges entre la Métropole et ces producteurs ultramarins trop souvent enclavés.

Des territoires enclavés

« Ils ont assez peu de débouchés. Leurs clients sont les touristes et les locaux. Ils font très peu d'export ». Les pays voisins ont en effet des niveaux de vie trop modestes pour s'approvisionner auprès d'eux. Tandis que l'envoi de produits vers la Métropole est jalonné d'obstacles. « Pour faire voyager un produit de la Métropole à l'outre-mer, il faut compter une quinzaine de jour en bateau. Dans le sens inverse, c'est 43 jours. Les territoires d'outre-mer étaient initialement des territoires d'export. Ce sont devenus des territoires d'import ». De telle manière que l'on a tendance à privilégier des produits dits tropicaux issus de pays étrangers. « Certains distributeurs préfèrent proposer des avocats d'Espagne ou d'Italie car ils n'ont pas voyagé par avion. Mais ils sont parfois produits dans des conditions proches de l'esclavage. Alors que dans les territoires d'outre-mer, les conditions de travail sont dignes ».

Pour offrir de nouveaux débouchés à ces producteurs, Jean-Pascal Schaeffer décide de créer une place de marché numérique baptisée Ekumen selon un système proche de la vente directe. « En commerce équitable, le producteur perçoit moins de 5 % du prix de vente. Ici, c'est 85 % ».

Le transport, faute de pouvoir être effectué en bateau à cause des délais trop longs, est réalisé par avion.

Mise en lumière et accompagnement des producteurs

Une fois le fonctionnement établi, Ekumen doit se doter d'une architecture suffisamment robuste, puis se lancer dans la recherche des producteurs qui alimenteront la plateforme. Un périple qui commence par la Réunion, département d'outre-mer le plus peuplé avec près de 900.000 habitants.

Mais il ne suffit pas d'identifier et de convaincre ces producteurs. « Notre plus-value est dans l'accompagnement qu'on leur apporte ». Un accompagnement qui porte tant sur le marketing que sur le numérique et la logistique.

La plateforme est lancée en avril 2019 et semble bien décoller avant d'être interrompue par l'épidémie de covid-19. « Pour les producteurs qui dépendent beaucoup du tourisme [agrotourisme notamment, ndlr], ça a été très dur. Ils ont été assommés. Beaucoup se sont agités autour du numérique, y voyant une solution à tout. Mais ce n'est pas si simple ». Et de regretter la situation oligopolistique des Gafam devenus incontournables même lorsque l'on souhaite travailler en circuit court. « C'est assez antinomique quand on y pense. Ces multinationales se fichent de notre développement et nous positionnent au même niveau qu'un Amazon qui ne se pose pas la moindre question sur les valeurs humaines et l'environnement ». Une compétition qu'il juge déséquilibrée. D'où l'intérêt de chercher à se structurer pour développer le plus d'aspects possibles (marketing, publicité...) de manière indépendante.

Migration vers une nouvelle architecture, diversification de la gamme

Mais d'ici là, l'heure est au bilan et à l'amélioration des faiblesses. Pour l'heure, la plateforme recense 150 producteurs et 1.000 à 2.000 visiteurs mensuels. « Notre site est robuste, les producteurs s'en sortent, mais les niveaux de vente sont modestes ». En cause notamment, un défaut devenu un handicap : l'impossibilité de disposer d'un panier numérique et de payer en une seule fois plusieurs produits. D'où la décision de migrer vers une autre architecture effective d'ici la fin du premier semestre de 2021.

Cela devrait accroître la visibilité de la place de marché qui souhaite attirer non seulement des connaisseurs des produits qu'elle propose mais aussi, plus largement, un public sensible à l'achat de produits français. Des clients qu'il faut par ailleurs fidéliser en étoffant l'offre. « On a déjà de l'alimentation, des bijoux, des cosmétiques, on aimerait aussi proposer du textile. En Métropole par exemple, les T-Shirt ne sont pas un vêtement à part entière. C'est moins le cas en outre-mer où l'on trouve des modèles plus qualitatifs et sophistiqués ».

Un partenariat avec le Salon de la gastronomie

Autre piste de développement : un potentiel partenariat avec les organisateurs du Salon de la gastronomie des outre-mer et de la francophonie (Sagasdom), avec qui des discussions sont en cours. « On pourrait mixer nos compétences pour offrir aux producteurs une visibilité tout au long de l'année ».

Une visibilité et des débouchés supplémentaires. « Notre ambition n'est pas tant de créer des tas de postes au sein d'Ekumen, mais plutôt de dynamiser l'activité des producteurs et de booster l'emploi chez eux, grâce aux bienfaits de notre marketplace ».

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Commentaire 1
à écrit le 14/05/2021 à 11:52
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Très intéressant ! On voudrait en savoir davantage !

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