Comment Spectronite veut disrupter l’industrie du réseau mobile

Spécialiste des liaisons radio point à point, la start-up basée à Sophia Antipolis a développé une technologie logicielle programmable permettant aux opérateurs de déployer la 5G en multipliant par dix le débit et la capacité de leur réseau. Une approche totalement inédite, expérimentée avec Orange en situation réelle et hostile l’automne prochain, qui suscite un intérêt grandissant.
(Crédits : iStock)

C'est une petite révolution qui se prépare du côté de la technopole de Sophia Antipolis. Une approche totalement inédite qui, si elle réussit, pourrait bien transformer l'industrie du téléphone mobile. Du moins, la partie liaison radio point à point, celle qui permet de transporter la communication d'un téléphone à un autre en dialoguant d'une antenne relais à une autre. "On parle beaucoup de fibre optique mais à ce jour ce sont les liens radio point à point qui acheminent la plus grande partie les communications 4G", souligne Jean-Philippe Fournier. Et c'est à ce segment précis que le dirigeant-fondateur de Spectronite, passé par Siemens, Bouygues Télécom et Texas Instruments, s'attaque dans un contexte de pré-déploiement de la 5G. Censée réduire le temps de latence en multipliant par 10 le débit et la capacité par rapport à la génération précédente, elle suppose, pour éviter tout goulot d'étranglement, "d'augmenter d'autant la capacité des liens radios qui font l'interconnexion à l'intérieur du réseau de l'opérateur. C'est ce que nous faisons".

Bouger les lignes

Fondée en 2020, Spectronite développe en effet une technologie logicielle capable de décupler la capacité de ces liens radio. "La capacité des solutions existantes fournies par les équipementiers télécoms que sont, pour ne citer que les plus gros, Huawei, Ericsson et Nokia, est définie et limitée par l'équipement radio en lui-même. C'est le règne du hard en quelque sorte. Or, nous, notre force, c'est le logiciel. Nous avons donc imaginé une solution logicielle permettant de s'affranchir de cette dépendance. Intégrée dans un modem générique, fixé sur l'antenne, elle permet aux opérateurs qui l'auront installée dans leur réseau de programmer et d'augmenter le débit, et ce jusqu'à 10 fois plus que le débit des radios existantes". Ce qui correspond aux besoins de la 5G. Autrement dit, "nous venons transformer un modèle totalement hardware en un modèle essentiellement logiciel et programmable".

Repérée par Orange lors d'un appel à projets dédiés à la 5G lancé en février 2020, la technologie Spectronite a été testée et validée au sein des laboratoires de l'opérateur français en novembre. Elle se prépare désormais à une expérimentation de trois à quatre mois en situation réelle... et hostile. "Nous allons être passé sur le grill, sourit Jean-Philippe Fournier. Notre solution va être installée dans le réseau mobile d'Orange à Saint-Pierre-et-Miquelon durant l'hiver prochain, un des lieux les plus difficiles en termes de transmission de radio." Pour autant, le dirigeant reste confiant : "La technologie logicielle que nous utilisons est par nature plus robuste que les radios existantes dans ces environnements hostiles. C'est donc pour nous une très bonne opportunité de démontrer la supériorité de notre solution par rapport à celle aujourd'hui utilisée".

Trois opérateurs sur les rangs

Il convient donc dès à présent d'organiser son industrialisation. En France si possible. "Nous avons besoin de maîtriser de bout en bout la qualité de nos équipements radio", insiste le dirigeant. Une levée de fonds, en cours de clôture, viendra en partie financer cette étape. La somme, attendue avant l'été, devrait s'établir entre 2 et 3 M€. Elle devrait également permettre à l'entreprise incubée par Télécom Paris et membre du pôle SCS de démarrer un plan d'embauche qui portera son effectif de 3 personnes à ce jour, à 8 en fin d'année et à 15 à fin 2022. Des ingénieurs logiciels et radios sont principalement recherchés. Cette montée en puissance vise à servir, dans un premier temps, les trois opérateurs qui ont déjà fait preuve d'intérêt : Orange donc, mais aussi un des plus gros opérateurs mobiles européens, ainsi que Korean Telecom.

En termes de chiffre d'affaires, là aussi l'entreprise veut s'inscrire sur une courbe ascendante rapide pour flirter avec le million d'euros dès l'exercice 2022 et atteindre 10 millions d'euros deux ans plus tard. "C'est un marché colossal, mature et établi qui a un vrai problème de capacité auquel on peut répondre. Le besoin client ne sera pas une limite", assure le dirigeant. D'autant que la vision de la jeune pousse va au-delà de la programmation dédiée à l'augmentation de la capacité des radios. A cet égard, "notre radio logicielle n'est pas un objectif en tant que tel mais plutôt un moyen de transformer le marché en permettant aux opérateurs de créer des réseaux autonomes, auto-apprenants et capables de décider à quel moment ils doivent utiliser telle ou telle fréquence. C'est là que nous voulons emmener Spectronite d'ici trois à cinq ans".

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