« Il existe un avenir pour les entreprises de tourisme de savoir-faire », (Anne Lechaczynski, La Verrerie de Biot)

Si la réindustrialisation fait renaître la volonté de consolider la filière et encourage à la construction de nouvelles usines, l’industrie possède également des pépites un peu à part, qui s’appuient sur des métiers artisanaux, un savoir-faire d’autant plus précieux que menacé de disparition s’il n’est pas transmis, alors même que ces entreprises, très ancrées dans leur territoire, constituent également une part du tourisme, celui curieux du mode de fabrication de certains objets du quotidien. Une analyse que porte Anne Lechaczynski, invitée d’Azur Business, et qui tient les manettes de l’un des fleurons industriels français, La Verrerie de Biot, entreprise familiale qui a donné vie au verre bullé et qui n’en n’oublie pas pour autant l’apport des nouvelles technologies dont l’IA.
(Crédits : DR)

L'industrie n'a jamais autant été « à la mode » que depuis ces quatre dernières années. De plan de réindustrialisation post pandémie aux 55 sites clés en main identifiés par l'Etat pour aller plus vite dans les projets de réalisation de nouvelles usines, sans oublier Territoires d'industrie, dispositif qui vise à unir entreprises et institutionnels pour lever les possibles freins qui gênent l'industrialisation... tout va dans le bon sens, en quelque sorte et c'est exactement le message que distille Anne Lechaczynski. A la tête de l'entreprise familiale, elle porte un regard acéré sur le sujet, nourri par les années d'expérience, dont une partie sur le sujet export. Il faut dire que La Verrerie de Biot à la particularité d'être une entreprise industrielle, certes, mais une entreprise du tourisme de savoir-faire. Car derrière le côté purement touristique, c'est un savoir-faire, un métier, un art que la PME défend et promeut.

Souffleur, un « slow-métier » à transmettre

Une expertise artisanale qui aujourd'hui trouve précisément résonnance dans le public. Lequel s'attache désormais à mieux connaître la façon dont les produits sont fabriqués, quels circuits ils empruntent, comment ils naissent. Une curiosité qui créer l'appétence, une volonté « d'aller voir derrière le produit, comment celui-ci est fait, avec l'internationalisation on perd un peu la réalité des choses », souligne Anne Lechaczynski.

Une curiosité saine qui porte le tourisme lié à ces entreprises de savoir-faire. « La pandémie a donné envie de revenir à l'essentiel », observe Anne Lechaczynski. « Nous sommes davantage à la mode, même les autochtones, les locaux, ceux qui nous connaissent mais ne nous fréquentaient plus forcément, reviennent visiter ces pépites, si proches de chez eux ».

Un avenir existe donc bel et bien pour ce secteur, qui a souffert il y a quelques années et la dirigeante de la Verrerie de Biot le dit bien aisément. « Cela n'était pas évident mais aujourd'hui il existe véritablement un avenir pour ces entreprises qui répondent au label EPV, entreprises du patrimoine vivant ».

La curiosité, jolie qualité

« De plus en plus de personnes veulent voir comment se crée un verre. Il y a celui qui se fait de façon industrielle et celui qui se fait à la main, ou plutôt, le « soufflé bouche » ». Un métier particulier, classé au patrimoine immatériel de l'humanité par l'Unesco. Un « slow-métier », dit Anne Lechaczynski car « il faut dix à quinze ans pour qu'un jeune se forme, ce qui est très compliqué à l'heure des réseaux sociaux où tout exige de la réactivité, de la rapidité. Donc il est vrai qu'il est compliqué actuellement de trouver des jeunes désireux de faire ce métier ». Pourtant, Anne Lechaczynski voit dans le classement accordé par l'Unesco un élément pouvant générer une certaine appétence. « Tous les métiers ne sont pas inscrits à l'Unesco », fait-elle remarquer, « nous espérons vraiment que cela va créer des vocations ».

Rien ne se perd, rien ne se crée...

A Biot, La Verrerie emploie 9 souffleurs et une vingtaine de personnes, avec un rythme d'ouverture 7 jours sur 7. Et si le tourisme industriel est un axe majeur pour la PME française c'est que 70% de son chiffre d'affaires est généré par le tourisme. D'ailleurs, Anne Lechacczynski ne cache pas se réjouir de la très bonne performance de l'aéroport Nice Côte d'Azur. La plateforme aéroportuaire a, en effet, accueilli 14 millions de passagers en 2023, tous de potentiels visiteurs et tous participant à créer une manne qui vient soutenir, plus ou moins indirectement, le tissu local.

Autre sujet qui résonne avec les problématiques économiques actuelles, quid de la transmission, pas uniquement celle des savoir-faire mais celle de l'entreprise elle-même ? Opportunité ou pas ? Définitivement oui pour Anne Lechaczynski qui y voit une façon de ne pas partir de zéro et donc de pouvoir plus vite atteindre un certain niveau, elle qui a repris les rênes de l'entreprise familiale, née en 1956. « C'est une chance. Se dire aussi que si nos parents ont pris la décision de nous léguer l'entreprise c'est la volonté de perpétuer à travers nous, leur travail ».

Parce que le verrier « transforme la matière, transforme la lave en un objet délicat et que c'est magique », La Verrerie réalise la majorité de ses ventes en direct, sur place et très peu - à hauteur de 10% - via son site de e-commerce. Une attitude à contre-courant qui dit beaucoup de ce que provoque l'artisanat comme émotions et réactions. Mais tout cela ne tient pas la PME loin des nouvelles technologies. Au contraire, la proximité de la technopôle Sophia-Antipolis permet de créer des ponts en terme tech et IA précisément. Et d'anticiper, de réfléchir à ce qu'est le tourisme de demain, aux expériences à créer pour le visiteur. C'est aussi par la technologie que le maintien, la promotion de l'art et de l'artisanat passent indiscutablement.

Replay ici

Azur Business Verrerie de Biot

*Depuis novembre 2021, La Tribune et BFM Nice s'unissent pour proposer chaque semaine une chronique économique, baptisée Azur Business, qui décrypte l'économie du territoire, ses enjeux, ses défis, les réussites et les problématiques. Tous les mardis, un invité vient apporter son analyse sur une thématique précise.

BFM Nice Côte d'Azur est à retrouver sur le canal 31 de TNT régionale et sur les box au canal 285/518 (SFR) et 360 (Bouygues).

La chronique est animée par Céline Moncel pour BFM Nice et Laurence Bottero, rédactrice en chef Méditerranée-Afrique du quotidien économique La Tribune.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.