La ligne haute-tension de Fos, entre opposition et enjeux stratégiques

Pour réussir le pari de l’électrification des grands projets industriels décarbonés, la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer doit être raccordée par une ligne dite de 400.000 volts. Cette dernière doit s’étendre sur 68 kilomètres jusqu’à Jonquières-Saint-Vincent dans le Gard, ce qui soulève le mécontentement des communes et parcs naturels présents sur le tracé.
(Crédits : RB)

Dire qu'il y a de l'électricité dans l'air est sans aucun doute l'expression la plus adaptée. Le projet de création d'une ligne aérienne haute tension qui doit traverser en grande partie les Bouches-du-Rhône fait l'objet depuis plusieurs semaines d'une forte contestation. Dernier exemple en date, ce dimanche avec une manifestation de 500 personnes à Arles. Ce rassemblement s'est déroulé pour le dernier jour officiel de la concertation publique débutée le 12 février et qui a donc pris fin ce 7 avril.

S'il est assez habituel de voir des habitants exprimer leur désaccord face à un grand projet qui les impacte - le phénomène est d'ailleurs appelé « Nimby » acronyme de not in my backyard, littéralement pas dans mon jardin - dans le cas de cette de ligne électrique l'opposition réunit aussi les différents élus. Le maire d'Arles (Horizons), Patrick de Carolis, était d'ailleurs présent à la manifestation. « Nous ne sommes pas contre le projet, nous sommes simplement défavorables au trajet qui nous est proposé », a-t-il expliqué à l'AFP.

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Element essentiel de la décarbonation

Ce projet, porté par le gestionnaire d'infrastructure RTE, consiste à relier Jonquières-Saint-Vincent dans le Gard, à Fos-sur-Mer et sa zone industrialo-portuaire (zip) par une ligne électrique de haute tension dite 400.000 volts. Le but est d'augmenter la puissance disponible, dite « installée » c'est-à-dire ce qui est nécessaire sur une même période, sur le territoire. De quoi rendre la construction de cette ligne véritablement stratégique pour pouvoir assurer la hausse des besoins électriques, estimée à 35% d'ici 2050 en France par RTE, notamment tirée par les ambitions de réindustrialisation et de décarbonation. Pour la seule ZIP, il manquerait pour les années à venir autour de cinq gigawatts, c'est autant que la consommation en basse saison de toute la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

« Il s'agit d'une autoroute de l'électricité », illustrait au début de la concertation Christophe Berassen, directeur du centre développement ingénierie Marseille chez RTE. Une autoroute qui s'étend sur environ 68 kilomètres et nécessite l'installation de 180 pylônes de 45 à 60 mètres de haut avec une emprise au sol allant de 50 à 100 mètres carrés. Des géants métalliques, que personne ne veut voir chez lui. « Cela fait de nombreuses décennies que la France n'avait pas développé de nouvelles lignes électriques », prévenait, dès novembre face au Sénat, le patron de RTE Xavier Piechaczyk, conscient que de tels chantiers auraient du mal à être acceptés.

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Un risque de retard fatal ?

Dans son projet, RTE identifie huit parcours possibles. De quoi impacter dix communes, cinq par département : Jonquières-Saint-Vincent, Beaucaire, Vallabrègues, Bellegarde, Fourques, Tarascon, Arles, Saint-Martin-de-Crau, Port-Saint-Louis et Fos-sur-Mer. En plus des villes, l'aire d'étude englobe les deux parcs régionaux des Alpilles et de la Camargues, une zone Natura 2000 ainsi que des monuments patrimoniaux. A cela, s'ajoutent les contraintes naturelles liées à l'eau ou des sols argileux.

Des acteurs qui agitent, presque unanimement, la menace d'une procédure judiciaire s'ils se trouvent sur le tracé retenu. « Tout le monde doit faire sa part pour la décarbonation », plaidait René Raimondi, maire (DVG) de Fos-sur-Mer et favorable à ce projet. Le projet étant qualifié d'intérêt général, la déclaration d'utilité publique qui permet l'expropriation est attendue pour 2025, sa faisabilité ne devrait pas être impactée malgré les oppositions. En revanche, un passage par la case justice lui ferait perdre du temps. Un retard qui pourrait être fatal.

« Les grands projets sont portés par des grands groupes qui ont des propositions pour s'installer dans d'autres régions. S'ils n'ont pas de l'eau ni de l'électricité décarbonée, ils choisiront de partir ailleurs », s'inquiétait, en janvier, Jean-Luc Chauvin, le président Chambre de commerce et d'industrie Aix-Marseille Provence. En amont de la concertation publique, la conseillère (Renaissance) régionale Isabelle Campagnola-Savon rappelait sa crainte de voir « les projets industriels aller ailleurs » en cas de délais trop longs. La mise en service de la ligne est prévue pour 2028. Le préfet de région, Christophe Mirmand, parle d'un « calendrier exigeant ». Xavier Piechazzyk parlait d'«une course contre la montre » face au Sénat... Il y a six mois.

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