Comment le tramway impacte l'activité économique de Marseille

Une étude publiée par l’Agam, l'agence d'urbanisme de l'agglomération marseillaise, décrypte les effets du tramway sur les activités des commerces et plus largement sur l'économie. Elle pointe notamment l'importance de la stratégie immobilière et foncière qui doit accompagner les nouvelles lignes.
(Crédits : iStock)

C'est le grand chantier en cours dans les rues de Marseille. Ou en tout cas le plus visible. L'extension de la ligne T3 du tramway, au nord et au sud, chamboule les rues avec des chaussées grandes ouvertes et des rails qui commencent à se poser. La mise en service de ces un peu plus de six kilomètres supplémentaires est prévue pour 2025. Le projet a beau être évoqué depuis près de dix ans, il s'agit d'un vrai évènement dans une ville ou le réseau de métro ajouté à celui du tram n'atteint que 35 kilomètres. Surtout, le rail urbain n'avance guère avec seulement 4 nouveaux petits kilomètres en dix ans.

Mais chaque nouvelle ligne ou extension impacte forcément la ville. « Ses effets ne se réduisent pas à ses apports en matière de déplacements et de mobilités mais vont bien au-delà », expose l'agence d'urbanisme de l'agglomération marseillaise (Agam) dans une étude publiée en octobre sur les effets du tramway sur l'activité économique et commerciale le long du réseau.

Le principal enseignement de ce document publié en octobre dernier est que le tramway ne révolutionne pas à lui seul les commerces ou les quartiers par lesquels il passe. Certes l'Agam note une augmentation du nombre d'établissements créé - de plus d'un salarié afin de ne pas inclure les auto-entrepreneurs - autour des lignes, mais précise qu'il serait « réducteur d'attribuer cette dynamique de croissance au simple fait du tramway, puisqu'on s'aperçoit que cette dynamique est similaire à celle de l'ensemble du centre-ville ».

Une mutation des commerces

Difficile donc de réaliser un grand constat général. Surtout que les trois lignes marseillaises traversent le coeur de la ville, déjà très dense et dynamique en termes d'emplois ou de nombre d'établissements. « En s'insérant dans des tissus économiques et commerciaux divers, le tramway ne possède pas le même rôle et n'a, par conséquent, pas les mêmes effets. En tant qu'objet de mobilité, il représente un levier, parmi d'autres, pouvant impacter les dynamiques économiques et commerciales en cours », indique l'étude. Une analyse qui ne s'applique pas en revanche aux zones d'activités en périphérie où « le tramway a permis de densifier l'offre économique autour des stations », quitte à faire partir l'industrie manufacturière à cause d'un conflit d'usage entre la route et le rail.

Finalement, ce sont plutôt les autres leviers actionnés, ou pas, qui influencent le pouvoir d'attraction autour d'une nouvelle ligne. Or « le tramway a rarement été accompagné par des opérations de réhabilitation » écrit l'Agam. Par conséquent, les transformations majeures n'ont pas eu lieu et certains axes peine à retrouver leur dynamisme, les travaux engendrant de la vacance. Là encore des facteurs exogènes peuvent rentrer en jeu. Dans les faits, le tram n'impacte que les établissements avec au maximum cinq salariés, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas soumis à des normes contraignantes.

Plus que le nombre d'établissements créés, c'est sur leur profil qu'un changement se remarque. « Les principales évolutions commerciales s'observent sur la partie commune des lignes T2-T3 et sur la ligne T3. On y observe un recul notable de la part des commerces de détail créés sur ces différents tronçons ». Entre le Cours Saint-Louis et la place Castellane, cette part passe de 58 à 43%. Une tendance à la baisse qui se constate aussi chez les établissements créés puisque sur la première partie de ce tronçon,le commerce de détail représentait 61% de ces nouvelles sociétés sur la première partie contre 49% une fois cette extension du tramway terminée. « Cette baisse s'effectue principalement au profit d'activités de services, activités spécialisées et techniques notamment », précise l'Agam.

Pas d'impact sur le tertiaire

L'agence ajoute par ailleurs « que certains commerces sont plus « tramway-compatibles » que d'autres, notamment l'équipement de la personne, l'alimentaire et le petit équipement de la maison ». Comme avancé en amont, la seule présence du tramway ne suffit toutefois pas à expliquer ces changements.  La forte augmentation de la part des établissements d'hébergements et de restauration dans le centre-ville de manière globale, et donc le long des lignes de tramway notamment la T1 avec un part passé de 2 à 16%, est aussi dû à « la requalification de l'espace public permise par le tramway » estime l'Agam.

Le cas de la rue de République le montre bien. Cette artère qui part du Vieux-Port pour rejoindre le quartier de la Joliette est souvent considérée comme maudite car régulièrement au coeur de grands projets de transformation qui ne se concrétisent pas. Avec le tramway, la stratégie commerciale était d'agrandir les surfaces des commerces pour permettre l'arrivée de grandes enseignes. Mais ce choix  « a entraîné une suroffre commerciale qui s'est vue accentuée par la construction des Terrasses du port ». Face à cette situation, la rue de la République propose désormais une offre autour de « l'équipement de la maison et la décoration, la restauration, le soin de la personne, et les commerces de proximité »

Pour ce qui est du bureau ou de l'implantation de grandes entreprises en revanche l'impact est très faible faute de rénovations « restées cantonnées à quelques opérations » hors Euroméditerranéen évidemment. « On observe encore peu d'effet immédiat sur le tertiaire lié au tramway. Il se limite principalement à sa fonction de desserte. Le marché du tertiaire s'établit par porosité à partir de secteurs déjà dynamiques et autour de grandes entreprises locomotives », constate Lucile De Malet, responsable du département tertiaire sur la métropole chez Cushman & Wakefield, interrogée par l'Agam. Elle poursuit : « Pour le tertiaire, les tendances sont liées à la typologie existante. Sur les axes que le tramway traverse dans le centre-ville, l'offre tertiaire est particulièrement inadaptée aux besoins. Avec des locaux souvent non conformes aux normes d'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite et pour les établissements recevant du public ». Un constat comme autant de pistes d'amélioration...

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